Vierges

Publié le 13 mars 2013 par Teazine
Y a des documentaires qui foutent mal. Virgin Tales en est. Alors bon, on va pas créer de polémique et torcher grossièrement des croyances de ci de là. Mais quand même, mater ce film truffé de vierges mal dans leur peau m’a donné envie de remercier Satan de ne pas en être. Sérieusement, la famille Wilson dépeinte à l’écran, évangeliste et biberonnée à coup de "bals de pureté" donnerait presque matière à justifier les pires débauches hédonistes. Trop de chasteté tue la chasteté. Surtout quand cette soi-disant "intégrité" des jeunes dépend d’un tutu en tulle et de rock chrétien dégueulasse. Ca fait peur on vous dit.
Virgin Tales Mirjam von Arx, 2013
Virgin Tales se consacre donc au quotidien des Wilson. La famille de Colorado Springs est considérée comme un exemple de pureté auprès de ses semblables et nage en plein compte de fées. Genre il était une fois un père – Randy Wilson – qui, soucieux de la virginité de ses enfants, initia les "purity bals". Ceux-ci consistent à célébrer en grande pompe la signature d’un contrat de chasteté entre fillettes et pères. Ignorant la vague dimension pédophile de la chose, la célébration s’agrémente de danses où l’on lève bien haut la jambe en face d’un crucifix et où l’on écoute d’un air grave des témoignages. Ces derniers sont livrés par les ainés éclairés de la fratrie Wilson, casés en règle, transpirant le bonheur et faisant miroiter leurs foyers "idéaux" devant un auditoire en âge de jouer à Barbie-plongée-sous-marine. A l’aise.
Jusque là, ça prête plutôt à sourire, tellement ça semble absurde. Mais très vite lassé par ces aînés qui convolent en dehors du foyer, le film se centre sur Jordyn, une jeune fille de vingt ans tartinée au fond de teint. Toujours célibataire, elle sourcille à peine lorsqu’on lui suggère que l’amour de sa vie n'arrivera peut-être jamais de lui même. Que dalle, Jordyn en est sûre, un jour son prince viendra et en l'attendant, elle se prépare à la perfection. Ben ouais c’est vrai quoi, pourquoi s’embarrasser d’études en vue d’un diplôme qu’on n'utilisera de toute façon jamais ? Il y a tant à faire entre la danse, la cuisine et le maintien!
En plus de ça, le calendrier familial est chargé d'innombrables cérémonies de passage, toutes plus émouvantes les unes que les autres. A croire que le moindre point noir est prétexte à chialer de chaudes larmes dans leur vie, dingue! Parmi ces "teufs" de l'enfer, la plus drôle/effrayante est sûrement celle de la "consécration à l'âge adulte" du fils Colten, quinze ans. Après un discours sur les valeurs de la vie gnagnagnagna, il est nommé chevalier en règles par son père bien aimé et armé (WTF) et reçoit un porte fusils ("Oh my god this is great thank you"). Non mais sérieux? On dirait presque la terrifiante Ex dans Waynes World.
Franchement, du point de vue d’une jeune femme "émancipée" européenne, tout ce ramdam paraît complètement rétrogradé. Surtout : on a presque pitié de toutes ces meufs qui désespèrent au lieu de se bouger franchement le cul, de casser quelques verres et d’apprendre par elles-mêmes. Pourtant, ce mode de fonctionnement est loin d’être un cas isolé. Randy Wilson veille d’ailleurs au grain en bossant dans un lobby évangeliste créationniste et tout les –istes extrêmes qui font les choux gras du Tea Party. On dirait qu’ils vivent tous dans une bulle rose bonbon à mille lieues de la réalité - baignade sans fond dans leurs illusions. Ainsi, quand l’épouse du fils aîné Wilson laisse entendre qu’elle s’est rendue compte qu’au fond, le couple ne se connait pas vraiment, personne ne sourcille : "C’est notre mariage et Dieu qui nourissent notre relation plutôt qu’une affection commune". C’est dire la logique des mecs.
Fort heureusement, Von Arx parvient à filmer les Wilson sans porter de jugement. Le but - parfaitement atteint - étant de susciter le débat. Reste qu'à force d'entériner puceau-pucelle, on ne se rend plus trop compte de la place qu'elle tient réellement dans la vie des protagonistes. En tout cas c'est sûr, ils ont beau en faire tout un foin, Jordyn toujours seulâbre n'en est pas moins réduite à se confier tristement à la caméra jusqu'à la fin de ses jours (ou presque). La "pureté" a bon dos.