Intervention au Mali

Publié le 14 mars 2013 par Rolandlabregere

Une intervention. C’est ainsi qu’a été annoncée dès le 10 janvier l’opération militaire française dont le but est d’enrayer l'offensive des islamistes venus du Nord. Agissant sur le sol africain, à la demande d’une ex-colonie, à proximité des frontières de l’Algérie, il n’est pas, on le comprend, pour la France envisageable de signifier qu’il s’agit d’un engagement apparenté à une guerre. Si ce terme est mentionné, ce n’est qu’avec la précision toute en précaution qu’il s’agit d’une guerre contre le terrorisme, pour le droit des populations. François Hollande justifie la conduite des opérations militaires au Mali comme une lutte « contre le terrorisme, contre la barbarie, contre le fondamentalisme» et comme un combat «pour la liberté religieuse parce que ceux qui étaient traités ainsi étaient des musulmans et que nous étions de leur côté ». (Source AFP, 07/03/2013).

La dénomination de l’engagement en Afghanistan tout au long de sa durée a fait débat. Opération de maintien de la paix, de reconstruction du pays ou guerre ? Le processus d’euphémisation auquel se réfère la communication d’état pour rendre compte des conflits dits asymétriques dans lesquels le pays est engagé a été utilisé pendant la guerre d’Algérie. Les combats ont longtemps été qualifiés d’événements. Le conflit en Afghanistan n’a pas été décrit, à ses débuts, comme une guerre. « Je conteste le mot guerre », déclare en juillet 2010, le ministre de la Défense, sans être contredit. Néanmoins, le Président Sarkosy, un an plus tard, devant la hauteur des pertes au combat, impose un autre point de vue : « Il faut savoir finir une guerre ». Face à l’opinion publique, la brutalité des faits et des chiffres appelle des évolutions langagières.

Qu’en est-il de l’engagement au Mali ? Comme pour celui d’Afghanistan, les troupes occidentales ont affaire à des adversaires irréguliers qualifiés de groupes islamistes armés, de terroristes. A ce jour, Google affiche « environ 15 500 000 résultats », en réponse à intervention au Mali, et « environ 13 400 000 résultats » en réponse à guerre au Mali. Cette dénomination est largement employée par des médias du continent africain. Les médias français préfèrent recourir au terme intervention. Certains évoquent néanmoins l’entrée en guerre de la France. Le discours officiel, les partis pour l’instant unis dans la même position déclinent les raisons du déclenchement de l’intervention militaire.

Toutefois, comment qualifier le fait qu’une armée se transporte avec des troupes combattantes, du matériel, de l’intendance sur un sol étranger et que par ailleurs des soldats perdent la vie dans des combats ? La présence des troupes française au Mali illustre l’évolution des conflits qui se mènent désormais hors de l’espace européen. Les interventions militaires se veulent ponctuelles et brèves. Ces objectifs annoncés à l’ouverture s’avèrent incertains au fil du temps. La défense des intérêts nationaux n’est pas officiellement le mobile de l’action. La promotion de valeurs supérieures et la sécurisation des populations sont annoncées comme les éléments d’une politique générale. Intervention laisse entendre des accommodements, des jeux stratégiques et politiques. Guerre suppose un gagnant et un perdant et des processus annexes, négociations, compensations, occupation… Les deux termes ne sont pas équivalents. Le premier peut être le prélude du second.

Le mot guerre n’est cependant pas banni du vocabulaire de la communication. La guerre économique concerne de nombreux secteurs, se joue entre des zones géographiques. La guerre des chefs, souvent guerre de succession est un principe actif dans de nombreuses organisations. Celle qui a fait rage à l’UMP a évolué en combat de coqs. Elle se prolonge par la guerre des mots.