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Comme un gant retourné

Publié le 15 mars 2013 par Anargala
Qu'est-ce qui marche ?Qu'est-ce qui est efficace ?
La plupart des remèdes sont comme des verres demi-pleins, demi-vides. Mondains ou spirituels, intellectuels ou concrets, de la tête ou du cœur, ils ne sont que des demi-mesures, révélations ou divertissements, selon que l'on est optimiste ou pessimiste.
En réalité, ces remèdes gravitent autour de la panacée. Elle ne peut être dite. Elle est un état, une sensation. Elle ne dépend pas de croyances ni d'hypothèses métaphysiques. Mais elle dépend d'autres choses.
Comme un gant retourné
La panacée : voir qu'il n'y a rien à voir
Voir une fois est suffisant. Mais l'impact de cette vision sur le corps-esprit est plus ou moins profond. Parfois, il n'y a qu'une curiosité, un amusement. Parfois une absence de pensée, un silence. Ou des moments de silences. Mais d'autres fois aussi, l'on se sent avalé par le silence. Saisi de nulle part. Bercé, flotté, dilaté, comme éclairé de l'intérieur. Selon les circonstances. On se sent comme si l'on avait avalé un bonbon à la menthe ou une pastille Vicks. D'autres fois encore, l'on se sent comme tiré par le cœur, comme si une sorte de vortex de joie, d'amour, d'extase, vous aspirait ou vous dilatait de l'intérieur, depuis l'intérieur de la poitrine pour ainsi dire. On peut oublier ces expériences. Mais l'on ne peut revenir en arrière. Tout est changé. Le silence s'infuse comme une eau dans une terre desséchée. Nul effort volontaire, nul technique, nulle substance ne peuvent y ramener. Quoique...
En effet, de même que le geste de pointer du doigt vers l'absence de visage, ici, est efficace, de même il existe des gestes de l'ensemble du corps. Non pas pour voir qu'il n'y a rien à voir. Cela, on peut le voir à tout instant et quelle que soient les circonstances. Mais pour approfondir le ressenti, pour se laisser envahir. C'est possible.On trouve des échos de ces expériences dans toutes les cultures, dans toutes les traditions. Mais il y a des attitudes qui ressortent, qui reviennent. En fait, il y en a une. 
Dans le shivaïsme du cachemire, elle porte différents noms qui désignent ses différentes facettes : "la marque de Shiva", "la marque de l'étonnement", "la marque de la peur", ou de la surprise, ou de l'effroi (bhairava-mudrâ). Le corps est assis, le sommet de la tête comme légèrement suspendu par un fil. La mâchoire relâchée, la langue posée, les yeux ouverts. Béat, le corps rayonne dans l'espace jusqu'à s'y fondre.
Dans la tradition de la Grande Complétude (dzogchen) et apparentée (mahâmudrâ, chöd, kâlachakra principalement), on parle de "larguer les amarres" (trekchö). Il existe mille manière de présenter cette pratique. Mais ici, je ne livre que des détails concrets. 
On laisse le corps comme une montagne. Il peut être allongé. Les mains posées en éventail sur les genoux ou sur le sol. Comme un tas de mikados lâchés qui restent là où ils sont tombés. Pas immobiles, mais dépourvus de toute initiative, de toute intention. Ou, autre image que l'on trouve dans un texte, cette fois-ci : le corps part en morceaux dans l'espace, comme les débris de bois d'un navire déchiqueté par la tempête. Les morceaux flottent sans point d'appuis, Sans point fixe. Pas de recherche d'une symétrie, pas d'effort. Comme une poudre de pollen, une fumée d'encens.
On laisse les yeux comme l'océan. Grands ouverts, immobiles mais sans point de fixation. Comme si le regard, au lieu de se laisser happer par un objet, restait panoramique, global. Voire, comme si l'on faisait attention aux rebords du champs visuel. La bouche est aussi ouverte, mâchoire lâchée. Ces deux ouvertures forment une synergie. Le corps est alors ressenti comme une fleur qui s'ouvre dans l'espace. L'ouverture du champs visuel est comme une fenêtre par laquelle s'engouffre la lumière. L'intérieur et l'extérieur s’interpénètrent. Très vite, la sensation de non-dualité s'étend à tous les sens. Le champs visuel est comme une sphère de lumière. Le champs tactile ne fait qu'un avec lui. Pure transparence.
On laisse la conscience sans y toucher. Concrètement, la bouche est entr'ouverte. On y laisse entrer et sortir le souffle qui va se perdre dans l'espace. La langue repose telle quelle. Le ressenti de la gorge s'ouvre et accentue la sensation de lumière et d'espace qui se déversent dans le corps, jusqu'à dissoudre la sensation d'une séparation entre intérieur du corps et extérieur, comme un gant retourné. Corps, esprit, regard, intérieur, sujet, objet : tout ne forme plus qu'une masse diaphane, affranchie de toute pesanteur.
Pourquoi "efficace" ? Seule l'expérience peut répondre.
Vu de l'extérieur, on a l'air ahuri, étonné, terrifié ou intimidé (d'où les noms de cette "attitude"). Mais voici quelques images qui valent sans doute autant que de longs discours :
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