Avant de présenter « No », succès critique actuellement au cinéma, Pablo Larraín sortait « Tony Manero », sorti en DVD…(photos DR)
Avec la sortie du film No sur le référendum de 1988 qui a fait tomber Pinochet et l’Ours d’argent de la meilleure actrice à la chilienne Paulina Garcia lors de la 63e Berlinale, le cinéma chilien est à l’honneur.
Après leurs vies dans les salles obscures, les longs-métrages sont ensuite exploités en DVD. Et si les blockbusters sont assurés d’une belle exposition dans les linéaires, les éditeurs peinent un peu plus à faire exister des films d’auteurs étrangers avec des acteurs peu connus voire inconnus. Les films venus du Chili n’échappent pas à cette règle. Pourtant, malgré un potentiel commercial éminemment moins puissant que Skyfall, les cinéphiles peuvent retrouver en quelques clics des DVD de films chiliens. Dans la société d’édition vidéo Blaq Out, ces films, on les bichonne. Entretien avec Charles Hembert, directeur adjoint de la maison parisienne.
D’abord, pouvez-vous nous situer Blaq Out ?
Charles Hembert : « Nous sommes une société d’édition vidéo créée en 2002. Le but était de valoriser le cinéma d’auteur et nous sommes devenu l’un des plus importants dans ce domaine. La société et ses quatre salariés génèrent 413000 de chiffre d’affaires. Nous disposons d’un catalogue de cent trente films. Dont une dizaine de films chiliens. »
« Ilusiones opticas », le premier film – choral ! – du réalisateur Cristián Jiménez est désormais disponible en DVD, quatre ans après sa sortie discrète en salle
Lesquels ?
« Quatre films de Raoul Ruiz : La vocation suspendue, L’hypothèse du tableau volé, Les trois couronnes du matelot et La maison Nuncingen. Deux films de Cristián Jiménez : Ilusiones Opticas et Bonsái. Huacho d’Alejandro Fernández Almendras. Des films de Pablo Larraín comme Tony Manero et Santiago 73 ; nous attendons d’ailleurs les droits sur Fuga pour sortir un coffret. Début juin, nous sortons Violeta et nous espérons pouvoir sortir La nuit d’en face de Ruiz. »
Comment définiriez-vous le cinéma chilien ?
« Il a une vitalité assez incroyable. En cinq, six ans, des réalisateurs ont émergé et il y a un public de fidèles. Un film comme Gatos Viejos (Les vieux chats) fait tout de même 90000 entrées en France. En Amérique latine, au début des années 2000, c’était l’ère du cinéma Argentin. Tout le monde connaissait Raoul Ruiz et c’est tout. Avec des « petits auteurs », comme Larraín ou Jiménez, qui ont de vraies identités, le mouvement s’est ouvert à l’étranger. C’est d’ailleurs ce que semble faire en ce moment le cinéma brésilien. »
Quelles sont ses forces ?
« On est face à un cinéma qui n’est plus tant accès que ça dans le patrimonial, contrairement au Mexique. C’est un cinéma en construction qui réussit à prendre du recul sur la dictature. Il y a une multiplication des écoles de cinéma. Certes, les aides sont faibles [Chili et carnets en parlait ici, NDLR] mais on voit maintenant une nouvelle génération prendre le pouvoir face aux Patricio Guzmán ou Ruiz. On a des univers plus joyeux, comme Jiménez plus proche du Suédois Roy Andersson. Le succès de ces auteurs en motive d’autres. La « fin » des grands maîtres en fait émerger d’autres. »
Comment cela se traduit sur les ventes de DVD ?
« Cela dépend des titres. Pour Jimenez, nous avons pressé 1500 coffrets et 1500 titres unitaires. Nous savons que ce sont des films pas forcément accessibles, avec parfois des fragilités. Mais on y croit, c’est un réalisateur que l’on veut suivre, qui se fait connaître à l’international. Il a d’ailleurs réaliser un clip de Mika (Origin of Love) et son troisième film est en préparation. Le coffret Ruiz compte déjà entre 5000 et 6000 ventes. Et si un film comme No sera édité par une major, il met en avant les précédents de Larraín. C’est la fin d’une trilogie sur la dictature, l’apothéose. »
Quel travail représente la sortie d’un film chilien en DVD ?
« Il faut se poser une question : qui va vouloir acheter le DVD d’un film de Jiménez, par exemple, à 15 € ou 20 € ? Pour que cela soit vendeur, il faut faire un beau coffret, car il y en a peu, surtout sur l’Amérique latine et les jeunes auteurs. C’est un travail fastidieux car il faut collecter les fichiers, rechercher les courts métrages, réaliser des interviews pour les bonus, faire sous-titrer les films et les courts… Adapter les formats aussi : le Chili est en NTSC (30 images seconde) et la France en SECAM (25 images seconde). On sait que, au final, ça ne va pas intéresser des millions de gens mais on a envie de défendre ces films. »
Raoul Ruiz, l’un des cinéastes les plus connus du Chili, est très présent dans le catalogue (ici « Les trois couronnes du matelot »)
Pour accéder au catalogue : http://www.blaqout.com et, par téléphone, 01.42.77.88.18.