Woodkid - The Golden Age
Voilà bien un an et demi que le nom de Woodkid agite la blogosphère, les hipsters et les palabres sur Twitter. Dans quelques jours, il va devenir le chouchou de ma mère, de ma crémière, de France Inter. Après les cas Lana Del Rey, Lescop et Lou Doillon, Yoann Lemoine, qui se cache sous le pseudonyme sylvestre de Woodkid, pourrait bien être la nouvelle chair à canon des gardiens du temple qui n’ont pas eu grand chose à se mettre sous la dent en 2013. Si populaire, on va s’le faire.
A l’annonce de la sortie d’album, prévue le 18 mars, je me suis posé la question (comme souvent dans ce cas) de la nécessité de le chroniquer. Bientôt l’album sera en rotation sur les ondes, mon voisin de palier m’invitera à une Woodkid party convaincu qu’il vient de trouver le nouvel artiste tendance qui le distingue de tous ses congénères ringards, et moi je devrais réagir comme s’il avait découvert à lui seul le plafond de la chapelle Sixtine. Du coup, comprenant qu’il y aura encore dans cette affaire beaucoup d’affects en jeu, et qu’il est heureusement impossible d’interdire au premier pleu pleu venu l’écoute de Woodkid, autant essayer de se faire un avis avant la déferlante de chroniques attendues.
Pour ceux qui ne connaitraient pas Woodkid, on pourrait décrire sa musique comme un astucieux mélange entre envolées épiques (ou quand les Tambours du Bronx rencontrent la section rythmique de Divine Comedy) et envolées lyriques (ou quand Nick Cave enrhumé imite une chanson pop de The National). Bref, quelles que soient les influences convoquées, le gars Lemoine a un vrai talent de synthèse de ce qui s’est fait de mieux en terme de spleen musical menacé par la charge tellurique d’un bataillon de grandiloquents sentimentaux.
Quelques reproches cependant, construits sur le sentiment rance d’un opportunisme propret : The Golden Age, malgré toutes ses qualités mélodiques et harmoniques, est un peu comparable à un meuble Ikéa : lignes claires, esthétique néo-Bauhaus, susceptible de plaire au tout venant parce qu’ayant élagué les aspérités qui font l’âme d’une œuvre. Une espèce de prêt à écouter pour tous ceux qui ne veulent pas s’emmerder avec le bricolage lo-fi d’un poète sans le sou. Ecouter Woodkid, c’est un peu comme regarder du Cassavetes adapté par Michael Bay : garder ce qui marche, rationaliser par formules rusées l’émotion, ajouter des tonnes d’effets qui en mettent plein la vue, au risque de perdre ce qui fait la richesse et densité d’une œuvre forte : la fragilité sur le fil, le lâcher-prise.
Pour résumer, The Golden Age est une impressionnante proposition de maitrise musicale intelligente et immédiatement addictive. Nul doute que Yoann Lemoine, artiste multiple, esthète en noir et blanc, fait partie des mélodistes les plus talentueux de sa génération. Nul doute que ce premier album figurera en bonne place dans les tops de fin d’année. Enfin, nul doute qu’on préférera cent fois recommander l’écoute de Run Boy Run que celle d’une indigente Birdy massacrant Bon Iver. Mais tiens quitte à choisir, je crois qu’en affaires de sensibilité musicale, je préférerais toujours l’artisanat délicieusement émouvant de ce dernier. Une affaire de goûts en somme.
L'album en écoute intégrale ici.
Le clip d'Iron :
Le clip d'I love you :