LES MAUVAISES GENS, BD d'Etienne DAVODEAU

Par Geybuss

BD - Editions Delcourt - 183 pages - 14.30 €

Parution en août 2005

L'histoire : Les Mauges. Une région rurale, catholique et ouvrière de l'ouest français. Les années 50. Quittant l'école au seuil de l'adolescence, des centaines de jeunes gens découvrent l'usine et ses pénibles conditions de travail. Avec l'église, elle semble être l'horizon indépassable de leur quotidien. Sur ces terres longtemps considérées comme rétives aux changements, certains d'entre eux se lancent pourtant dans l'action militante. Pourquoi ? Comment ? De l'immédiat après-guerre à l'accession de la gauche au pouvoir en 1981, Les Mauvaises Gens raconte ce désir d'émancipation collective, ses difficultés, ses limites et ses espoirs.

Tentation : Le "label" Davodeau

Fournisseur : La bib

 Mon humble avis : A lire !!! Pas un coup de coeur, car BD pas vraiment distrayante, mais ô combien instructive ! D'ailleurs, la lecture ne se fait pas en 3/4 d'heures, car les sujets et les références sont très denses, les bulles nombreuses et bien remplies. Ca, on n'est pas volé sur la quantité de texte ! Ni par les dessins d'ailleurs, en noir et blanc, agréables, j'ai même aimé les visages, ce qui n'est pas toujours le cas lorsque je me plonge dans du Davodeau.

Davodeau se met en scène ici, même si c'est en retrait. C'est l'expérience et la vie de ces propres parents qu'il raconte ici. Attention, rien de privé ni d'intime. Ce qui l'intéresse, c'est la vie qu'ont mené ses parents dans la France d'après guerre, l'école pas très longtemps, le travail très tôt, la religion, et puis les revendications qui feront naitre des syndicats dans cette de France Angevine, région catholique et conservatrice. Il interroge ses parents qui, dans un premier temps refusent d'apparaître dans ce projet et qui, finalement, se laissent bien séduire. Les dialogues entre les parents et le fils, la découverte que fait le fils du monde de ses parents sont touchants.

Et j'avoue qu'il est passionnant de suivre l'évolution de ses deux personnes et leur entourage, depuis leur enfance, jusqu'à leur mariage, les délégués, les syndicats, les grèves, les manifs, depuis la moitié des années 50 jusqu'au 10 mai 1981. Toute une époque que je n'ai pas connue. Enfin si, le 10 mai 81, je l'ai connu, j'avais 9 ans !

Tout au long de cette lecture, je me suis étonnée que cette histoire soit finalement contemporaine de celles de mes parents et pas si loin de la mienne. Et pourtant, malgré les repers plaisants disséminés de-ci delà dans la BD (comme le spoutnik, la séparation des Beatles, Mai 68, Vatican II, l'apparition de Mitterand et Georges Marchais...) je me suis rendue compte que tout ceci semblait comme une découverte pour moi, même si, hélas, les temps n'ont guerre changé en mieux malgré quelques droits acquis.

Pas d'amertume, pas de regret ni de dénigrement : juste un constatation  : "c'était pas moins dur avant". Et en toile de fond, l'évolution du chômage... Mi cinquante, le plein emploi, le boulot tombe du ciel, 10 ans plus tard, 500 000 chômeurs, la suite, on la connaît.

Les parents Davodeau sont donc des militants de premier ordre. Même pas majeure, Marie Jo se retrouve incluse dans un avorton de syndicat et déléguée du personnel dans une entreprise de fabrication de chaussures.

Où l'on découvre aussi l'avènement des JOC et des JOCF (les jeunesses ouvrières chrétiennes et les JOC Féminines, époque où certains curés n'hésitez pas à relever les manches, aller dans les usines, manifester, être près du peuple et dans la vie du peuple. D'ailleurs, ces mauvaises gens qui sont ils ? Des catholiques ouvriers, plutôt privés d'éducation scolaire assez jeune, donc dénigrés par la bourgeoisie catholique. Des catho, socialistes et militants pour les causes justes comme la justice, la liberté, le droit du travail, notion pas partagée par les deux cotés catho : gauche et droite. Des "petites gens" qui font du militantisme leur quotidien et leur berceau familial, et ne rechignent  pas forcément à quelques contradictions.

Au passage, une petite leçon d'histoire sur le syndicalisme, mais légère, puisque l'on se cantonne à la période de la BD et l'on ne remonte pas à 1884, date à laquelle la loi Waldeck Rousseau autorise la création des syndicats ! Voilà, si vous traversez une rue portant ce nom, vous en connaîtrez au moins l'origine.

Vraiment, une BD bien ficelée, agréable et très instructive. Une BD qui ouvre les yeux, les oreilles sur avant et forcément, sur demain !

L'avis de Sandrine, Joëlle, Lasardine