Le Recueil Social de la RATP créé par la RATP au début des années 1990 sur la base
du volontariat s'est donné pour vocation « d'aider quotidiennement les plus démunis en leur
apportant une première assistance et en les accompagnant vers des structures d’accueil s’ils le souhaitent ».
Ce service ne fait pas l'unanimité. Cette micro revue de presse n'est pas exhaustive mais donne matière à réfléchir.
Laissons à un SDF parisien très éclairé le soin de présenter à sa manière ce service. Je vous propose au passage de découvrir son site.
Cela fait très longtemps, il y avait une brigade spécialisée que les SDF surnommaient « les Bleus » ! Il s'agissait de policiers de la BAPSA, la Brigade d'Assistance aux Personnes Sans Abri de la Préfecture de Police. A l'époque, cette brigade était composée non seulement de policiers, mais aussi de mecs de la RATP !Ceux-ci étaient reconnaissables, car ils ne portaient ni arme, ni aucun insigne, contrairement aux policiers d ont les attributs de la fonction étaient bien visibles par dessus le treillis bleu qui caractérisait les agents de la BAPSA. et qui leur ont valu leur surnom auprès des SDF...
Ils emmenaient de force non seulement les vrais clochards, mais également tout ce qui était SDF, ou même qui se contentaient de faire la manche dans le métro... A l'époque, en effet, la BAPSA opérait également à l'intérieur du métro.
Les choses ont changé en Mars 1994, avec l'entrée en vigueur du Nouveau Code Pénal, qui a définitivement effacé cet anachronisme qu'était le délit de vagabondage, déjà inap- plicable depuis décembre 1988, avec la création du RMI, et en plus, depuis longtemps contraire au Droit Européen...
Depuis ce temps-là, les « Bleus » n'existent plus comme tels : La BAPSA est désormais composée uniquement de policiers, qui portent toujours certes le même treillis bleu, mais qui se compor- tent en accord avec les lois en vigueur. Et il y a belle lurette que plus personne n'est embarqué de force pour être conduit dans un centre d'hébergement d'urgence...
De plus, la BAPSA est cantonnée à la voie publique, et c'est la RATP qui a créé son propre service, qui a pris plus tard le n om de « Recueil Social ».
Ils passent dans les stations, souvent le matin. Ils proposent aux personnes qui sont en train de dormir dans le métro de venir dans un centre... Et à chaque fois, je leur répond :
-- Vous avez des chambres individuelles ?
Et je leur répète régulièrement que c'est évidemment normal de ne pas vouloir dormir avec d'autres personnes, qui peuvent vous voler, ou simplement vous refiler des puces, ou la gâle !
Alors, devant leur réponse éternellement négative, je leur dit que je reste où je suis, et que je les remercie. Et ils s'en vont.
Souvent, ils ajoutent que je ne peux pas rester là, comme ça, et que je dois me lever. Et circuler, comme ils disent tous. Je leur répond alors que je ne me lèverai pas, que je continuerai à dormir autant qu'il me plaira... Et que je refuserai carrément d'obéïr à chaque fois, qu'ils ne peuvent rien faire contre moi excepté faire déranger la police, puisqu'eux non plus, ils ne peuvent absolument pas utiliser la force.
Car au même titre que les contrôleurs, ils n'ont absolument aucun pouvoir de contrainte. SDF75
Et voici un autre témoignage signé Youphil, le Yovo, qui marche partout
Les deux dernières nuits ont été calmes, après les annonces usuelles de fin de services répétées une ou deux fois, pas d'avantage. Je ne sais pas si la RATP s'est fait taper sur les doigts ni si j'y suis pour quelque chose, mais des nuits qui nous permettent de nous reposer, non seulement c'est agréable mais ça nous permet aussi de quitter les quais plus tôt (de bonne heure et de bonne humeur, en somme), en ayant indisposés (par notre présence, qui dérange) le moins possible de "vrais" voyageurs. N'est-ce pas d'ailleurs là le souhait de la RATP ?
Un incident bizarre, hier soir : des agents du "Recueil Social RATP" qui passaient sur le quai (ce n'est pas tous les jours) m'ont abordé, depuis qu'ils ont réussi à m'envoyer à Nanterre et que j'en suis revenu ventre à terre (et sans y avoir passé la nuit, surtout), le discours a changé : maintenant, c'est "vous venez avec nous ou vous quittez la station !", point barre !
J'ai dit "non" à chaque fois, ça y est, je suis entré dans la résistance !
Mais je commence à me poser des questions : c'est quoi, ces mecs, au juste ? Des vigiles déguisés ?
Un récent article du
Parisien
Il n’y a pas de portes, alors pour annoncer sa présence, Stéphane frappe sur la rangée de bancs laqués de rouge qui longent le quai, au RER de la station Nation (XIIe). « Bonjour, ca va? » Une tête sort d’un sac de couchage abîmé. L’homme semble avoir passé la nuit ici et n’a guère envie de répondre.
Stéphane n’insiste pas, il passe son chemin. Avec Mohamed et Najib, tous vêtus du même uniforme marron, ils
forment l’une des sept équipes du « recueil social », la brigade de la RATP qui vient au contact des sans-abri du métro. Ils sont
environ 300, des hommes pour la plupart, à passer leur vie dans ces souterrains de transit. Tous les jours, de 6h30 à 14 heures, Stéphane, « Momo » et Najib tentent de trouver un hébergement à
ces « clients », comme ils les appellent, ou de les aider dans leurs démarches administratives.
Ces dernières semaines, la régie a constaté une « concentration » inhabituelle des sans-abri dans une
dizaine de grosses stations, notamment Nation et Auber. Consigne a été donnée aux 52 maraudeurs de « travailler en priorité » sur ces sites. « On est toujours sur le fil entre la
non-assistance à personne en danger et l’entrave à la liberté, commentent-ils. Le but de la RATP, c’est de rendre le métro propre pour tous les usagers. On essaie d’inciter les SDF à sortir, sans
les forcer. »
Stéphane et ses collègues ne font pas de chichis. Ils parlent avec une cordialité un peu brutale, et
surtout, ils écoutent. La plupart sont d’anciens agents de sécurité. Il y a quelques mois, l’équipe de 6h30 a fini par trouver un logement stable à un SDF à la rue depuis quinze ans. « On lui
a payé le resto pour fêter ça, il avait les larmes aux yeux, confient-ils. C’est pour des
moments comme ceux-là qu’on se lève le matin. »
Cette histoire reste une exception. Les yeux mangés par sa casquette de titi, Jean-Michel* refuse toujours
d’intégrer la place en maison de retraite que lui proposent les services sociaux. « Y a que des gagas là-dedans, bougonne-t-il. Moi, j’aime bien mon autonomie. »
Aujourd’hui, il accepte de monter dans la camionnette blanche de la RATP. « C’est pour faire plaisir à
leurs statistiques… J’aime pas les transports en commun », déclare le SDF. Il paye chaque mois son passe Navigo pour circuler dans les stations. « À mon âge, je vais pas sauter les
barrières! » La camionnette file à la CAF, puis dans un centre d’accueil de la porte de Charenton avec Jean-Michel à bord. « Je me donne deux ans pour le convaincre », répète
Stéphane.
D’ici là, il y aura des centaines de refus et de nouveaux sans-abri, comme ce jeune polonais, arrivé à
Paris « depuis deux semaines et cinq jours » dans l’espoir de travailler. « La première fois qu’on l’a vu, il avait une grosse valise et dedans il n’y avait qu’une pomme », raconte
Stéphane. Ce garçon l’a ému, lui rappelant ses propres souvenirs d’errance, plus jeune. « On ne fait jamais ce métier par hasard. »
* Le prénom a été changé.
Le Parisien - Christel Brigaudeau | Publié le 11.03.2013
L'interview de Patrick Henry, fondateur du Recueil Social
Il aime secouer. Détailler en images les maux violents de la vie de clochard. Cela fait plus de trente ans que Patrick Henry
défend leur cause. Pour cela, on lui a donné une Légion d’Honneur, qu’il porte tous les jours au revers de sa veste. Patrick Henry est médecin. C’est lui qui a fondé le « recueil social » de la
RATP. Avant cela, il avait créé « la première consultation pour les SDF », à l’hôpital de Nanterre (Hauts-de-Seine).
« Je me vante d’être le premier clodologue! »
Retour dans les années 1980. L’hôpital de Nanterre, géré par la préfecture de police, parque la misère du
monde. Les expulsés du métro sont conduits par fourgon au Chapsa, le centre d’hébergement et d’assistance pour les personnes sans abri. Le jeune médecin les
rencontre aux urgences. « Un jour, un clochard avec un plâtre au bras se plaignait que ça le grattait, se souvient-il. Quand j’ai enlevé le plâtre, il n’y avait plus que de la chair
putréfiée. On l’a amputé. Ce gars n’était pas une exception. Il fallait faire quelque chose. »
Plus de 50000 consultations plus tard, Patrick Henry rejoint la RATP. Autour de lui sont accrochées des
photos d’art (sa marotte), un exemplaire de l’appel de l’Abbé Pierre et le portrait d’un clown-SDF. « Celui-là, il disait toujours : petit à petit, l’oiseau fait son nid », se
souvient-il. Son nid à lui est un bureau avec moquette et vue sur la Seine, au siège de la régie.
« Le terrain use, je n’en pouvais plus », dit-il, à 61 ans. Sa mission, faire sortir les SDF des
quais du métro, pourrait choquer. Il l’assume et la revendique. « Il faut abandonner ce réflexe mental qui veut que le métro soit un refuge. Le métro, quand on y reste, crée des
pathologies. » À commencer par une désocialisation fulgurante. « Sous terre on perd tous ses repères spatio-temporels, martèle-t-il. Les jeunes qui viennent d’arriver ne
s’identifient jamais au clochard qu’ils voient de l’autre côté du quai. Ils ne comprennent pas ce qui les guette. »
Le Parisien - CH.B. | Publié le 11.03.2013