Par arrêt du 8 mars 2013 (n°12NC01489 ), la Cour administrative d’appel de Nancy vient d’annuler le permis de construire un parc éolien au motif que ce dernier procèderait d’une enquête publique irrégulière, le rapport du Commissaire-enquêteur étant insuffisant. Analyse.
Cet arrêt doit retenir l’attention des professionnels de l’éolien. La pratique du contentieux et l’analyse de la jurisprudence administrative démontrent que les opposants au développement de l’énergie du vent, comme les opposants à l’exploitation d’une ICPE en général, mettent souvent en cause la régularité de l’avis émis par le Commissaire enquêteur. Car si cet avis est irrégulier, l’enquête publique le sera également et, par voie de conséquence, l’autorisation administrative (permis de construire, autorisation ICPE..) délivrée au terme d’une telle procédure.
Il convient de rappeler que l’avis du commissaire enquêteur peut être irrégulier pour deux motifs principaux. Soit parce qu’il est insuffisant en ce qu’il procède de conclusions qui ne sont pas assez motivées. Soit parce qu’il révèle la partialité du Commissaire enquêteur.
A l’examen de la jurisprudence, il n’est pas possible d’affirmer que les annulations contentieuses pour irrégularité de l’avis du commissaire enquêteur seraient plus nombreuses que les rejets du moyen tiré de ce vice de procédure. De même, il n’existe pas réellement une «recrudescence » de ce motif d’annulation de telle sorte qu’il n’est pas utile d’être alarmiste mais simplement prudent.
Reste que cet arrêt rendu le 8 mars 2013 par la Cour administrative d’appel de Nancy démontre que tout maître d’ouvrage, tout pétitionnaire doit être extrêmement vigilant aux conditions de déroulement de l’enquête publique. Des pétitionnaires continuent de ne pas assez s’impliquer dans l’enquête publique, parfois convaincus – à tort – que cette procédure leur échappe, leur est en quelque sorte « extérieure ». Or, il existe des moyens de contribuer à la prévention d’un vice de procédure lié à l’organisation de l’enquête publique. Parmi ceux-ci, rappelons les quelques éléments suivants :
- le dossier d’enquête publique doit être complet mais aussi convaincant. Souvent rédigé par des spécialistes, il ne faut pas oublier que ce dossier s’adresse à des non spécialistes dont fait notamment parti … le juge. Le dossier n’a pas pour seule vocation de convaincre les autorités administratives compétentes. Il doit en outre convaincre le public consulté, les élus locaux, les commissions spécialisées (CODERST, CDNPS..) et le Juge, lequel sera peut-être saisi.
- la participation à l’enquête publique permet aussi d’améliorer la connaissance par le Commissaire enquêteur du dossier et du projet : il lui sera alors plus facile de motiver ses conclusions et son avis. A titre d’exemple, les réponses aux questions du commissaire enquêteur, le commentaire détaillé des observations émises par le public, la contribution à l’organisation d’une réunion publique en cours d’enquête publique sont autant de moyens d’appliquer le principe de participation du public et de sécuriser la demande d’autorisation
- les réponses apportées par le pétitionnaire seront souvent le premier élément du dossier scruté par le conseil du requérant qui demande l’annulation de l’autorisation délivrée ;
- une très importante réforme de l’étude d’impact et de l’enquête publique a été introduite par deux décrets en date du 29 décembre 2011.
D’une manière générale, il est indispensable de connaître parfaitement les règles d’organisation de l’enquête publique et, notamment, la liste précise des attributions du commissaire enquêteur, laquelle est assez étendue (cf. article L.123-13 du code de l’environnement).
Quel est le rôle du commissaire-enquêteur ?
Cet arrêt rendu le 8 mars 2013 par la Cour administrative d’appel de Nancy est intéressant en ce qu’il démontre l’importance d’un débat sur le rôle exact du commissaire enquêteur. Ce dernier demeure confronté à des exigences parfois multiples et contradictoires.
Il convient de rappeler que les dispositions de l’article R.123-19 dans sa rédaction modifiée par l’article 3 du décret n°2011-2018 du 29 décembre 2011 - art. 3
« Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies.
Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public.
Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet.
Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête transmet à l'autorité compétente pour organiser l'enquête l'exemplaire du dossier de l'enquête déposé au siège de l'enquête, accompagné du ou des registres et pièces annexées, avec le rapport et les conclusions motivées. Il transmet simultanément une copie du rapport et des conclusions motivées au président du tribunal administratif.
Si, dans un délai de trente jours à compter de la date de clôture de l'enquête, le commissaire enquêteur n'a pas remis son rapport et ses conclusions motivées, ni présenté à l'autorité compétente pour organiser l'enquête, conformément à la faculté qui lui est octroyée à l'article L. 123-15, une demande motivée de report de ce délai, il est fait application des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 123-15. »
NB : Il s’agit des dispositions réglementaires en vigueur actuellement et non telles qu’applicables aux faits objets des litiges sur lesquels les juges ont statué dans les décisions ci-après présentées.
Force est de constater que si le droit est précis sur le contenu du rapport que le commissaire-enquêteur doit rédiger au terme de l’enquête publique, une question de fond demeure : quelle est la fonction exacte du commissaire-enquêteur ? En schématisant, deux réponses sont possibles.
La première : le commissaire-enquêteur a pour seule fonction d’être le garant de l’application du principe de participation du public. C’est pourquoi, il ne lui est pas demandé d’expertiser le projet soumis à enquête publique ni d’avoir une compétence en correspondance avec les caractéristiques de ce projet. Le Commissaire-enquêteur doit être impartial et s’assurer que les participants ont pu, d’une part disposer d’une information suffisante et accessible, d’autre part s’exprimer.
La seconde : le commissaire enquêteur ne saurait borner son intervention à la seule garantie du débat public. Il doit exprimer un avis sur le projet présenté à l’enquête publique et doit donc nécessairement, pour motiver son rapport, développer sa propre expertise.
Le droit en vigueur hésite entre ses deux options et tente de les cumuler. En forçant légèrement le trait, on pourrait dire que, sans prendre parti, le commissaire-enquêteur doit dans le même temps… prendre parti. Il doit être impartial, traiter à égalité les partisans et opposants du projet mais aussi donner son avis personnel, favorable ou défavorable. Et donc prendre position. Ce qu lui sera reproché par un camp ou un autre. Garant du débat public, le Commissaire-enquêteur doit aussi donner son avis. Par voie de conséquence, le statut juridique du rapport du commissaire-enquêteur suscite des interprétations divergentes.
Il serait fort utile de clarifier, d’une part la fonction exacte du commissaire-enquêteur, d’autre part, ses conditions de désignation et d’indépendance, précisément pour pérenniser cette institution indispensable au débat public.
A titre personnel, je pense que le rôle du commissaire enquêteur devrait être celui d’un garant du débat public. Au demeurant, soulignons que la Commission particulière du débat public, contrairement au commissaire-enquêteur n’est pas tenue d’émettre un avis personnel et motivé sur le débat public mais un simple compte-rendu. Le rapport du Commissaire enquêteur doit permettre de faciliter et d’éclairer la motivation de la décision administrative à venir.
L’article R.121- du code de l’environnement précise en effet :
« V.-Le président de la commission particulière élabore le compte rendu du déroulement du débat, et l'adresse à la Commission nationale du débat public de telle façon que le bilan dressé par le président de la Commission nationale du débat public puisse, ainsi que le compte rendu, être publié dans le délai de deux mois à compter de la date de clôture du débat. »
Autre exemple, celui donnée par la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement. L’article 2 de cette loi a modifié la rédaction de l’article L.120-1 du code de l’environnement et ne prévoit, au terme de la procédure de participation du public, le seul établissement d’une synthèse des observations du public.
Il serait précieux d’harmoniser les procédures de participation du public et le rôle, pour chacune, du garant de cette participation, lequel peut exister ou non, être appelé à émettre un avis personnel ou non.
L’annulation de l’autorisation administrative au motif de l’insuffisance du rapport du commissaire enquêteur
Par arrêt rendu ce 8 mars 2013 (n° 12NC01489), la Cour administrative d'appel de Nancy a donc annulé un permis de construire un parc éolien au motif notamment que le rapport du Commissaire-enquêteur était insuffisant. L’arrêt précise :
« 4. (…) que si le commissaire enquêteur n'est pas, en principe, tenu de répondre à chacune des observations formulées durant l'enquête publique, il lui appartient en revanche d'analyser lesdites observations et de motiver de façon suffisante son avis ; qu'il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur, en se bornant à plusieurs reprises, dans son rapport, à renvoyer au dossier élaboré par le maître d'ouvrage en réponse aux objections émises lors de l'enquête publique, dont il s'est approprié la teneur et qu'il a joint en annexe de son rapport, sans indiquer les motifs qui l'avaient conduit à écarter les nombreuses observations relevées, dont certaines étaient très argumentées, qui avaient été formulées au cours de l'enquête publique relative à l'implantation de six éoliennes sur le territoire de la commune de V., et qui portaient notamment sur la destruction du paysage, la fuite de la faune, le départ de la population du village, la sauvegarde de la qualité de vie, l'implantation tardive du mât de mesure du vent, la pollution visuelle et sonore, le respect du patrimoine (table d'orientation de X.) la proximité d'habitations, la fuite du gibier, n'a pas examiné, en se bornant à les énumérer de manière purement comptable, les observations ainsi formulées lors de l'enquête publique ; que, d'autre part, en se limitant à des considérations générales et peu circonstanciées sur les risques liés aux éoliennes dans la partie de son rapport contenant ses conclusions et en procédant à nouveau à un renvoi au dossier élaboré par le maître d'ouvrage, le commissaire enquêteur n'a pas assorti son avis favorable à l'opération projetée de conclusions suffisamment motivées ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les dispositions précitées de l'article R. 123-22 du code de l'environnement avaient été méconnues et ont, pour ce motif, annulé l'arrêté, en date du 19 août 2008 par lequel le préfet de la M. a accordé à la société E. un permis de construire un parc de six éoliennes, ensemble la décision du 5 décembre 2008 portant rejet de leur recours gracieux »
Pour la Cour, le Commissaire-enquêteur n’a donc pas suffisamment motivé son avis favorable. Il s’est irrégulièrement «borné » à comptabiliser les observations du public et a procédé à des renvois au dossier du maître d’ouvrage.
La jurisprudence procédant du contentieux administratif des installations classées pour la protection de l’environnement offre plusieurs exemples d’annulations pour un tel vice de procédure. La jurisprudence relative aux éoliennes en particulier témoigne également de l’exercice du contrôle du Juge sur ce point.
Par arrêt rendu le 13 août 2012, la Cour administrative d'appel de Douai (n°11DA01678) a ainsi annulé un permis de construire éolien au motif que le Commissaire enquêteur s’était « abstenu de se prononcer sur les critiques émises à propos des aspects défavorables du projet qui étaient très précisément détaillés dans un mémorandum d'une trentaine de pages émanant de l'Association X. » L’arrêt précise :
« Considérant que, dans les conclusions de son rapport établi à l'issue des enquêtes publiques organisées du 10 janvier 2005 au 9 février 2005 sur les projets en litige, le commissaire enquêteur a relevé que ceux-ci n'étaient pas implantés dans une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique ou une zone Natura 2000, n'affectaient pas de projet touristique dont il aurait eu connaissance et ne présentaient pas de danger du fait de l'éloignement de plus de 800 mètres de tout lieu habité ; qu'il a, par ailleurs, souligné l'existence des avis favorables donnés par les services et a renvoyé aux indications données par le maître d'ouvrage sur certains points sans toutefois se justifier ; qu'enfin, et alors même qu'il n'était pas tenu de répondre à toutes les observations, il s'est abstenu de se prononcer sur les critiques émises à propos des aspects défavorables du projet qui étaient très précisément détaillés dans un mémorandum d'une trentaine de pages émanant de l'Association X. signé par cinquante personnes dont il avait été saisi au cours de l'enquête publique ; que, compte tenu de la nature du projet et de ses impacts, il ne peut ainsi être regardé comme ayant émis un avis personnel et motivé au regard des exigences de l'article 20 du décret du 23 avril 1985 ; que, dans ces conditions, l'association B. est fondée à soutenir que les arrêtés du 25 mars 2005 sont intervenus au terme d'une enquête publique irrégulière ».
Il est de plus en plus fréquent que les pétitionnaires soient confrontés, dès le dépôt de leur dossier de demande d’autorisation en préfecture, à une contre-expertise. Ce risque demeure mal appréhendé. Ledit dossier est désormais communicable au public dès réception par l’administration sans besoin d’attendre l’ouverture de l’enquête publique. Dès le début de l’instruction et a fortiori en cours d’enquête publique, d’autres experts que ceux qui ont rédigé le dossier de demande d’autorisation et l’étude d’impact peuvent s’exprimer, rédiger mémorandums et rapports, écrire aux autorités administratives ou au commissaire enquêteur pour dénoncer telle carence, telle impasse ou telle contradiction du dossier.
Le caractère suffisant du rapport du commissaire enquêteur
Inutile cependant de céder au pessimiste. Le Juge administratif demeure attaché à ce que l’enquête publique ait pour vocation première d’alimenter le débat démocratique, pas le débat judiciaire.
C’est ainsi que la Cour administrative d'appel de Lyon, par arrêt rendu le 28 février 2013, (n°12LY01689) a pu juger que la commission d’enquête n’est pas tenue d’expertiser le projet et est en droit de souligner la qualité du projet :
« 7. Considérant que le rapport de la commission d'enquête intervenue dans le cadre de la procédure critiquée a analysé avec soin et classé par thèmes les nombreuses observations consignées dans le registre d'enquête publique ou qui lui ont été adressées par courrier ; qu'en synthétisant les réponses que la société Parc Eolien de Sarry a elle-même entendu y apporter, cette commission ne s'est ni déchargée de sa mission ni alignée sur les positions du pétitionnaire, qu'elle a au contraire commentées et critiquées, apportant ainsi ses propres réponses auxdites observations ; que, contrairement à ce qu'énonce le jugement attaqué, l'avis favorable qu'elle a rendu est suffisamment motivé, y compris à propos de l'impact visuel et de l'insertion paysagère du parc éolien, alors même qu'il n'aborde pas expressément la question de la covisibilité du parc éolien envisagé avec les installations de même nature déjà autorisées ; que la circonstance que cet avis souligne la bonne qualité générale de l'étude d'impact, prend acte sans réserve des engagements du pétitionnaire et comporte des considérations générales tendant à promouvoir l'énergie éolienne ne saurait suffire à le faire regarder comme superficiel et insuffisamment personnel ou comme manquant de recul à l'égard du projet ; »
De même, la Cour administrative d’appel de Nantes, par arrêt du 27 avril 2012 (n°10NT01377) a jugé que le commissaire enquêteur n’et pas tenu de se prononcer lui-même sur des aspects techniques du projet (paysage, faible production..) et peut émettre un avis favorable :
«Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'environnement : "Le rapport et les conclusions motivées du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête sont rendus publics (...)" ; que la circonstance que le rapport du commissaire enquêteur, dont les conclusions motivées sont favorables à l'implantation du parc éolien projeté, soit dépourvu d'observations sur les risques d'atteinte visuelle aux monuments historiques avoisinants et sur la faible production électrique escomptée est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté ; »
Reste qu’il faut bien admettre que cette jurisprudence est assez subtile. Le Commissaire enquêteur est en effet tenu de se prononcer sur les critiques émises contre le projet sans toutefois être contraint d’émettre de lui-même une analyse sur tel aspect technique.
Absence de violation du principe d’impartialité
La partialité du commissaire enquêteur est souvent mise en cause, ce compris devant les tribunaux, par les opposants ou les partisans d’un projet soumis à l’enquête publique. L’étude de la jurisprudence révèle que le Juge admet plus aisément l’insuffisance que la partialité de l’avis du Commissaire enquêteur.
La Cour administrative d'appel de Nancy, par arrêt du 26 juin 2012 (n°11NC01208) a ainsi jugé que le commissaire enquêteur peut refuser la tenue d’une réunion publique ou émettre un avis favorable sans être immédiatement l’auteur d’une violation du principe d’impartialité :
« Considérant, d'une part, que, comme l'ont à bon droit indiqué les premiers juges, la circonstance que le commissaire enquêteur désigné pour l'enquête publique relative au projet litigieux avait également été désigné pour diriger l'enquête publique relative au projet initial, et pour lequel il avait prononcé un avis favorable, ne suffit pas, à elle seule, à établir qu'il aurait manqué à son devoir d'impartialité ; que, d'autre part, si le commissaire enquêteur a notamment indiqué, dans son rapport, qu' " il apparaît que la population en général ne se montre pas hostile au projet. L'impact environnement semble être relativement bien accepté, la transformation du paysage ne semblant pas être la préoccupation première, même si ces éoliennes seront d'autant plus visibles de loin qu'elles seront plus puissantes. Les riverains ne sont pas amenés à se plaindre d'une dépréciation de leur bien immobilier. " et " que les opposants à ce projet, dont la caractéristique unique est d'être directement concernés (propriétaire, locataire), sont largement minoritaires ", il a cependant détaillé de manière précise les vingt observations recueillies, pour la plupart hostiles au projet, en les synthétisant par catégories, démontrant ainsi son absence de partialité ; que la circonstance qu'il a consacré des passages de son rapport au problème posé, pour la population, par l'existence de deux projets concurrents, faisant tous deux l'objet d'un recours, celui du Mont de l'Arbre et celui objet du litige, ne saurait être regardée comme un manque d'impartialité ; qu'enfin, il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article L. 123-9 du code de l'environnement que le commissaire-enquêteur soit tenu d'organiser une réunion publique ; qu'au demeurant, le commissaire enquêteur a indiqué, dans son rapport, qu'il n'avait pas jugé nécessaire d'organiser une réunion publique supplémentaire dès lors que le projet est dans la même configuration que celui mis à enquête publique précédemment en novembre-décembre 2005 ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le commissaire enquêteur aurait méconnu le principe d'impartialité ; »
Dans le même sens, la Cour administrative d'appel de Nantes, par arrêt du 14 décembre 2012 (n°11NT00100) a jugé que le Commissaire enquêteur est en droit de constater le caractère complet de l’étude d’impact sans être accusé de partialité :
« 5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur, qui n'était pas tenu de répondre à chacune des observations qui lui avaient été soumises, a analysé l'ensemble des observations formulées lors de l'enquête en les classant par thèmes, dont celles émises par l'association V. ; que, s'il a indiqué que les éléments concernant l'impact éloigné du projet avaient été pris en compte lors de l'étude environnementale, que les organismes et collectivités territoriales consultés s'étaient prononcés favorablement au classement en Zone de Développement Eolien du site d'implantation des éoliennes et qu'il "fallait en prendre acte", il a toutefois émis, sans faire preuve de partialité, un avis personnel et motivé sur le projet conformément aux dispositions précitées des articles L. 123-10 et R. 123-22 du code de l'environnement ; »
Prise en compte de l’analyse du commissaire enquêteur par le Juge
Une très rapide étude de la manière dont le Juge administratif démontre que la problématique ne se réduit pas à la suffisance ou à l’impartialité du commissaire enquêteur. Très concrètement les maîtres d’ouvrages et pétitionnaires ne doivent pas simplement s’inquiéter du caractère suffisant et impartial du commissaire enquêteur. L’analyse produite par ce dernier est susceptible d’alimenter celle du Juge.
L’arrêt rendu par la Cour administrative d'appel de Marseille, le 19 juin 2012 (n°10MA02560) témoigne de ce que la mise en évidence d’une carence du dossier de demande d’autorisation par le commissaire enquêteur contribue à en souligner la gravité :
« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation, auquel est annexée la synthèse de l'étude d'impact du parc éolien A. réalisée en 2005, décrit et évalue les incidences sur l'environnement dans ses chapitres II et III ; que, toutefois, il ne comporte aucun document de photomontage ni aucun élément permettant d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement ; qu'aucun autre élément du dossier ne permet de pallier cette carence ; qu'ainsi le conseil municipal n'a pas pu approuver la révision simplifiée du POS ayant pour seul objet cette opération avec une connaissance suffisante du dossier pour en apprécier le bien-fondé, notamment sur sa composante la plus importante ; que le commissaire enquêteur a d'ailleurs souligné cette lacune dans son rapport ; qu'eu égard à l'importance du projet, l'impossibilité de se rendre compte de son impact visuel sur le paysage environnant entache d'insuffisance l'évaluation environnementale prévue par les dispositions précitées ; que, dès lors, M. A et l'association D. sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le rapport de présentation ne méconnaissait pas ces dispositions ; »
De la même manière, la Cour administrative d'appel de Douai, par arrêt du 17 janvier 2013, (n°11DA01542) a pris soin de souligner que le commissaire enquêteur avait lui aussi « regretté » une insuffisance du dossier mise en relief par les requérants :
« 15. Considérant que, d'autre part, si l'étude d'impact comporte une étude acoustique, elle se limite à une seule mesure au droit des habitations situées à quelques centaines de mètres des éoliennes ; que si ces habitations sont certes les plus proches du projet litigieux, elles se trouvent également à proximité immédiate de la route départementale 928 dont la circulation relativement dense tend à réduire le phénomène d'émergence sonore lors du fonctionnement d'aérogénérateurs ; qu'il ne ressort ni de l'étude d'impact ni des autres pièces du dossier que l'étude acoustique ainsi conduite suffirait à rendre compte du niveau d'émergence sonore provoquée par le fonctionnement de ces machines vis-à-vis des autres habitations situées quelque peu en retrait des autres maisons et de la route, à environ 670 mètres, et dans un environnement plus calme ; que le commissaire enquêteur a, d'ailleurs, regretté qu'une série de mesures aux abords de la commune de X. n'ait pas été faite, compte tenu de sa situation par rapport au projet, qui aurait permis d'avoir des indications sur les niveaux de bruit ambiant dans ce secteur isolé des voies routières importantes et recommandait en conclusion de son rapport une série complémentaire de mesures de bruit aux abords de la commune »
Conclusion
La vigilance du Conseil d’Etat à l’endroit du juridisme procédurier ne saurait suffire (jurisprudence Danthony). Le législateur doit s’emparer de cette question des conditions d’organisation du débat public environnemental en général et du rôle du commissaire enquêteur en particulier. Il serait particulièrement regrettable que le débat public devienne une source de vice de procédures. Telle n’est certainement pas sa fonction. Dans cette attente, les pétutionnaires doivent s'attacher à préparer l'enquête publique et prévenir le risque contentieux dés la rédaction de leur dossier de demande d'autorisation. En cours d'instruction, faire relire par un juriste les réponses écrites au commissaire enquêteur ou le rapport de ce dernier sera également indispensable.
Arnaud Gossement
avocat associé
Selarl Gossement avocats