La Chambre criminelle de la Cour de cassation confime la condamnation d'un établissement privé confessionnel d'enseignement pour l'exécution irrégulière de travaux valant changement de destination sans déclaration préalable à l'administration.
Dans cette affaire, l’Institut de Formation de Saint-Quentin-en-Yvelines (IFSQY), gérant un collège et lycée privé de confession musulmane, a acquis un bâtiment d’environ 2 500 m² sur quatre étages abritant anciennement l’Hôtel des impôts, sur la commune de Montigny-le-Bretonneux (78).
L’Institut a ensuite procédé à divers aménagements en vue de transformer ces locaux en établissement d’enseignement.
Opposée au projet, la commune a déposé plainte, se constituant partie civile, obtenant la condamnation de l’établissement à une amende de 5 000 €, ainsi qu’à la restitution des lieux dans leur état initial, pour les faits d’exécution irrégulière de travaux soumis à déclaration préalable, faits prévus et réprimés par l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme.
Il était ainsi reproché à l’IFSQY d’avoir méconnu les dispositions de l’article R. 421-17 du Code de l'urbanisme, lequel prévoit que doivent être précédés d’une déclaration préalable, déposée en mairie et donnant lieu à affichage sur le terrain, les changements de destinations d’une construction, même en l’absence de tous travaux.
Conformément au b) de cet article, il doit s’entendre d’un changement de destination entre les différentes destinations définies à l’article R. 123-9 du Code de l’urbanisme, à savoir : l'habitation, l'hébergement hôtelier, les bureaux, le commerce, l'artisanat, l'industrie, l'exploitation agricole ou forestière, la fonction d'entrepôt, ainsi que les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif.
La difficulté étant que le Code de l’urbanisme ne prévoyant aucune définition véritable de ces différentes destinations, il n’est pas rare de se tromper, avec les conséquences pénales que cela comporte.
En l’espèce, pour tenter d’échapper à la condamnation, l’IFSQY a invoqué l’absence de changement de destination, en faisant valoir que l’ancien Hôtel des impôts, tout comme l’institut qui lui a succédé dans les locaux, correspondent à la destination de construction nécessaire aux services publics ou d’intérêt collectif prévue par l’article R. 123-9 du Code de l'urbanisme.
Ce n’est pas l’avis de la Cour d’appel de Versailles, confirmée sur ce point par la Cour de cassation, qui considère que l’ancien Hôtel des impôts, abritant alors des bureaux, des salles d’archivage et des zones d’accueil limitées du public, était en réalité à destination de bureaux, retenant en conséquence l’existence d’un changement de destination non déclaré.
Cette solution semble s’inspirer de la jurisprudence des tribunaux administratifs, quand bien même en vertu de l’article 111-5 du Code pénal, le juge répressif est compétent de lui-même pour interpréter les actes administratifs et les règlements.
En effet, le juge administratif retient la qualification de bureaux en présence de locaux abritant notamment un cabinet d’ophtalmologie, une salle d’archivage et un espace pour accueillir le public (CAA Bordeaux, 19 octobre 2009, req. n°09BX00310), ce qui vaudrait alors même qu'une partie des locaux serait affectée à un service public (Conseil d'Etat, 3 mai 2004, CPAM de la Meuse, req. n°223091).
Une autre source d’inspiration est donnée par l’article R. 520-1 du Code de l'urbanisme, certes à un autre titre, qui définit comme étant à usage de bureaux : « les locaux et leurs annexes tels que couloirs, dégagements salles de réunion, d'exposition, d'archives, salles d'attente et de réception, où sont exercées des activités de direction, de services, de conseil, d'étude, d'ingénierie, de traitement mécanographique ou d'informatique de gestion ».
Enfin, l’on retiendra que le fait que l’ancien Hôtel des impôts était accessible au public dans des « zones d’accueil limitées » ne suffit pas à exclure sa qualification de bureaux, dès lors que la réception de la clientèle ou du public n’est pas incompatible avec la qualification de bureaux (Cass. Civ 3ème, 6 avril 1976, pourvoi n°74-13770).
"Attendu que, pour déclarer l'Institut de formation de Saint-Quentin-en-Yvelines coupable d'exécution irrégulière de travaux soumis à une déclaration préalable, l'arrêt attaqué constate que cet organisme n'a déposé aucune déclaration de travaux ; que les juges relèvent que le bâtiment acquis par le prévenu dans son état d'origine, à savoir un hôtel des impôts, puis aménagé par celui-ci en établissement d'enseignement, est une construction et installation nécessaire aux services publics ou d'intérêt collectif comme assurant une activité exercée sous le contrôle de l'Etat dans le but de satisfaire à un besoin d'intérêt général, mais ne répondant plus à la destination de bureaux ; qu'ils en déduisent que le changement de destination est démontré ;
Attendu qu'en se déterminant par des motifs exempts d'insuffisance, d'où il résulte que le bâtiment existant était, au moins partiellement, destiné à un usage autre que de bureaux, la cour d'appel, abstraction faite de motifs erronés relatifs à la nécessité des services publics et à l'intérêt collectif, a justifié sa décision ;"
(Cour de cassation, Civ 3ème, 26 février 2013, pourvoi n°12-80973)