Le 11 janvier 2013, dans le cadre de l’accord sur la sécurisation de l’emploi, patronat et syndicats sont parvenus à un compromis pour la généralisation du régime de complémentaire santé en entreprise.
Désormais, l’ensemble des salariés, auront accès à une mutuelle collective « au plus tard, le 1er janvier 2016 ». L’application de l’accord est subordonnée à sa transposition dans le code du travail qui interviendra dans les mois prochains. En l’état, et bien qu’il contienne des zones d’ombre, le texte devrait bouleverser le paysage de l’assurance santé.
Vers une concentration du marché
A ce jour, près de 4 millions de salariés, le plus souvent de PME et TPE, souscrivent des contrats individuels pour couvrir leurs dépenses de santé non couvertes par la sécurité sociale. Pour la plupart, ces contrats sont plus onéreux et moins avantageux que les couvertures collectives proposées par les entreprises. Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, ces écarts de pratique devraient se réduire. Pour les professionnels du secteur, l’accord s’annonce comme une onde de choc qui devrait affecter près de 6 à 7 % des acteurs de complémentaire santé. Sur ce marché évalué à plus de 30 milliards d’euros en 2011[1], les petites mutuelles individuelles « mono-produit » sont les plus menacées. Pour ces dernières, l’objectif sera de préserver et d’élargir leur portefeuille de clients, notamment en direction de ceux non concernés par la mesure : étudiants, retraités, chômeurs de longue durée et travailleurs indépendants. Un virage d’autant plus compliqué que les assureurs ne réalisent qu’une petite partie de leur chiffre d’affaires auprès de ces clients. Pour les assurances de plus grande taille, leur destin sera lié à leur capacité à élaborer des solutions d’assurance collective attractives. La réforme marquera aussi les banques-assureurs fortement implantés sur le segment des contrats individuels. Dans ce contexte, les instituts de prévoyance et assureurs historiques tels que Malakoff Mederic, Axa, AG2R La Mondiale, leaders sur le segment de l’assurance collective, devraient tirer parti de l’afflux de nouveaux clients, mais peut-être pas sans compétition.
Un cadre concurrentiel tué dans l’Ĺ“uf ?
Initialement, l’accord prévoyait que d’avril 2013 à juillet 2014 les entreprises auraient « la liberté de retenir le ou les organismes de leur choix » pour leur branche d’activité. Autrement dit, les sociétés ne devaient pas être contraintes par les accords de branches déjà existants. Ces derniers prévalent aujourd’hui dans nombre de secteurs tels que l’hôtellerie, la boulangerie et les transports. Le texte ajoutait que les partenaires sociaux pouvaient recommander « un ou plusieurs organismes assureurs ou institutions ». Finalement, il pourrait en être tout autrement. A la veille de sa présentation devant le conseil des ministres et le parlement, le 6 mars 2013, l’avant-projet de loi semble avoir écarté le principe de libre choix précédemment retenu. Ce revirement a soulevé des critiques d’une partie des assureurs collectifs. Ils redoutent que l’absence de cadre concurrentiel cause la suppression de nombreux acteurs de l’assurance et du courtage, soit plusieurs milliers d’emplois, au profit notamment des institutions de prévoyance. A ce titre, parmi les trois familles de l’assurance santé, ce sont les institutions de prévoyance, qui dominent le segment des contrats collectifs et tirent parti des accords de branches. Elles possèdent 41 % du marché contre 37 % pour les mutuelles santés suivies des compagnies d’assurance. Traitant le plus souvent directement auprès des entreprises, ces dernières avaient milité pour l’instauration d’une liberté de choix de couverture de santé.
Les ayants droit : double fuite pour les assureurs individuels
Au regard des ayants droits, le texte n’apporte pas de précision sur la possibilité d’étendre la couverture d’assurance à l’entourage du salarié (conjoint et enfant). On peut légitimement penser que oui. Le régime maladie prévoit, en effet, cette possibilité en contrepartie d’une augmentation de cotisation. En conséquence, la base clients des assureurs individuels devrait s’éroder encore davantage éprouvant, de surcroît, leur capacité d’adaptation.
Un coĂťt inconnu pour les entreprises
Réparti à part égale, entre l’employeur et le salarié, la complémentaire santé est un coĂťt supplémentaire estimé entre 2 et 4 milliards d’euros pour les entreprises. C’est pourquoi, en attendant que les contours de la loi soient clairement établis, elles avancent avec circonspection. En période de croissance faible voire nulle, le Medef met en garde contre des coĂťts trop brutaux qui fragiliseraient les sociétés. En ce sens, l’organisation soutient une application progressive de la loi sur 5 ans.
[1] : Etude du marché français, Situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé, DREES-ACP, 12/12/2011
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