C'est le Shazam des plantes ! Mis au point par l'Inria, l'Inra, le Cirad et l'IRD, ce programme de reconnaissance d'images profite tant aux chercheurs qu'aux particuliers.
Crédit pl@ntnet.
SMARTPHONE. Qui, lors d’une ballade, ne s’est jamais demandé quel nom pouvait bien porter telle fleur, telle herbe, tel arbre ? Aujourd’hui, la réponse est dans la poche, ou plutôt dans le téléphone. L’application Pl@ntNet la fourni en une photo et quelques clics.
Pl@ntnet est le fruit d’une collaboration de trois ans entre l'INRIA, l’Inra, le Cirad et l’IRD (agronomie tropicale), l’Inria (Informatique et sciences du numérique) et le réseau de botanistes amateurs Tela Botanica. Le projet est financé par Agropolis Fondation. Le principe: utiliser les possibilités des téléphones mobiles qui savent à la fois photographier et communiquer avec les serveurs Internet.BASE DE DONNÉES. Les photos prises en pleine nature d’une feuille, d’une écorce, d’une fleur ou d’un fruit sont transmises à une base de données regroupant, à terme, la totalité des 5000 espèces que compte la flore européenne. Aujourd'hui, Pl@ntnet fonctionne sur 800 espèces."Les images sont alors passées à la moulinette d'un algorithme qui va les déformer (rotations, changements d'échelle...) afin d'en extraire les invariances" explique Alexis Joly, chercheur à l'INRIA Sophia-Antipolis, en charge du développement de ce programme.
"Si la photo est floue ou ambigüe, le serveur donne plusieurs solutions, de la plus ressemblante à la plus éloignée" Alexis Joly chargé de développement de l'application
APPRENTISSAGE. Plus il y a de photos dans la base de données, plus le logiciel est précis dans son identification. Et pour cause, "L'application inclut également des processus d'apprentissage (machine learning) qui permettent à la machine d'identifier avec une précision croissante les éléments caractéristiques de telle ou telle espèce" précise Alexis Joly. Mais pour cela, il faut-être certain que les images intégrées dans la base de donnée soient correctement étiquetées.C'est pourquoi, nombre d'entre elles sont fournies par la plateforme collaborative Identiplante. Cette dernière, alimentée par des botanistes professionnels ou des amateurs éclairés apporte chaque jour une nouvelle moisson d'images de bonne qualité. L’application
disponible aujourd’hui sur Apple store et en juin sur Androïd ne met que quelques secondes pour fournir le nom vernaculaire et le nom scientifique : « si la photo est floue ou ambigüe, le serveur donne plusieurs solutions, de la plus ressemblante à la plus éloignée » précise Alexis Joly. La performance fait en tout cas la fierté de l’Inria. Il n’était pas du tout évident de construire un système de reconnaissance d’images qui puisse se transmettre par les réseaux de téléphonie mobile.
"Les photos prises par le grand public vont nous permettre d’étoffer nos banques de données". Daniel Mathieu, président de Tela Botanica
COLLABORATION. Mais à quoi cela sert-il ? Pour les promeneurs du dimanche, la réponse est évidente: satisfaire une curiosité immédiate. Pour les chercheurs en revanche, l’enjeu est bien plus important: «si toutes les espèces sont bien recensées, notre réseau de 14 000 membres manque encore malgré tout d’images des différents stades de croissance de nombreuses plantes, souvent les plus courantes, avoue Daniel Mathieu, président de Tela Botanica. Les photos prises par le grand public vont nous permettre d’étoffer nos banques de données». la photo prise, l'application demande s'il s'agit d'une feuille, d'une fleur, d'un fruit ou de l'écorce avant de lancer une recherche d'image ciblée. Crédit : Sciences et AvenirC’est pourquoi l’application est dotée d’une fonction de transmission des clichés au serveur central. Pl@ntnet devient ainsi un instrument au service de la phénologie, la science des changements de saisons. L’observatoire mis en place par Tela Botanica et le CNRS mobilise en effet depuis 2006 toutes les bonnes volontés pour qu’elles communiquent à
un site Internet dédié la première floraison constatée dans un jardin, l’arrivée des oiseaux migrateurs ou l’émergence du premier fruit«Avec cette application, nous allons avoir un plus grand nombre de constats sur la précocité des phases de développement des plantes et obtenir ainsi des renseignement précieux sur l’influence du réchauffement climatique sur les saisons» poursuit Daniel Mathieu.Les botanistes espèrent également récupérer des éléments plus précis sur les aires de répartition de chaque espèce végétale et suivre notamment l’avancée des plantes invasives. Intéressés eux par la flore tropicale qui reste encore largement inconnue, les chercheurs du CIRAD et l’IRD espèrent que Pl@ntnet leur permettra de découvrir de nouvelles espèces.Loïc Chauveau, Sciences et Avenir. 5/03/13