François 1er, donc...

Publié le 13 mars 2013 par Egea
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Ce souverain de la Renaissance n'est probablement pas le modèle auquel a pensé le nouveau pape qui vient d'être élu ce soir. Au risque de commenter l'événement (je rappelle que je ne suis pas très bon pour "le direct"), au risque surtout de tomber dans le magma des blablas journalistiques, quelques mots.

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1/ Tout d'abord, la rapidité de l'élection. Cinq tours, c'est extrêmement rapide, ce qui prouve que l'élection "ouverte" que l'on nous annonçait ne l'a finalement pas été autant que cela. D'ailleurs, le cardinal Bergoglio ne faisait pas partie des favoris, tout simplement parce qu'il l'était lors du conclave précédent, et qu'il avait déclaré alors refuser la charge. Personne n'a pensé qu'il accepterait cette fois-ci.

2/ Quels ont été les déterminants ? Les journaux nous ont bassiné avec "la gouvernance" et "la curie à remettre au pas", ligne de partage entre des "conservateurs" et des "rénovateurs". Bon, les journaux sont les journaux, ils ont besoin de simplifier, hein ? Mais surtout, c'est ne pas comprendre, je crois, la mentalité de ces hommes d’Église qui sont des hommes de foi. Je sais, le mot est totalement incompris par la grande majorité de nos concitoyens (et autres quasi concitoyens européens), qui ne voient la foi que comme un reliquat obscurantiste qui ne serait pratiquée que par des "arriérés" (on ne le dit pas trop fort mais on le pense in petto) de musulmans, ou d'évangélistes américains qui ont produit les born-again à la G. Bush (et là, on le dit un peu plus fort tellement c'est convenable : "et vous avez vu le résultat?"). Bref, la foi c'est forcément dépassé, et donc ces cardinaux ils vont forcément réagir comme vous et moi, en termes de pouvoir et de rapport à la modernité. Ben non.

3/ Ou plus exactement, ils vont réagir à la modernité environnante, oui. Et se poser la question de comment porter au mieux leur parole d’Évangile. On comprend alors que la gouvernance de la Curie soit quelque chose de finalement très marginal, n'en déplaise au commentateur politique du matin sur France-Inter qui nous a expliqué, encore une fois, qu'il était lui un esprit libre dégagé de tout déterminisme et qu'il raisonnait indépendamment, lui, non mais des fois qu'on aurait eu le sentiment qu'il récitait un catéchisme. Je m'égare.

4/ Ceci explique peut-être le choix rapide qui a été fait. Car voici un homme pieux et simple. Tout simplement. Et qui d'entrée à réussi un miracle, en direct, à la télé, qui montrait son balcon : non seulement faire prier une foule en silence, mais en plus, en plus, en plus, faire que le journal télévisé à retransmis ce silence : autrement dit, pendant une minute, on a eu une image assez fixe d'un prêtre courbé, les mains jointes, en train de prier, sans commentaire, sans musique, rien, tout ça au journal de 20h00. Qu’on me comprenne bien : le nouveau pape a provoqué le silence à nos boites à paroles ! Rien que ça, c'est un gigantesque changement. Dans l’Église, je ne sais pas mais dans les télés, à coup sûr.

5/ Pour le reste : il a l'air sympa et simple. Quelqu'un qui écoute plus qu'il ne parle, moins flamboyant qu'un JP II, moins intello qu'un B XVI. Une biographie en accord, avec déjà de belles histoires à raconter (il a vendu archevêché, il a logé avec un prêtre menacé de mort, il prend le métro), il est jésuite. Il est jésuite ? cela ne choque personne... On est loin du XVIII° siècle, quand ils étaient plus ou moins persécutés. Et en plus il choisit François comme nom : un pape qui se place sous le double patronage des frères mineurs et de la contre-réforme, c'est original.

6/ Il est sud-américain. Là-bas, il y a 40 % de catholiques. Ah oui, c'est vrai, il y a 1,2 milliards d’attardés qui se déclarent encore catholiques, nombre en progression, mais il n'y a qu'en Europe qu'on ne le sait pas. Car le vrai changement n'est pas dans ce que le pape est sud-américain, c'est qu'il n'est plus européen. A bien y réfléchir, en effet, Benoît XVI aura été le dernier pape "européen". Pas seulement par sa nationalité, mais par son ambition culturelle, et sa volonté de ré-évangéliser le continent, son désir de conserver des racines européennes au catholicisme (non, je ne parle pas des racines catholiques de l'Europe, même si le parallélisme des formes - le chiasme, me dit-on en régie - n'est pas anodin). Mais de même que ce continent démissionne en tout, il démissionne aussi en catholicisme. Voici la première prise de pouvoir de l'émergence : elle a lieu non au FMI, non à l'ONU, non au G20, institutions déjà dépassées, mais dans une "institution" pérenne, puisqu'elle a 2000 ans (1980, pour être tout à fait exact), la papauté. Voilà qui est moderne (doncbien, selon les canons du temps : il faudrait donc dire "voilà qui est adapté). Mais quand on sait que catholique signifie "universel", il est assez logique que l’Église montre le chemin de la mondialisation.

7/ Dernier point, son âge. Il a 76 ans (soit l'âge de Benoît XVI lors de son élection) et une santé fragile, puisqu'il vit depuis vingt ans avec un poumon en moins. Autrement dit, c’est un pape non pas de transition, mais qui devrait avoir un règne assez court et qui devrait prendre exemple sur son prédécesseur, qui renonça.

Comme on dit à la télé, "voilà ce qu'on pouvait dire ce soir sur ce sujet". Pas sûr que ça fasse avancer le schmilblick. Pas sûr que ce soit très original. Pas sûr que ce soit très vrai. Peu importe, au fond : habemus papam : bienvenue, François 1er.

Ref : la bio du cardinal Bergoglio, publiée il y a cinq jours, et pour cela fort intéressante.

O. Kempf