Quel gène pourri traine dans notre patrimoine génétique pour que, face à un bébé animal, nous nous sentions immanquablement submergés par une niaiserie incontrôlable s’accompagnant de moues attendries qui auraient certainement convaincu Emile Louis et Franck Ribéry de laisser tout le monde descendre du bus ?!
A la recherche de la nouvelle star
Tous les professionnels un peu sérieux vous le diront pour être sûr d’obtenir un franc succès sur le web, seules deux voies crédibles s’offrent à vous, mettre des femmes nues ou montrer des bébés animaux. Mes collègues de travail ayant refusé avec entêtement la séance de prises de vue que je leur proposais dans la cave de la résidence familiale de la cité des 4000 à La Courneuve (je ne comprends d’ailleurs toujours pas pourquoi), j’ai donc dû sérieusement envisager le recours aux animaux.
Ayant appris très jeune comment glisser avantageusement les pattes arrières des chèvres dans mes bottes pour combler mon désert affectif immobiliser l’animal avant la traite, j’avais d’abord envisagé cet animal, avant de me rendre compte de l’insuffisance de son pouvoir émotionnel. Les règles sont dures au pays du « tromignon ». Pour être attendrissant, il est préférable d’être petit et poilu (ça me fait penser que mon copain Fred doit être vraiment très attendrissant !). J’eus alors le souvenir d’un moment très fort de télévision avec un cochon d’inde et Julie Andrieu, qui aurait pu fonctionner. Malheureusement l’histoire s’était mal terminée pour le cochon d’inde ! Si on écarte donc tout ce qui se mange dans la catégorie des bébés animaux, on retombe immanquablement sur le chat…qui lui retombe sur ses pattes.
Chat-ïna connection
Le seul problème c’est que je ne suis pas certain que les bébés chats soient d’accord pour que je fasse du trafic sur leur dos. J’ai la fâcheuse sensation qu’ils ont développé contre moi une agressivité certaine. Pas plus tard que la semaine dernière, une personne travaillant régulièrement pour la belle administration que j’ai l’honneur de servir quotidiennement en lui confiant mes plus profonds courage et dévouement, décide d’une petite visite de courtoisie dans la mansarde aménagée qui tient lieu de bureau à 17 fonctionnaires zélés, donnant à l’endroit un petit air d’atelier de confection chinois. La bête sauvage entame alors, malgré la solidité de la laisse en cuir destinée à permettre à sa dompteuse de prévenir tout accident grave, une occupation en règle de mon espace de travail, générant, du fait de la petitesse de ce dernier, une promiscuité digne du rapprochement de Joana et Jean-Edouard dans la piscine. N’écoutant que mon courage, je caresse du revers de la main le menton de l’importun, ne me doutant pas une seconde qu’il puisse pousser la vilénie jusqu’à maculer mon bureau d’empreintes de pattes. Je préfère d’ailleurs ne pas savoir dans quoi il avait marché ! D’ailleurs, depuis mon plus jeune âge, le contact rapproché avec la gente féline a tendance à me transformer en lapin atteint de la myxomatose. Souffle court, reniflements incessants, yeux rouges et hagards. Le bonheur ! La malédiction s’était même étendue au cercle familial quand mon jeune frère, exerçant dans l’hôtellerie de luxe, voyait son petit chat attendre patiemment que les chemises soient lavées, repassées et pliées pour confondre la panière à linge et sa litière.
Agnès et son hémistiche au balcon
On dit souvent que l’éléphant est l’animal dont la mémoire est la plus remarquable, que la mule, particulièrement cette du Pape, n’oublie jamais. Mais je pense que les chats disposent d’une mémoire collective bien supérieure qui leur permet de pourrir la vie à qui aurait, autrefois, nuit à leur race. J’avoue quelques incartades de jeunesse ayant mis en scène des chats et, visiblement, ils doivent s’être fait passer le mot. J’avais en effet un jour testé la véracité du mythe du chat retombant toujours sur ses pattes en proposant au petit chat de mon meilleur ami de s’envoler depuis le balcon du premier étage. Las, le malheureux nous convainquit bien malgré lui du caractère très exagéré de cette légende. Tout au plus le chat retombe-t’il toujours, ce qui n’est déjà pas si mal. Le rat qui servait de pilote au programme spatial congolais Troposphère 5 ne peut pas en dire autant. Ayant survécu à son casting façon Rémi Julienne, le félin était devenu le seul chat de la maison dont l’arrivée s’annonçait, dès la pièce à côté, par un petit sifflement qui accompagnait sa respiration. Vu qu’en plus, nous testions régulièrement la fraîcheur de ses croquettes en se partageant l’écuelle pour notre goûter, je comprends qu’il en ai nourri un certain ressentiment. Je ne vais donc malheureusement pas pouvoir vous combler de bonheur avec un tumblr de petites boules de poils trop mignonnes qui dorment ou poursuivent une pelote de laine. Pfffff ! (ceci est une marque de dépit et non une mauvaise imitation du chat en colère)
La Poste avait, quant à elle, compris bien avant tout le monde le potentiel de séduction du bébé chat en l’employant largement dans ses calendriers vendus en port à porte. C’était certainement le meilleur moyen d’aboutir à une forme d’équilibre esthétique avec la tenue des préposés à la tournée du courrier dont on peut affirmer au premier coup d’œil qu’ils n’ont pas été dessinés par Jean-Paul Gaultier.