Dispositif d’annonce, peut mieux faire !

Publié le 14 mars 2013 par Cathcerisey @cathcerisey

L’annonce … Ce moment où tout bascule, où notre terre s’écroule sous nos pieds, ce moment qui reste gravé dans nos mémoires à tout jamais et qui va bien souvent déterminer la suite de notre parcours. En ces temps durant lesquels le cancer est à l’honneur, à l’heure des grandes consultations pour le plan cancer 3,  il me semble intéressant de revenir sur le bilan d’une des mesures phares du premier plan cancer : le dispositif d’annonce.

Ce sont les États Généraux de la Ligue contre le cancer, en 1998, qui ont permis de faire émerger les demandes des patients concernant ce moment clé. Expérimenté entre juin 2004 et mai 2005 puis généralisé à l’ensemble du territoire, le dispositif était sensé répondre aux problèmes soulevés lors de cette concertation. Sur le papier oui, mais qu’en est-il en réalité ?

Il remonte à bientôt dix ans et nous avons donc assez de recul pour en faire une première évaluation. En septembre 2009, lors d’un de ses discours,  le président Nicolas Sarkozy déclare sa volonté d’en faire bénéficier 80% des patients. En effet, alors que le deuxième plan est déjà en chantier, le professeur Grünfeld présente un état d’avancement de cette mesure qui s’avère édifiant ! D’après un sondage effectué sur 10 000 personnes, seuls 60% ont été prises en charge conformément au dispositif.

Et de fait, de nombreux commentaires du blog font état d’annonces faites entre deux portes ou par un simple coup de fil, un vendredi soir veille d’un week-end, sans gant ni aucune once de psychologie de la part des médecins …

Retour sur les mesures et les failles de ce dispositif.

La mesure :  elle a été conçue autour de quatre points bien distincts.

Un temps médical qui va permettre au médecin de faire l’annonce du cancer proprement dit et exposer la stratégie thérapeutique mise en place par la RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire pendant laquelle les différents médecins amenés à intervenir dans le parcours du patient décident des protocoles de soin). A la fin de la consultation, le cancérologue doit remettre au patient un PPS (plan personnalisé de soins).

Un temps d’accompagnement soignant : ici c’est une infirmière la plupart du temps, qui doit :
- reformuler ce qui a été dit par le médecin afin de s’assurer que le malade a bien compris.
- orienter la personne vers d’autres professionnels en fonction des besoins (assistante sociale, psychologue…)
- informer sur les ERI (Espace Rencontre Information) et sur les associations présents dans les centres.

Un temps pendant lequel on va expliquer au patient les soins de support à sa disposition

Enfin, la mise en place d’une articulation ville/hôpital conçu entre autre pour associer le médecin traitant au parcours hospitalier.

Les failles et les limites de la mesure :

Sur le premier temps, il me semble qu’il y a un problème majeur. Ce dispositif est hospitalier donc appliqué dans les centres de cancérologie. Il part du principe que c’est à l’hôpital qu’on apprend son cancer ! Or la plupart du temps, lorsqu’on arrive à l’hôpital on sait déjà de quoi l’on souffre. L’annonce du cancer, du sein en l’espèce, a été faite en ville, par un radiologue à l’occasion d’une mammographie ou par un médecin (gynécologue ou médecin généraliste) qui a reçu les résultats d’examen. Si ces praticiens ne nous disent rien et nous envoient rapidement à l’GR par exemple, il est certain que, sans être sorti de la cuisse de Jupiter, on sait déjà de quoi il retourne ! Et puis, quand on sait à quel point les dossiers ont du mal à sortir des hôpitaux, je me demande combien de malades se sont vus remettre le fameux PPS ?

Le second temps pose aussi questions. Tout d’abord, il y a le nerf de la guerre : l’argent ! Tous les centres disposent-ils de moyens pour embaucher, former et dédier une infirmière à ce moment précis? Nous savons tous que le personnel soignant est débordé et les budgets serrés.
Ensuite, une infirmière d’annonce même formée est-elle capable en quelques minutes de détecter des souffrances psychologiques ou sociales. Sur quels critères s’appuie-t-elle? Les formations, si il y en a, sont-elles adaptées?

Pour les soins de support, sont-ils vraiment expliqués ? Par qui ? Tous les centres en proposent-ils? Il y a d’évidence une disparité sur ce point entre les différents hôpitaux, disparité qui entraîne forcément des inégalités importantes.

Enfin à l’heure des soins ambulatoires, des chimios par voie orale, l’articulation ville-hôpital est une nécessité absolue. Le médecin généraliste doit être au courant des protocoles et doit être à même de gérer les effets secondaires par exemple. Il doit suivre de près le parcours de soins et pouvoir réagir à la moindre alerte. Mais, on ne peut pas demander à un médecin généraliste d’être au courant des dernières avancées thérapeutiques, à l’instar d’un cancérologue . Quid de la formation initiale et continue de ces médecins? Et tous les centres communiquent-ils réellement les dossiers aux médecins traitants?

En conclusion, il est évident que ce dispositif qui n’est déjà pas suffisamment appliqué ne répond pas toujours de façon pertinente aux problèmes et induit des inégalités liées à des facteurs humains et organisationnels.

A l’aube de l’élaboration du troisième plan cancer, il faudrait quand même que les mesures des premiers soient repensées, adaptées et appliquées. Ce dispositif a le mérite d’exister et un peu remanié, et surtout généralisé, il améliorerait grandement la vie des malades. Espérons que le plan cancer 3 revoit un peu la copie des deux premiers plans, analyse les failles et y remédie.

Et vous qu’en pensez-vous?  Comment s’est passé l’annonce de votre cancer ? Avez-vous bénéficié du dispositif?

Catherine Cerisey