Un nouveau Président chinois a été désigné ce jeudi matin. Fin de la transition cette semaine avec l’équipe sortante.
Après la "société harmonieuse" de Hu Jintao, place au "rêve chinois" de Xi Jinping : « Je crois que le plus grand rêve des Chinois, c’est la
renaissance de leur nation dans les temps modernes. ». Serait-ce une nouvelle ère pour la Chine ? Pas forcément.
Le conclave a à peine fini d’élire à la surprise générale le pape François que la quatrième réunion plénière de la première session de la douzième Assemblée Populaire
Nationale a élu ce jeudi 14 mars 2013 Xi Jinping Président de la République populaire de Chine. Au
contraire du Vatican, cette élection n’était qu’une formalité prévue depuis plusieurs années puisque Xi Jinping, choisi secrétaire général du parti communiste chinois le 14 novembre 2012 au cours du XVIIIe congrès, était déjà Vice-Président de la République depuis cinq ans (depuis le
15 mars 2008).
Un cumul de type communiste
Depuis une vingtaine d'années, la transition au pouvoir suprême se fait toujours en deux
temps : une étape (l'essentielle) en automne pour une nouvelle direction du parti communiste chinois, et une étape (opérationnelle) au début du printemps suivant pour la nouvelle direction à
la tête de l'État chinois.
Comme dans la plupart des dictatures communistes, les liens entre le parti et l'État sont très
forts, à tel point qu'en Chine, le pouvoir suprême réside avant tout à la présidence de la commission de la Défense qui est à la fois celle du parti et celle de la République populaire de Chine,
seul poste vraiment important qu'avait occupé Deng Xiaoping.
Depuis une vingtaine d'années, justement, ce poste est détenu par le chef du parti qui est
désormais aussi chef de l'État (Président de la République), ce qui simplifie les choses par la confusion des fonctions en brouillant la part d'influence du parti sur l'État et réciproquement
(Gorbatchev avait également entamé cette évolution plus ou moins adoptée de manière temporaire par certains de ces prédécesseurs à la tête de l'URSS).
La Chine populaire est-elle démocratique ?
S'il y avait des élections libres et pluralistes et si le parti était moins omniprésent dans la
vie publique, les structures politiques actuelles de la Chine populaire pourraient presque devenir une démocratie moderne, avec notamment la limitation à deux mandats de cinq ans (mesure prise aussi en France par Nicolas Sarkozy le 23 juillet 2008 et supprimée au Venezuela par Hugo Chavez le 15 février
2009).
Mais ce n’est pas le cas en Chine : il n’y a qu’un parti-État et un seul candidat à l’élection du
Président par des parlementaires élus, eux aussi, avec des candidatures uniques, ce qui limite les surprises et les polémiques. Certains citoyens chinois, sans doute de bonne foi, ont déjà
soutenu que ce système était le meilleur car il permettait de sélectionner les meilleurs dirigeants pour gouverner. Le problème, c’est qu’il faut bien un critère de sélection, une définition de
"meilleur", et un juge qui chapeaute le tout. En ce sens, la République populaire n’a rien de populaire puisque ce n’est pas le peuple qui est souverain, et a tout du despotisme, plus ou moins
éclairé.
La liberté politique a cette chance de donner le pouvoir au peuple, et ce revers de la médaille, c’est que ce
ne sont pas forcément les plus intelligents ni les meilleurs qui sont choisis pour gouverner. C’est le propre de l’imperfection, laisser à tous le soin de choisir, c’est laisser l’éventualité de
désigner des mauvais. C’est aussi permettre l’opposition, et par son action, réguler, temporiser, brider, contenir le gouvernement.
Les sept dirigeants suprêmes
Depuis le 14 novembre 2012, l’équipe dirigeante de la Chine populaire est composée de sept personnalités, seules membres du "comité permanent du bureau politique du comité central du parti
communiste chinois", la véritable instance dirigeante politique en Chine : Xi Jinping (59 ans), Li Keqiang (57 ans), Wang Qishan (64 ans), Liu Yunshan (65 ans), Yu Zhengsheng (67 ans), Zhang
Gaoli (66 ans) et Zhang Dejiang (66 ans). C’est l’ultime sommet d’une structure pyramidale pour diriger les 80 millions de membres du parti communiste chinois et le milliard et demi
d’habitants.
Toutes ces personnalités (notons qu’il n’y a aucune femme) sont en train, cette semaine, de se répartir les
responsabilités les plus importantes au sein de l’État.
Xi Jinping Ier
Xi Jinping a donc été élu ce jeudi matin Président de la République ainsi que Président du Commission
militaire centrale de Chine, et succède à ces deux fonctions à Hu Jintao (70 ans), au pouvoir depuis dix ans. Cette élection a mis fin à la rivalité entre ses deux prédécesseurs, Hu Jintao et
Jiang Zemin, qui prennent aujourd’hui leur retraite. S’il doit sa brillante ascension au sein du parti à Jiang Zemin, Xi Jinping a aussi été très soutenu au début par Hu Yaobang dont Hu Jintao
s’est revendiqué l’héritier.
C’est Liu Yunshan, qui présidait la séance retransmise en direct à la télévision, qui a annoncé cette
élection : « J’annonce maintenant que le camarade Xi Jinping est choisi comme Président de la République populaire de Chine. ». Élu à
la quasi-unanimité des 2 956 députés (il y a eu un vote d’opposition et trois abstentions). Quand ils choisissent leurs responsables, les députés chinois n’ont qu’à dire oui ou non aux
candidats qu’on leur soumet.
Un "réformateur" ou un "conservateur" ?
Comme avec les cardinaux dans la recherche d’un pape, la classification entre "conservateurs" et
"réformateurs" ne semble pas vraiment pertinente et surtout, dépend de la perspective politique dans laquelle on se place.
Plutôt considéré comme un "conservateur", Xi Jinping a montré par sa personnalité depuis quatre mois qu’il
est au pouvoir une certaine décontraction et proximité conviviale avec les gens (des paysans pauvres, des ouvriers). Défendant l’État de droit le 4 décembre 2012, il avait osé dire :
« Un pays régi par la loi doit l’être en premier lieu par la Constitution, et une gouvernance respectueuse des lois doit s’appuyer sur la
Constitution. ».
Il a mis comme priorité la lutte contre la corruption au sein du parti et a même demandé de diminuer le train
de vie de ses apparatchiks (mesure très populaire). De plus, son épouse Peng Liyuan, chanteuse et égérie très populaire de l’armée, ne manquera pas de participer à la légende.
Reste à savoir si cette proximité est réelle ou feinte, car c’est une propagande habituelle de montrer les
dirigeants au contact avec la population, d’autant plus que le 7 décembre 2012, Xi Jinping avait insisté à Shenzhen sur son refus de toute ouverture politique et n’avait pas hésité à appliquer la
censure en début janvier contre des journalistes qui nuançaient leur soutien à sa politique. Pire, en voulant renouer avec le nationalisme, Xi Jinping souhaite redynamiser la diplomatie chinoise
après dix ans assez mous.
Il faut avant tout juger sur les actes, et en particulier, sur la capacité de faire émerger une classe
moyenne (pour l’instant, il y a un fossé qui s’accroît entre une classe de millionnaires de plus en plus nombreuse et la grande partie de la population qui reste dans le plus grand dénuement), ce
qui pourrait d’ailleurs pérenniser l’empire industriel en se tournant sur le marché intérieur, et bien sûr, sur la capacité à garantir les libertés publiques, notamment liberté d’expression, de
réunion et de manifestation et tous les droits de l’Homme en général.
Li Yuanchao, victoire de Xi sur la vieille garde
Ce jeudi matin aussi, Li Yuanchao (62 ans), soutenu par Xi Jinping, a été élu Vice-Président de la
République. C’est une mini-révolution puisqu’il y a eu deux candidats. Li Yuanchao n’avait été écarté du comité permanent en novembre dernier et c’était Liu Yunshan qui avait pris son siège.
Petite revanche à la fin de l’hiver.
En effet, ce membre du bureau politique de Shanghai, mathématicien de formation, ancien directeur général du
parti (sorte de service du personnel interne), et considéré comme "réformateur", a raflé le siège avec 80 voix de refus face au favori, Liu Yunshan, considéré comme "conservateur", soutenu par
Jiang Zemin et responsable depuis dix ans de l’idéologie.
D’après certains analystes, ce serait une petite victoire de Xi Jinping pour mettre ses hommes et se libérer
de l’emprise de ses six autres collègues dirigeants. C’est aussi un gage de réforme dans les domaines de la culture et de l’environnement.
D’autres désignations pendant la même session
Le même jour, Zhang Dejiang a été élu Président du Comité permanent de la 12e Assemblée Populaire
Nationale (succédant à Wu Bangguo). Treize vice-présidents de cette assemblée ont également été élus. Il y a eu 174 candidats pour 161 sièges au sein du Comité permanent de l’Assemblée Populaire
Nationale (on parle alors de 8% de "marge d’élimination" plutôt que des résultats en voix).
Demain, vendredi 15 mars 2013, Li Keqiang succédera à Wen Jiabao (70 ans) comme Président du Conseil des
Affaires d’État, à savoir comme chef du gouvernement central chinois, et les autres membres du gouvernement seront nommés samedi. Considéré comme "réformateur" et brillant économiste, Li Keqiang
pourra peut-être susciter quelques espoirs pour transformer la performance économique en progrès social.
Les autorités chinoises viennent d’ailleurs de réduire le nombre de ministères (25 au lieu de 27) et
restructurer en particulier l’instance dirigeante des chemins de fer par une division en deux entités, une réforme administrative de grande ampleur qui a pour objectif de réduire le pouvoir de
potentats locaux dans les administrations.
Futur proche…
Dimanche 17 mars 2013, le Président Xi Jinping prononcera un important discours donnant la vision de son
action pour l’ensemble de son mandat de cinq ans, probablement renouvelé en mars 2018.
Son premier voyage officiel sera, la semaine prochaine, une visite à Moscou où il rencontrera Vladimir Poutine, le Président de la Fédération de Russie, puis en fin mars en Afrique, à Durban pour le sommet des pays émergents des BRICS, l’Afrique
étant un continent auquel les Chinois portent une attention très soutenue.
Dans un prochain
article, je tenterai de faire un rapide bilan de l’équipe sortante.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (14 mars 2013)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Bilan du précédent
décennat.
Xi
Jinping, chef du parti.
La Chine me fascine.
La Chine et le Tibet.
Les J.O. de
Pékin.
Qui dirige la Chine populaire ?