Magazine Culture
Au point de départ, c’est une
rencontre qui tombe à un mauvais moment et par l’émotion de laquelle David
n’aurait pas dû se laisser submerger. Bien sûr, elle lui a plu tout de suite,
cette femme qu’il a croisée dans un centre commercial où il vient d’acheter une
peluche pour l’anniversaire de sa fille. « Il
y avait longtemps que je n'avais pas éprouvé une telle attirance pour une femme
croisée par hasard. » Mais pourquoi, alors qu’on l’attend pour un
dîner en famille, se met-il à la suivre ? Il a suffit d’un bref échange de
regards, de l’impression qu’il a eue de lire dans ses yeux une vague
approbation, pour qu’il se transforme en chasseur. L’observe pendant une heure
dans un café. Puis dans une salle de bowling. Avant de se décider à l’aborder enfin
avec une phrase qu’il prépare depuis trois heures. Et qui ne ressemble pas à ce
qu’il avait prévu. Mais qui débouche sur une proposition de rencontre.
David, le chasseur. Victoria,
la proie consentante. Le début d’une liaison torride, dans laquelle David
abandonne tous ses principes – le premier d’entre eux consistant à ne jamais revoir
les femmes avec lesquelles il a eu une relation sexuelle. Cette fois,
l’attirance est trop forte et les divergences s’effacent au lit. David,
directeur de travaux sur le chantier de la plus haute tour de France, penche,
pour le dire vite, à gauche. Victoria, DRH monde de Killofer, un important
groupe industriel, est à l’exact opposé : elle manipule sans remords les
syndicats en Lorraine pour gérer l’abandon d’un groupe de production. La
passion physique n’étant peut-être pas suffisante pour faire durer leur
histoire, Victoria la pimente d’une ouverture vers un projet qui permettrait à
David de revenir sur son terrain de prédilection – car il se rêvait architecte
et c’est par défaut qu’il est chef de travaux : concevoir le nouveau siège
social de Killofer. Avec sa position dans l’entreprise, elle se sent capable de
convaincre le grand patron, affirme-t-elle…
La cohabitation, ou plutôt les
moments intenses volés dans deux emplois du temps surchargés, reste fragile. Le
projet architectural bat de l’aile en même temps que David découvre chez
Victoria un système qui ne lui plaît guère : elle avance toujours masquée,
chaque pan de vérité dévoilé révélant de nouveaux masques. Elle est capable de
faire des « mensonges géographiques », faisant croire à son mari
qu’elle est là-bas alors qu’elle se trouve ici. Elle n’a rien dit d’un ancien
amant dont le rôle est peut-être encore actif. Et son goût pour le danger
s’affirme de plus en plus, jusqu’au drame annoncé.
Roman
de la plénitude du désir accompli, Le système Victoria est aussi le roman de la déception et du chaos qui
s’installe à force de vouloir aller toujours plus loin. D’autant que David est
en terrain miné : à ce qu’il ignore de la véritable personnalité de
Victoria s’ajoute ce qu’il sait de la fragilité de Sylvie, son épouse. Elle a
basculé autrefois dans une sorte de folie dont il craint qu’elle surgisse à
nouveau et ce lien-là est peut-être plus fort que le désir.