Je voudrais dans ce billet sur le Go évoquer des situations para normales :
- la connexion sans connexion
- les pierres sous les pierres
Ces 2 points semblent aller à l'encontre des règles élémentaires du Go. Vous verrez que suivant le point de vue qu'on adopte, la grille de lecture qu'on applique, il n'en est rien.
Commençons par la connexion sans connexion :
On a indiqué dans un billet passé que les pierres au Go se connectent entre elles à travers leurs libertés communes et forment ainsi des chaînes de pierres.
Nous allons observer 2 chaînes non physiquement connectées dont l'une profite des libertés de l'autre comme si elles étaient connectées mais unilatéralement.
Voici la scène :
Mettons des mots sur ce que nous observons. Noir encercle Blanc qui encercle Noir. Vous voyez la chaîne de pierres noires encerclées par les chaînes de pierres blanches. Comptons sur nos doigts :
Marquées d'un triangle, les 2 libertés de la chaîne noire, d'un carré les 3 libertés de la chaîne blanche. 3 > 2, il semble que Noir soit mal parti : même s'il joue en 1er en comblant une des 3 libertés de Blanc, Blanc répond est comble une liberté de Noir. 2 > 1, dans cette course de vitesse (semeia) Noir est en retard et semble devoir se faire une raison.
Posons nous une question : pour gagner cette course de vitesse, que faudrait-il ? 2 libertés de plus pour la chaîne noire nous amenrait à 2 + 2 = 4 libertés > aux 3 libertés de la chaîne blanche. Ce principe, ce fantasme, le fantasme de celui qui envisage les scénarii les plus déséspérés, farfelus, improbables, irrationnels... pour tenter de fuire son destin tragique, ce principe peut se réaliser!
Il y a une façon d'augmenter les libertés d'une chaîne de pierres : lui adjoindre une pierre. Mais dans notre cas de figure, une pierre noire posée sur une des intersections marquées d'un triangle non seulement n'ajoute pas de liberté à la chaîne mais lui en retire une. C'est un effet de bord (mauvais jeux de mots).
Le problème semble insoluble en l'état de la réflexion. Ouvrons nos horizons :
N1, Oh splendeur ! ... J'ai envie de refermer ce billet. Cette pierre avec ces 2 libertés dit tout. Blanc si cela lui était possible pâlierait. Que fait cette pierre? Elle empêche la chaîne blanche commençant en B4 et finissant en A2 d'approcher notre chaîne noire sur l'intersection marquée d'un triangle (A1) car se faisant elle se mettrait en atari. C'est la seule façon d'approcher notre chaîne noire. Tant que N1 est là l'approche est impossible. Blanc doit donc capturer N1 avant. Il lui faut pour cela combler les 2 libertés de N1. Une fois la capture de N1 faite, il lui faut approcher la chaîne noire en A1 puis la capturer. Comptons sur nos doigts : 4 coups. Problème : la chaîne blanche à droite de notre chaîne noire à 2 libertés n'a que 3 liberté : 4 > 3, Noir est en avance grâce à N1.
N1 partage ces 2 libertés avec notre chaîne noire et pourtant il n'est pas connecté à celle-ci. C'est ce que j'appelle connexion sans connexion. C'est une façon de voir les choses. Vous noterez que N1 ne profite pas des libertés de la chaîne profitant des siennes. Il s'agit d'une connexion unilatérale : A est connecté à B mais B n'est pas connecté à A...alors que A et B ne sont pas connectés.
La séquence décrite ci-dessus :
Ce jeu ne cesse de me surprendre.
Autre phénomène para normal, ishi no shita, la pierre sous la pierre. La scène :
Les mots : Noir est encerclé. Peut-il vivre? Comment?
Ce qu'il faut voir :
Sur le ton de conspiration : sous la pierre noire marquée d'un triangle il y a une autre pierre noire.
La suite plus tard.
Source : The Nihon Ki-in Handbooks of Proverbs