Le Monde a faim.

Publié le 13 avril 2008 par Josst


 

La situation n'est finalement pas nouvelle, pourtant elle a pris ces dernières semaines des proportions toutes particulières, semblant atteindre presque uniformément les sociétés humaines du monde.
Alors que les prix des denrées alimentaires de base  flambent ( +45% en moyenne) un peu partout, l'on voit se multiplier les manifestations, qui au delà de "simples" revendications d'ordre économique, s'acheminent avec violences vers de véritables émeutes de la faim.
Premiers touchés, les pays en voie de développement sont également soumis à la précarité de leurs populations qui n'ont d'autre choix que de descendre dans les rues pour crier leur désarroi et leur colère face à l'impossibilité toujours plus insoutenable qu'elles ont de se nourrir.

  


Le Mexique: "pays symptomatique" de la crise alimentaire mondiale.

Souvenez-vous à la fin de l'année 2007, la situation mexicaine avait fait grand bruit.
En quelques semaines, le prix de la tortilla ( aliment de base des mexicains, comparable à notre baguette française) avait cru de plusieurs pourcent et son inflation approchait alors les 35% sur 3 ans.
Les causes de cette hausse continue des prix de la tortilla avaient été multiples. Deux d'entre elles avaient été pourtant reconnu comme particulièrement actives dans la survenue de la crise.
La première cause relevait de la monopolisation du marché de la tortilla par quelques entreprises mexicaines qui avaient joué de leur domination jusqu'à pousser à la spéculation.
Producteurs de maïs et transformateurs s'étaient alors entendus dans certains cas pour pousser le prix de la tortillas à la hausse, notamment en limitant les approvisionnements de la céréale au sein des grandes structures agroalimentaires.

En parallèle de ce phénomène monopolistique, l'on avait pointé du doigt l'utilisation toujours plus fréquente que l'on faisait aux Etats-Unis du maïs et que
l'on destinait de plus en plus à rejoindre le marché des agrocarburants.
Le Mexique, véritablement dépendant du marché américain, notamment depuis la signature en 1994 de l'ALENA (Accord de libre échange nord-américain) qui lui garantissait un approvisionnement subventionné à moindre coût, a dû revoir le prix de ses importations à la hausse tant l'augmentation de la production d'éthanol a réduit les possibilités d'exportations du maïs "américain" à des fins alimentaires.
Aujourd'hui, on retrouve bien ces deux éléments, véritablement consubstantiels à la crise mondiale.



Une crise des crises. Des situations contrastées.

On l'a dit, les pays en voie de développement sont les plus violemment touchés par l'escalade des prix des denrées alimentaires de base et leurs populations -au risque de nous répéter- demeurent fragiles face à cette hausse tout azimut de la nourriture la plus nécessaire. 
Dans bon nombre de ces pays, à l'heure actuelle, il faut savoir que ces matières premières agricoles constituent souvent pour une large partie de la population la base mais également la majorité de leurs dépenses alimentaires. Des matières premières "directement consommées" qui peuvent représenter parfois jusqu'à 80% du budget d'une famille.
La hausse de ces prix a plusieurs causes. Parmi celles-ci on retrouve les mauvaises conditions climatiques qui ont tiré à la baisse les productions céréalières des pays exportateurs, la demande croissante des pays de "grand essor économique" tels que le Brésil, la Chine ou bien encore l'Inde ainsi que la spéculation financière qui participe, notamment au travers de la filière agrocarburant, de cette envolée des coûts céréaliers.
Ces causes bien qu'universelles amènent pourtant des situations de crises contrastées
.
  


En Afrique, continent de "toutes" les famines, la crise a provoqué les plus vives violences.
Débutées en Mauritanie en novembre dernier, les manifestations que l'on nomme désormais "manifestations de la faim" se sont très vite répandues sur une large partie du continent, soulevant les populations Ivoiriennes, Sénégalaises, Egyptiennes,...
La hausse du prix du mil ( céréale très consommée en Afrique) tend à déboucher sur une crise humanitaire à grande échelle. Une hausse qui pousse comme nous le précise l'hebdomadaire burkinabé, San Finna, des populations entières au régime forcé, parfois des journées entières.
En Egypte, ou la situation a été durant cette semaine relayée de manière importante par les médias , le pain ainsi que le lait ont subi une hausse de près de 100% en seulement une année poussant hors de ses murs, une population égyptienne excédée par les proportions démesurées prises par la crise.
En Haïti, ( pays le plus pauvre du continent américain), les violences font également rage notamment au sein de la capitale Port-au-Prince.
Là bas, c'est le riz qui pose problème. En quelques jours le prix du "sac de riz" a connu une hausse de plus de 90% passant de 35 dollars à quasiment 70. L'impossibilité de se nourrir est devenue telle que de nombreux haïtiens ont dû succomber bien malgré eux ,aux
galettes d'argiles .
Les stocks de riz, à leur plus bas niveau depuis les années 70, pousse également leur prix à la hausse. La PAM par exemple, qui achète un riz de qualité infèrieur ( 25 pour cent brisé) a vu ses dépenses s'envoler, le prix de la tonne passant en quelques mois de 200 dollars à un peu moins de 800 dollars. Et pour ne rien arranger de nombreux pays exportateurs de riz  ( Egypte, Inde, Pakistan,..) ont stoppé leurs ventes et d'autres ( Vietnam, Chine,...), les ont fortement réduites.
Ainsi, au sein de ces pays exportateurs, la crise demeure bien présente obligeant par exemple les populations du Pakistan ou bien encore du Bangladesh à attendre des heures pour acheter quelques sacs de riz subventionnés. Au Cambodge, ce sont les programmes de cantines scolaires qui ont été purement et simplement suspendu pour le reste de l'année. Une situation qui laisse craindre le pire pour les démocraties d'Asie ou des élections sont prévues pour l'année prochaine.

La PAM et les Nations occidentales sur le pied de guerre. 

Le Monde bien nourri s'inquiète.
Aujourd'hui, on en appel  à l'aide de la communauté internationale en l'exhortant de mettre en oeuvre de réelles mesures afin de soutenir les pays pauvres qui pourraient finalement entraîner dans leur chute, l'équilibre de sociétés de plus en plus bancales.
Actuellement selon la FAO ( Food and Agriculture Organization), 37 pays à travers le monde sont confrontés à cette crise de manière très préoccupante.
Des solutions ont d'ores et déjà été imaginée pour faire face au risque d'un  "véritable tsunami économique et humanitaire"( Louis Michel, commissaire chargé du développement au sein de l'U.E.)

La BERD ( Banque européenne pour la reconstruction et le développement) ainsi que la FAO ont inciter les pays d'Europe de l'Est, véritables greniers à grain, à accroître leur production céréalière.
Les "pays de l'est" ainsi que la Russie occidentale bénéficient en effet d'un véritable potentiel productif encore mal exploité et peu développé. Un potentiel qui pourrait grâce à des investissements, pallier en partie à la crise et venir se greffer aux potentialités déjà saturées des surfaces agraires des pays développés.
Il ne faudrait pas que cette crise entrave aux progrés réalisés en terme de développement, depuis déjà plusieurs années par de nombreux pays disent certains, qui craignent d'appercevoir au travers des récentes émeutes, le spectre d'une guerre de la faim. 

Jacques Diouf, directeur général de l'organisation des Nations unies pour la FAO a appelé cette semaine les dirigeants du monde à un sommet d'urgence pour le mois de juin. Un sommet qui devrait apporter des réponses que l'on espère déjà, pas trop tardives.