Le Domaine de la Romanée-Conti et ses vins

Par Mauss

Sujet oh combien délicat, tant il est vrai que pour la vaste majorité des amateurs, ce sont des crus qu'on rencontre trop rarement et parfois dans un contexte qui n'est pas idéal : millésime fermé, circonstances grises, accompagnement pas à la hauteur, vins mal conservés.

Ce sont effectivement des vins chers, trop soumis aux marchés gris, tant il y a d'amateurs fortunés qui ne sont pas allocataires des distributeurs de leur pays, et qui, par la force des choses, font monter les prix des crus revendus à Londres par des allocataires historiques.

La solution idéale est d'avoir des amis financièrement à l'aise et qui ouvrent de bon coeur les bouteilles que eux ont acquis pour les boire en partage.

Mais là encore, il y a une procédure à respecter.

Je m'explique.

Il y a sur cette planète des Domaines qui produisent des vins dont l'approche ne peut se faire que par étape. Déguster sans aucune préparation une Romanée-Conti, un La Tâche ou un Richebourg, c'est la plupart du temps passer à côte de ce qui se cache dans ces vins mythiques.

Soyons précis : quand on a une expérience de la Bourgogne basée sur des vins standards, des vins qu'on trouve relativement facilement chez les cavistes, on acquiert une certaine idée du vin bourguignon : tanins marqués, parfois acidité excessive, fruits un peu cachés, traces de rendements poussés, alors qu'on sort doucement des époques redoutables où la chaptalisation massacrait les finesses qu'on est en droit d'attendre du pinot noir bien élevé.

Avec cette mémoire forgée un tantinet sur ces médiocrités qui sont quand même quasi majoritaires en Bourgogne, quand on déguste pour une première fois un vin de la DRC (ou un Rousseau, un Mugnier, une Lalou), on peut, comme on le constate en Asie, assister à des incompréhensions manifestes.

Il n'y a pas plus fin qu'une Romanée-Conti, pas plus élégant qu'un La Tâche, pas plus délicat qu'un Echézeaux. Ce sont des vins qu'il faut approcher avec une grande attention, au risque de les manquer. Ne soyez donc pas surpris si, pour une première, vous allez douter de notre objectivité. Mais voilà comment faire.

En premier lieu, choisissez un beau Volnay ou Pommard ou Beaune auquel vous ajouterez, dans une petite série, un Chambolle ou un Morey (donc côte de beaune, puis côte de nuits). Afin de vous mettre dans le contexte des bourgognes. Bien sûr, on ne peut que vous conseillez de choisir de belles choses, style Vigne de l'Enfant-Jésus ou un Corton de Bonneau du Martray. En Nuits, un premier cru de Taupenot-Merme ou du voisin d'en face, Perrot-Minot. Vous voilà dans l'ambiance de beaux pinots noirs.

Alors, et alors seulement, et en y portant toute votre attention, vous allez déguster cette rose ± fanée qui est la signature des plus beaux terroirs de la DRC. Vous serez probablement surpris. D'abord par la couleur (il y a des millésimes où on frise le rose soutenu), puis par la discrétion envoûtante du nez, et enfin par une longueur diaphane (et ne manquant aucunement de matière ou de structure) qui est au grand vin ce que Iseult chante à la fin de Tristan.

Ici, comme chez Mugnier ou Rousseau, on peut parler du style voulu par le vigneron, mais avant tout, vous aurez dans votre verre la marque d'un terroir tel qu'il est ressenti par ce vigneron dont la modestie de "faiseur" est la plus belle marque de respect qui l'habite dans son rôle de "magnificateur" du pinot noir, le cépage rouge impérial de cette planète terre.

Si un cru de la DRC vous est proposé à table, surtout goûtez le avant le service du plat, tant, en lui-même, il mérite une totale attention. Comme pour un UNICO de Vega Sicilia, il faut dédier tous ses sens à ce moment rare, tant on peut bêtement passer à côté du sublime.

Cela peut paraître bizarre de parler comme cela : "comment peut-on passer à côté d'un tel vin si c'est un chef d'oeuvre ?" Ma foi, vous poserez la question à votre psy habituel, car je n'ai pas la réponse, mais simplement l'expérience de cet état de chose. Mais bon : je ne m'appelle pas Bettane ou Roger ou Poussier. :-)

Notre dégustation des 2011 avec Monsieur Noblet fut donc un réel moment de communion autour de ce mystère que sont les grands crus de la côte de nuits… quand ils sont de noble origine. Et oui, trois fois oui, en passant d'un La Tâche à une Romanée-Conti, on fait encore un saut qu'on attendait pas aussi important. C'est simplement géant.

Alors, que faire pour accéder à ce nirvana du vin ?

- d'abord se renseigner sur les bons millésimes à boire en ce moment (contacter LPV ou Roger)

- ensuite, s'assurer de convives à la hauteur et qui ne vont pas chipoter à la Bonobo

- ponctionner discrètement sa tirelire, mais généreusement tout de même

- tant il est vrai qu'avec une bouteille, il est indécent de prévoir un service dépassant 6 verres.

Bon : ce que j'en dis, hein…

Une certaine perfection, dégustée lors d'une session du GJE au Piémont

Mes zozos millésimés 2013 autour du grand Noblet (sens propre comme figuré)