source : Jeune Afrique 12/03/2013
Mohamed Rachid al-Ajami, auteur du « poème du jasmin ».
© DR
Pour avoir chanté la révolution tunisienne, le poète Mohamed Rachid al-Ajami a été condamné à quinze ans de prison. Dans la petite monarchie du Golfe, la liberté d’expression, ce n’est pas pour demain !
Mohamed Rachid al-Ajami, alias Ibn al-Dhîb (« le fils du loup »), est incarcéré depuis novembre 2011. Condamné à la réclusion à perpétuité pour avoir « appelé au renversement du régime », ce poète qatari a vu le 25 février sa peine réduite, en appel, à quinze ans de prison. Depuis sa première condamnation, en novembre 2012, l’aède de 37 ans est devenu le porte-drapeau des détracteurs du petit mais puissant émirat du Golfe.
Selon l’accusation, Ajami a déclamé un texte hostile à Hamad Ibn Khalifa Al Thani, l’émir du Qatar, devant une assemblée d’amis, au Caire, en août 2010. La scène a ensuite été diffusée sur YouTube dans le cadre d’une joute oratoire avec un autre poète.
Mascarade
Najib al-Nuaimi, l’avocat d’Ajami, a annoncé son intention de se pourvoir en cassation. Ali Ibn Fetais al-Marri, le procureur général, espère, lui, « que la peine initiale [la perpétuité] sera rétablie », en vertu de l’article 136 du code pénal qui punit de la prison à vie « toute incitation publique à renverser le régime ». « C’est une mascarade judiciaire, s’insurge Nuaimi, qui fut un temps ministre de la Justice. Nous savons tous que mon client finira par être gracié. Qu’il soit condamné à quinze ans ou à la perpétuité, peu importe : il sera libre dans quelques mois. »
Ajami était rapidement devenu une minivedette arabe après avoir écrit un poème militant exaltant le soulèvement tunisien de 2010-2011. D’aucuns considèrent que c’est en réalité ce texte-là, intitulé « Le poème du Jasmin », dans lequel il proclamait « Nous sommes tous des Tunisiens face aux élites répressives », qui est à la source de ses ennuis judiciaires.
Toujours est-il que ces quelques strophes ne justifient ni sa détention ni sa condamnation. Or Ajami a été maintenu au secret pendant de longs mois, selon sa défense. « Il est regrettable que le Qatar, qui aime se présenter à l’étranger comme un pays qui promeut la liberté d’expression, se livre à une aussi flagrante violation de ce droit », estime l’ONG Amnesty International, qui considère Ajami comme un prisonnier d’opinion.