La seconde partie de l’album dépeint l’arrivée d’Hertzel à New York après la libération. Rebaptisé Harry Haft, il y mènera une carrière de boxeur dans un premier temps prometteuse mais dont l’élan sera brisé en 1949 lors d’un combat perdu par k-o contre le futur champion du monde Rocky Marciano.
Ce roman graphique retrace un destin tragique où la devise « se battre pour survivre » prend tout son sens. Le boxeur n'est pas vraiment quelqu'un de touchant, il apparaît même assez antipathique. L'aspect fascinant de sa trajectoire tient en une question : comment cet homme a-t-il pu supporter la vie dans les camps ? Affecté aux crémations, au tri des effets volés aux déportés ou à l’extraction du charbon au fond d’une mine, Hertzko ne va jamais s’effondrer. Derrière son inébranlable instinct de survie, un seul rêve l’anime : revoir Leah Pablanski, son amour de jeunesse. C’est en pensant à cette jeune fille qu’il parvient à rester debout, sur le ring ou ailleurs. Il la retrouvera bien des années plus tard, en Floride, pour une dernière rencontre bouleversante…
Un album en noir et blanc où le trait vif et nerveux du dessinateur allemand fait merveille. Le gros reproche que je ferais concerne le format, trop petit pour magnifier la maîtrise graphique de Kleist. Beaucoup de cases semblent minuscules, écrasées, et donnent par moment au lecteur la désagréable impression de regarder cette histoire par le petit bout de la lorgnette.
Cette biographie est adaptée des mémoires de Haft, publiées en 2003 par son fils, associé à deux chercheurs américains. Il est précisé en postface qu’il peut y avoir quelques confusions sur les dates et que certaines scènes décrites par l’ancien déporté sont invérifiables mais la véracité de son parcours reste indiscutable. Le récit de ce père analphabète et violent aura entre autres permis au fils de mieux comprendre pourquoi son géniteur, souvent taciturne, pouvait entrer dans des colères terribles. En racontant son douloureux passé, Harry a pu faire la lumière sur des années d’incompréhension entre lui et les siens. C'est sans doute l'aspect le plus touchant de son témoignage.
Le boxeur de Reinhard Kleist. Casterman, 2013. 206 pages. 16 euros.
Une nouvelle lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Mo’