La transformation de l’Accord national interprofessionnel sur la « flexi-sécurité » en loi donne lieu, ces derniers jours, à un déferlement de mensonge de la part du gouvernement et des parlementaires du parti dit « sérieux ». Ils mentent en affirmant qu’il s’agit d’un « accord majoritaire ». Ce jeudi 14 mars au matin, sur Itélé, le ministre du Travail, Michel Sapin, a encore été pris en flagrant délit de travestissement de la réalité. Il n’est pas le seul, la plupart des ténors du parti de la rue de Solférino invoquent, comme une litanie ou comme une méthode Couet, le caractère « majoritaire » des accords conclus entre le MEDEF et la CFDT.
Drôle de vision de la majorité… Oui, l’ANI a été signé par trois organisations syndicales sur cinq : CFDT, CFTC, CGC. Deux centrales ont refusé de donner leur accord : CGT et FO. Trois sur cinq, cela fait une majorité allez-vous me dire. Il faut le dire vite et bousculer le calendrier parce que cet état de faits ne va pas tenir longtemps. En effet, cette année verra un bouleversement des règles de la représentativité syndicale. La loi du 15 octobre 2010, complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi du 20 août 2008, abolit la présomption irréfragable de représentativité pour les cinq centrales mentionnées ci-dessus.
La représentativité sera désormais déterminée selon une liste de sept critères définis ci-dessous :
- Le respect des valeurs républicaines ;
- L’indépendance ;
- La transparence financière ;
- Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s’apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ;
- L’audience ;
- L’influence, prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience ;
- Les effectifs d’adhérents et les cotisations.
Les élections professionnelles ayant lieu cette année, il y a fort à parier que les signataires de l’ANI ne soient plus majoritaires en décembre… D’autant que la notion même de majorité va évoluer puisqu’il faudra que les organisations syndicales signant un accord représentent plus de 50 % des salariés par lui concernés…
Si nous appliquons cette règle à l’ANI, les 3 syndicats jaunes signataires représentent tout juste 38 % des salariés. Prenons le pari qu’ils vont encore peser moins à la fin de l’année. De fait, c’est bien un accord minoritaire que cet ANI qui nous veut du mal. Et le gouvernement le sait, tout autant que les parlementaires qui se relaient devant les caméras pour affirmer le contraire.
Il faut bien un gros mensonge pour faire passer la pilule d’un texte de casse généralisée, qui traduit en actes la doxia libérale. Tellement qu’une partie des députés UMP annonce sa volonté de voter le texte transposant cet accord en loi. Et pour cause, l’Accord national interprofessionnel n’est que la continuité des « accords compétitivité emploi » voulus par Nicolas Sarkozy en janvier 2012 et qui avaient échoué faute de temps.
La « gauche » du parti dit « sérieux » est assez lucide sur cet accord. Sur son site, elle dénonce assez justement les coups de Jarnac que cache cet accord minoritaire :
Ainsi, dans un contexte de crise où le chômage explose, c’est le chantage à l’emploi pour les salariés et leurs organisations syndicales qui sont légalisés. Cette disposition ouvre la voie à des régressions sociales majeures !
Reste juste à ce que ces camarades dénoncent à leur tour les mensonges de leurs collègues de parti. Nous verrons à cette aune s’ils sont capables d’aller jusqu’au bout de leurs convictions.
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Bonus Canard enchaîné
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