Comme d’un tonneau sans fond, depuis quarante ans de nouveaux albums de Jim Hendrix sont édités à se demander si le mort ne serait pas encore vivant, reclus dans une maison de retraite ultra secrète, celle où végète Elvis Presley comme chacun sait… Je rigole parce que c’est un peu ridicule tout cela, j’en conviens, mais rassurez-vous fans d’Hendrix, moi aussi je me rue comme un affamé sur tous ses enregistrements lâchés au compte-goutte pour entretenir éternellement notre amour pour la musique du fameux gaucher.
Tous les titres sont connus mais livrés dans des versions alternatives au milieu desquelles on trouve deux inédits Let Me Move You et Mojo Man dont la particularité est d’être chantés par Lonnie Youngblood pour l’un et Albert Allen pour l’autre, ce qui surprend à la première écoute. Let Me Move You est un Rythm’Blues endiablé avec saxophone (Lonnie Youngblood) qui renvoie aux enregistrements d’Hendrix quand il n’était que sideman avec les Isley Brothers ou King Curtis, mais ici avec de féroces solos de guitare. Quant à Mojo Man, avec le Ghetto Fighters et ses cuivres, il est plus moite et funky, avec un je ne sais quoi de Dr John dans les vocaux. Deux titres intéressants car ils sortent Jimi Hendrix de son univers musical le plus connu.
Deux autres titres ont un intérêt certain, Easy Blues et Inside Out. Le second parce qu’il est interprété par Hendrix et Mitch Mitchell uniquement, Jimi tenant aussi la basse et il dégage un max ! Là encore, il sait pousser cet instrument assez loin pour être remarquable. Mais c’est surtout Easy Blues qui pour moi est le plus beau morceau du CD, entouré de Billy Cox (basse), Mitch Mitchell (batterie), Jerry Velez et Juma Sultan (percussions) et Larry Lee (guitare rythmique), Jimi Hendrix interprète un blues tendant vers le jazz, absolument superbe dans l’esprit même si le solo de guitare aurait été revu par le maestro si le titre était sorti en disque de son vivant. Ici le morceau dure six minutes, mais on connaît une version pirate de près de vingt minutes…
Non seulement ce titre est magnifique, mais il prête à discourir à l’infini entre fans. Si Jimi n’était pas décédé qu’elle aurait été son évolution musicale ? Vers du funky genre Mojo Man ou bien vers du jazz comme ce Easy Blues ? En 1970 j’aurais peut-être grincé des dents s’il avait opté pour le jazz mais aujourd’hui et à mon âge, je regrette terriblement de n’avoir pas connu cela.
Le reste de l’album semblera mineur mais qui crachera sur ce Hear My Train a Comin’ à la rythmique ronflante, à la belle partie de guitares sur Izabella, à ce Somewhere avec Stephen Stills à la guitare basse, au très beau Villanova Junction Blues, mais Bleeding Heart est bien faible à mon avis.
Le CD n’est pas génial, ce serait mentir que de l’affirmer ou être sourd, presque tous les titres sont des versions inédites certes, mais toutes ne sont pas meilleures que celles précédemment sorties. Le disque s’adresse aux fans, donc ces affirmations n’ont aucun sens, pour nous l’important est d’avoir toutes les prises de tous les enregistrements studio d’Hendrix ! Car à chaque fois le plaisir est intense.
« People, Hell & Angels sera le dernier album d’inédits en studio, a déclaré Kramer au journal Libération. Il y a encore des versions techniquement exploitables, mais elles n’ont pas le niveau de qualité que nous essayons de maintenir. […] En revanche, nous avons deux albums publics en projet, deux concerts filmés et enregistrés avec des archives d’excellente qualité. » Nous verrons ce qu’il en sera réellement...