Aujourd’hui, je voudrais revenir sur un sujet qui a tapé dans mon oeil de manière tout à fait négative.
Une histoire de mode qui a sacrément tapé sur mes nerfs.
Et cela vient de la photo en une de mon article.
Cette jeune femme se nomme Ondria Hardin. Jeune modèle américaine de 16 ans, elle a été choisie par Chanel pour devenir l’une de leurs égéries.
Bon.
Et donc là sur cette photo, elle a été choisie par le magazine « Numéro » qui en a fait son « African Queen » pour illustrer une série de mode du même nom. Seulement, le petit détail que l’on ne note pas tout de suite, c’est que la jeune femme a été peinte en noire et qu’elle est blanche. Eh oui, d’habitude Ondria a plutôt cette allure ci.
Alors bon, tollé, il y a eu sur le web. Du coup, le mag s’est excusé, arguant sur la liberté artistique, sur le fait que magazine laisse régulièrement la place à toutes les couleurs de peaux dans ses pages (après vérifs, sur 141 couvertures, seulement 3 ont mis en avant une mannequin non blanche…hum) et que leur intention n’a jamais été de faire preuve de discrimination envers qui que ce soit (sachant que ce n’est pas la première fois qu’ils font preuve de ce type de créativité). La réponse en détail est par ici. Le photographe a également rédigé un droit de réponse où il indique qu’il avait dans l’idée de faire une séance inspirée par les figures de jet-setteuses des années 70 à l’époque où elles se trouvaient en Orient et qu’elles avaient un look, un teint bronzé et doré qu’ils ont tenté de retranscrire sur le mannequin. Il n’était pas au courant que la série allait se nommer « African Queen » et il n’a pas fait sa séance dans ce sens.
Bon, malgré toutes ces explications, cette démarche artistique me fiche le cul par terre. La 1ère question qui m’est venue en tête c’était : pourquoi ne pas avoir engagé une mannequin noire si l’idée était de montrer une « femme de couleur » ? J’ai pas vraiment de réponse, si ce n’est que cela reflète en partie le souci de visibilité des mannequins noires (ou d’autres couleurs de peau) qui sont très peu représentés dans la mode. Un exemple qui décrit bien la pseudo représentativité dans le monde de la mode. A la dernière fashion week de New York, près de 83% des modèles ayant défilé étaient blanches. Les 20% restants se répartissent entre des mannequins asiatiques (env 9%), noires (6%) latinos (3%).
Alors non, je ne vois pas le côté artistique de ce type de travaux. Une éditorialiste américaine a dit dans un article que ce genre d’initiative montre à quel point l’industrie de la mode exploite le filon de la tendance ethnique, mais elle n’en célèbre pas la beauté différente qui en résulte. Je suis d’accord avec cette idée parce que sous couvert de « métissage artistique » et d’une volonté de « diversification », on reste dans un schéma modesque habituel puisqu’ils ont fait appel à une mannequin blanche et que c’est elle qui est censé mettre en avant une beauté ethnique différente en ayant la peau coloré artificiellement. Pas très cohérent, je trouve. Et puis, je m’interroge sur l’exemple donné à des femmes noires qui souhaiteraient bosser en tant que mannequins. Il y a quelque chose de décourageant, d’aberrant et de vraiment ridicule dans le fait de se dire que pour une série mode où l’on veut mettre en avant une couleur de peau, on embauche une modèle que l’on préfère maquiller (de longues heures) au lieu d’embaucher une jeune femme noire.
Toujours pour cette même photo, pourquoi ne pas avoir laissé la modèle avec sa couleur d’origine ? L’une des idées fortes de cette série mode était je cite « de mettre l’accent sur le métissage et le mélange des cultures ». Très bien, alors pourquoi ne pas avoir montré un réel mélange des genres en prenant la jeune femme comme elle était.
Je suis presque (je dis bien presque) blasée par l’uniformisation que je peux voir dans la mode, mais je continue de trouver ça inquiétant. Je repense toujours à l’ado que j’étais et qui hormis une Naomi Campbell (qui n’a jamais montré ses cheveux au naturel) ou une Iman ne trouvait pas d’autres modèles noires dans les magazines. Et j’en cherchais, je voyais bien quelques jeunes femmes noires dans les clips américains, mais leurs cheveux lisses et leur teint clair n’inspiraient pas beaucoup de créativité à la jeune femme aux cheveux crépus que j’étais. Pire, je me souviens avoir eu de grands moments de solitude parce que je pensais ne pas avoir les cheveux qu’il fallait. Je me demande encore maintenant comment j’ai été influencée par tout ça.
La mise en avant, d’une beauté unique, cela pose une nouvelle fois la question de la diversité (un souci plus global qu’il n’y paraît) et l’influence majeur des modèles que l’on nous donne, que l’on prend, que l’on accepte aussi. J’ai toujours cette idée qui me démange que j’aimerais voir plus de gens différents dans les magazines. Et puis cette interrogation lancinante : est ce que nous accepterions de voir des gens qui nous ressemblent vraiment dans les revues ? est ce qu’une version éloignée de la perfection et l’idéalisation continuerait à nous plaire ?
Alors bon, cette « African Queen » je l’aurais voulu plus différente, noire, blanche, dans le fond je m’en fiche, mais sans artifices, ça aurait été tout de même mieux. Non ?