Titre : La guerre d'Alan, Intégrale
Scénariste : Emmanuel Guibert
Dessinateur : Emmanuel Guibert
Parution : Octobre 2009
1994. Emmanuel Guibert demande son chemin dans la rue à un homme. Ce dernier, Alan Ingram Cope, deviendra l’un de ses amis. Américain, il s’est installé en France lorsqu’il est parvenu à la retraite. Lors de leurs conversations, Alan parle de la seconde guerre mondiale. Alors, Emmanuel Guibert et lui décident d’en faire des livres. Il en résultera trois ouvrages parus en 2000, 2002 et 2008 chez L’Association. Les voilà regroupés dans une intégrale qui pèse pas moins de 300 pages.
Avec « La guerre d’Alan », on se rapproche vraiment de ce que l’on appelle un roman graphique. En effet, le texte est omniprésent est essentiel. C’est la voix d’Alan qui nous raconte son histoire, ses anecdotes… Avec le côté un peu décousu qui va avec. Résultat, on a l’impression d’être à la fois dans une biographie et dans une autobiographie. C’est assez étrange comme sensation. Car on ressent bien le langage d’Alan Cope qui parle à son ami Emmanuel Guibert. « Peut-être qu’un dessin pourrait le retranscrire ? » Si bien que l’ouvrage prend l’aspect d’une confession à un ami. Ce n’est plus Guibert qui écoute Alan Cope, mais le lecteur.
Alan Cope n’a rien vécu d’exceptionnel, mais c’est clairement quelqu’un de non-conventionnel. Ainsi, si les anecdotes sur la guerre en elle-même (de la formation au retour au pays) ne concernent pas les grands faits de la guerre (débarquement allié, prise de Stalingrad), elles parlent avant tout des hommes. D’hommes largués un peu comme ils peuvent au milieu de pays inconnus et avec des ordres peu clairs (et surtout masqués). Il n’est pas impossible que certains lecteurs bloquent un petit peu sur la fin de l’ouvrage qui mentionne l’après-guerre. Selon moi, les derniers chapitres sont essentiels.
« Cette profonde humanité ne peut laisser indifférent. »
Réduire « La guerre d’Alan » à la guerre est une erreur. C’est d’Alan dont on parle ici. Un homme qui a été forgé par cette guerre qui a modifié son existence alors qu’il était encore bien jeune. Et tout ici est affaire de relations humaines, d’amitié, de complicité. De gens que l’on apprécie et que l’on perd de vue. Et Alan passera une bonne partie de sa vie à essayer de renouer avec ces gens formidables qu’il a rencontrés et avec qui, parfois, il ne partageait aucune langue. Cette profonde humanité ne peut laisser indifférent. Surtout qu’Alan Cope nous en parle avec beaucoup de pudeur malgré tout.
L’ouvrage est remarquablement dessiné (illustré ?) par Emmanuel Guibert. Je connaissais son travail uniquement par « La fille du professeur » et force est de constater qu’il sait ici se mettre au service du récit. On sent le travail de documentation derrière. Aussi bien il peut mettre le dessin très en retrait en ne dessinant que les personnages, autant il peut sublimer des paysages avec virtuosité lorsque c’est nécessaire. La narration, peut évidente, est bien menée et nous tient en haleine. Il est difficile de finir l’ouvrage d’une traite étant donné sa longueur, mais une fois démarré, on le dévore à grande vitesse.
Je tiens à préciser que cet ouvrage m’a suffisamment ému pour me faire couler des larmes. Or, les bande-dessinées qui en ont été capable se comptent sur les doigts d’une main…
« La guerre d’Alan » est un témoignage plein d’humanité sur la guerre, mais surtout sur un homme, Alan Cope. Si ordinaire au premier abord, il se révèle au fil des pages sans jamais se mettre en avant. Et en refermant l’ouvrage, on a l’impression de s’être fait un ami. Une œuvre majeure à n’en pas douter.
par Belzaran
Note : 18/20