ODP commente mon billet sur le bilan de l'euro avec des arguments qui ont l'apparence de la précision. Il n'est donc pas simple d'y répondre.
Tant qu'à travailler pour être convaincant, autant publier cela sous forme de billet.
Premiers points évoqués par ODP :
"le déficit commercial est le mal chronique de l’économie française depuis le XVIIIème siècle (Braudel dirait depuis le Moyen-âge)
que la période que vous avez choisi comme point de comparaison à la période « euro » correspond, avec les années 1959-1962, à la seule période depuis 1950 au cours de laquelle notre pays a su dégager une balance commerciale significativement positive (cf. Annexe I) ;
que, ironie de l’histoire, cette période intègre celle dite du « Franc Fort », où les autorités françaises, emmenées par JC Trichet et Pierre Bérégovoy, ont tout fait pour arrimer le Franc au Mark et que le mérite de ce « miracle du commerce extérieur » comme qu’on l’a appelé à l’époque a été attribué à cette « désinflation compétitive », fruit de l’intégration européenne, plutôt qu’à une quelconque faiblesse de la monnaie ;"
Pour la première affirmation, je ne sais pas ce qu'en penserait l'abbé Suger mais l'affirmation mériterait d'être documentée.
J'ai trouvé un article de Jacques Marseille sur la période 1890-1990. La France est en effet rarement excédentaire, sauf notamment dans les années 1922-1926, suite à une forte dévaluation, ou à d'autres époques.
Marseille précisait cependant que sur toute la période, la France est restée quatrième exportateur mondial quoi qu'il arrive.
Et sur une période plus courte, depuis 1970, on constate quand même qu'il s'est passé quelque chose de spécifique dans les années 2000 (ce qui contredit votre point : "la situation actuelle, quoique particulièrement grave est, en ce qui concerne la balance commerciale, tout à fait similaire à celle qu’a connu la France à la fin des années 70 et au début des années 80". Le graphique montre clairement que la situation actuelle n'est absolument pas similaire)
Source : trading economics
Il ne faut donc pas tomber dans le fétichisme : être en déficit n'est pas forcément un drame. Mais l'être de 70 milliards d'euros, en 2012, finit par le devenir.
pour ce qui est de la note de Marion Cochard, elle est ultra technique. j'en extrais cependant ceci :
"À la suite de l’appréciation de l’euro, la compétitivité-coût de la
grande majorité des pays de la zone s’est dégradée. La
modération salariale et une productivité dynamique ont permis à la
France de limiter les pertes de compétitivité-coût à 7,2 % entre 2000
et 2007. En revanche, l’Italie (tout comme l’Espagne) n’est pas parvenue
à contenir la hausse de ses coûts salariaux unitaires, à cause d’une
productivité atone. La monnaie unique l’ayant privé de l’instrument de
dévaluation compétitive, cette dérive salariale est venue aggraver
l’impact du change sur la compétitivité-coût du pays. Les CSU relatifs
italiens ont ainsi augmenté de près de 30 % entre 2000 et 2006.
L’Allemagne, à l’inverse, a su tirer son épingle du jeu en choisissant
à son tour la voie de la désinflation compétitive dès le début des années
2000."
En termes élégants, elle décrit exactement le même mécanisme que ce que je mets en évidence : toute la zone euro est touchée par la surévaluation de l'euro, mais tout ceux qui ont une inflation supérieure à l'Allemagne sont affligés d'une double peine qui condamne leur économie. La France est, pour le moment, dans une position médiane : elle souffre principalement de la surévaluation de l'euro, et la dérive de ses coûts par rapport à l'Allemagne reste contenue.
Pour le taux de change de l'euro par rapport au dollar depuis Bretton Woods, je demande à voir votre fameuse annexe II, si c'est un taux de change implicite calculé à partir des différentes devises entrées dans l'euro en 2002, c'est peut-être exact.
Mais qu'une parité soit stable enmoyenne de longue période ne veut pas dire qu'elle est équilibrée en termes de parité de pouvoir d'achat.
C'est bien pour empêcher les Etats-Unis de jouer avec leur taux de change que de Gaulle avait acheté massivement de l'or à la fin des années 60.
De même, le seul intérêt de l'euro eût pu être qu'il empêchât le dollar de fluctuer au gré des intérêts américains. Mais quand les chinois ont justement proposé de travailler à une rénovation rationnelle du système de change mondial, les européens, par la voix de Almunia, ont été les premiers à réclamer... le maintien de la primauté du dollar.
Ne cherchez pas, l'euro est une farce, au mieux, au pire, un drame.
M. ODP, le bonjour chez vous.