L’année 2013 marque le 70ème anniversaire de la mort de Camille Claudel dans l’asile de Montdevergues où elle était internée depuis 1914. Avec Camille Caudel 1915, Brunot Dumont s’associe à Juliette Binoche pour lui rendre un dernier hommage.
Tout le monde connaît l’histoire de Camille Claudel, sculptrice française, sœur du poète et écrivain Paul Claudel, depuis le film de Bruno Nuytten de 1987 portant à l’écran la relation si spéciale et si unique qui lia la jeune élève à son maître Auguste Rodin. Au premier abord, on pourrait être tenté d’affirmer que le film de Dumont est la suite et fin de ce dernier. En effet, après avoir vécu une relation passionnelle et fusionnelle avec Rodin, Camille Claudel décide de le quitter afin de s’accomplir pleinement et librement dans son art. De cette rupture elle ne se remettra jamais jusqu’à en être internée à l’âge de 30 ans et pour le reste de sa vie. Pourtant, loin de s’inscrire dans la lignée des biopics tels qu’ils sont tant / trop en vogue à notre époque, Camille Claudel 1915 est un véritable film d’art qui sublime trois journées de l’artiste passées à l’asile dont une avec son frère.
Camille Claudel 1915 est un film d’art parce que Camille Claudel elle-même est une grande artiste qui a marqué son époque. Aussi, parce qu’elle est une artiste, elle voit le monde à sa manière. Dumont, grâce à la magie du champ-contrechamp parvient à porter à l’écran cette vision artistique du monde que perçoit Camille. De cette magie naît cette scène incroyable où Camille, assise dans une des salles de l’asile, voit les rayons du soleil d’hiver percer à travers la fenêtre et dessiner une arabesque sur le sol. Son regard balaye ensuite la pièce jusqu’à se poser sur un bouquet de fleurs fanées. Elle seule est capable de faire le lien entre ces deux évènements qui vont alors faire naître en elle une émotion. Cette émotion, le spectateur est à même de la ressentir tant la caméra est parfaitement portée, renvoyée d’un évènement à un autre.
Ce film d’art est porté par une actrice dont la performance se doit d’être ici saluée. Il faut en effet bien avouer que Juliette Binoche est particulièrement captivante dans ce film, où, dépouillée de tout artifice, elle parvient à sculpter son visage au gré des états d’âme et des émotions qui envahissent Camille. Aussi, quand elle passe en un instant du rire aux larmes, le spectateur en reste bouche bée.
Bruno Dumont quitte ici ses terres natales du Nord pour le Sud ; pourtant, il n’a pas tant abandonné son œuvre passée que complété et approfondi celle-ci. En effet, dans Camille Claudel 1915 et plus que jamais, Dumont filme la réalité telle qu’elle est sans chercher un seul instant à la maquiller ni à l’idéaliser. Certes, le film est très librement inspiré des correspondances que Camille entretenait avec son frère Claude pendant les 30 années de son internement, mais la fiction laisse place à la réalité tant Dumont dépeint monde réel tel qu’il est, tel qu’il existe. Juliette Binoche ne devient alors qu’une star totalement effacée par le personnage qu’elle incarne et autour d’elle, ce sont des personnes de la vraie vie et à la vraie vie que Dumont porte à l’écran. En effet autour de Binoche et de Jean-Luc Vincent dans le rôle de Claude, ce sont de vrais pensionnaires d’un asile que Dumont décide de nous montrer et les nones qui les surveillent ne sont autres que les infirmières qui les encadrent. Puisque le choix des lieux est toujours justement mesuré dans le cinéma de Dumont, c’est tout naturellement que l’hôpital psychiatrique dans lequel est tourné l’ensemble du film est un établissement de santé dont les murs portent le poids des nombreuses années passées.
Fort de ses 9 nominations à la 63ème édition du festival de Berlin, on espère vivement que le public français saura accueillir ce film comme il se doit. Alors n’attendez plus, filez au ciné !
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