Il n'en reste pas moins que le quotidien qui a le plus de courage pour exprimer ses opinions à contre-courant de la joie générale provoquée par l'apparition hier soir du nouveau Pontife, c'est encore et toujours Página/12. Comme on pouvait s'y attendre, ce journal ne porte pas ce pape dans son cœur (ni sur son marbre). La rédaction est visiblement choquée par cette élection (pour toutes les raisons que j'ai déjà dites dans mes autres articles où je le nomme, suivre le mot-clé Pape François dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search) et elle publie la réaction ulcérée d'une femme que je crois sincère et qui se dit persuadée que son frère, prêtre ouvrier, a été livré à ses bourreaux par le père Jorge Bergoglio pendant la dictature militaire à la fin des années 70. Cette femme prétend que son frère lui avait confié que Bergoglio voulait être pape, elle soutient donc qu'il a intrigué pour parvenir à ses fins et comme par hasard, c'est aujourd'hui, lendemain de l'élection qu'on n'attendait pas, que sort cette fadaise insensée. Sous la dictature, Bergoglio avait une quarantaine d'années, il était un simple prêtre chargé d'une mission classique pour un jésuite de base et cet âge (enseignement, pastorale locale, direction de séminaire, etc). Quelle que soit la légitimité du chagrin de cette dame, qui a perdu son frère dans des conditions atroces, il n'y a aucune vraisemblance à ce qu'un prêtre, qui visiblement détestait son confrère et ne vivait donc pas dans son intimité, ait pu avoir la moindre information un tant soit peu fiable sur un sujet pareil, à une époque où l'idée même qu'un pape puisse ne pas être italien ne traversait aucune tête. Il suffit pour s'en convaincre de nous rappeler la stupéfaction du monde entier, y compris dans l'Eglise elle-même, à l'élection de Jean-Paul II, comme si la nationalité italienne était indissociable du pontificat.
Je vous laisse aller vous-même regarder la presse argentine, dans la rubrique Actu, dans la partie basse de la Colonne de droite. Comme vous l'imaginez, il n'y a pas moyen ce matin de choisir tel ou tel article, la presque totalité des éditions étant consacrée à l'évènement.