C’est un match entre le sable et les arbres. Le sable a pour lui l’océan, le vent, et accessoirement le réchauffement climatique. Nous sommes dans la partie sud de l’île d’Oléron, plus précisément dans la forêt domaniale de St-Trojan, qui dépasse largement les limites communales du village qui lui a donné son nom. Peu à peu, la dune grignote la forêt, grosso modo sur toute la longueur représentée ci-dessous par un trait rouge :
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De la forêt médiévale, il ne reste rien : elle a été défrichée dès le Xe siècle. A l’époque, la dune bouge peu. Les hommes y voient un espace immuable ne menaçant en rien leurs activités. Le village même de St-Trojan, implanté au VIe siècle sur un site déjà occupé au néolithique, n’est absolument pas envahi par le sable et peut se développer en toute quiétude.
Or, à partir du XVe siècle, l’avancée du sable dans les terres devient suffisamment significatif pour que les habitants s’en émeuvent. La dune atteint les habitations au XVIe siècle, contraignant les habitants à déplacer le village et à tenter de fixer les dunes par un système de palissades. Il faut attendre le XIXe siècle pour que des systèmes plus efficaces soient mis en place. C’est alors à cette époque qu’il est décidé de reboiser cette partie de l’île à base essentiellement de pins maritimes.
Cette forêt de pins apporte aux Oléronais une nouvelle source de revenus : l’exploitation de la résine. Cette activité, essentiellement aux mains des femmes, perdure jusqu’au milieu du XXe siècle, période à laquelle le tourisme supplante les autres activités (l’ostréiculture et la viticulture sont étroitement liées au tourisme), mais surtout période à laquelle l’industrie chimique met au point des ersatz efficaces de la térébenthine naturelle. A partir des années 1960, la forêt s’adapte au tourisme de masse. Les sentiers sont élargis et mieux entretenus qu’auparavant : la forêt devient tout naturellement un lieu de promenade. On peut encore y voir aujourd’hui des endroits surprenants, notamment des zones marécageuses, celles-ci ayant tendance à gagner du terrain depuis la tempête de décembre 1999 :
Dans le même temps, et avec une intensité encore plus forte, les touristes se saisissent de la plage. La dune est piétinée, tout comme les végétaux chargés de la fixer, que ceux-ci poussent spontanément ou qu’ils soient plantés par l’homme. La dune, pourtant pas bien haute (et peut-être à cause de cela), devient terrain de jeu et de bronzage, et, aidée par les vents et les courants, recule vers les terres et prend de la hauteur pour atteindre ce que l’on connait aujourd’hui :
Lors de la tempête de décembre 1999, plus de la moitié des pins maritimes de la forêt de St-Trojan ont été cassés, arrachés ou étêtés, ouvrant un magnifique couloir pour le sable. Les tempêtes suivantes, dont Xynthia en février 2010, ont achevé le travail. Aujourd’hui, la forêt est progressivement mangée par le sable. En témoignent les restes de pins asphyxiés par le sable :
A la suite de Xynthia, le trait de côté a reculé de 20 mètres sur la Grande Plage de St-Trojan, transformant les dunes en falaises de sable côté océan, alors que leur pente reste douce côté forêt :
Le mouvement de grignotage est rapide : on s’en rend compte d’une balade sur l’autre. La grande virée consistant à faire le tour complet de la pointe de Maumusson est ainsi à chaque fois un peu plus rapide que lors de la précédente balade, l’île rétrécissant sous nos yeux.
à cliquer :
- un rapport publié par l’université de La Rochelle en 2006-2007 concernant la forêt domaniale de St-Trojan
- un rapport de l’Institut du Littoral et de l’Environnement (La Rochelle, 2010) concernant les effets de la tempête Xynthia sur les plages de l’île d’Oléron
Photos prises en juillet 2012, décembre 2012 et mars 2013
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