[Critique] THIS IS 40 (40 ans : mode d’emploi) de Judd Apatow

Par Celine_diane
[AVANT-PREMIERE] 
On ne peut pas nier l’influence de Judd Apatow sur le renouveau récent de la comédie américaine ni même ses talents certains de storyteller. Avec lui, on est passé de la médiocrité potache et de la fadeur des buddy movies 90’s à quelque chose de supérieur : des œuvres hybrides qui carburent au tragi-comique, des portraits générationnels de quarantenaires paumés qui contiennent davantage de neurones et de bons mots que de plaisanteries grasses. Ceci explique pourquoi ses films durent aussi longtemps (2H15 dans le cas de This is 40, chose rare dans le genre comique), et, aussi, pourquoi ils sont si bons. Avec ce quatrième film (après le touchant 40 ans toujours puceau, le moyen Funny people, et En cloque mode d’emploi, dont This is 40 est le spin off puisqu’il lui chipe deux de ses personnages), Apatow s’inspire de son propre vécu et fait de Pete (Paul Rudd), son alter égo. Soit, un grand enfant confronté aux réalités et galères de la vie : sa femme Debbie (Leslie Mann, épouse du réalisateur dans la vie) est en pleine crise existentielle, ses deux filles en pleine crise d’ado (Maude et Iris Apatow, filles de donc), sa maison de disques indépendante est en train de couler, son père- plus immature qu’un gosse- ne cesse de lui extirper l’argent qu’il n’a plus. Au départ, il n’y a franchement rien de folichon dans le quotidien que nous dépeint le film. C’était sans compter l’intelligence d’Apatow pour embrasser la banalité et la sculpter à coups d’études de caractère aussi fines que légères. S’il ne parle que de lui, de ses doutes et de ses remises en question, le propos se veut pourtant universel : ce couple d’américains, c’est un peu vous, quelque part- dit le film. D’ailleurs, pour enfoncer l’ancrage à une réalité connue de tous, Apatow use de ses moyens habituels : protagonistes imparfaits (les cupcakes et les clopes comme vices suprêmes), lieux familiers (l’école des gamins), running gags dopés aux références communes (ici, la série TV Lost), et name dropping (on pense à l’hilarante séquence sur Clooney notamment). 
Il n’y a pas véritablement d’intrigue dans This is 40, si ce n’est un flot continu de vie : mots, disputes, rires, larmes, situations. Apatow, et même s’il ne vise jamais le réalisme formel, désire tout de même capter l’existence quotidienne et en faire jaillir des questionnements : quels sont les moteurs d’un couple? Quelle éducation donner à des enfants nourris à l’internet et aux shows TV? Qu’est-ce qu’être adulte? Jusqu’où la vie à deux annihile-t-elle tout désir et passion ? Sous sa plume, et sur fond de musique rock, les réponses nous parviennent en instantanés ludiques. Apatow se prend la tête (sur le mariage, la baisse de libido, l’envie de tout envoyer valser), sans se prendre la tête (ambiance de potes au programme). Le film, parsemé d’apparitions délirantes de guests de luxe (Megan Fox, Jason Segel, Melissa McCarthy, Albert Brooks ou encore John Lihtgow), parvient alors à conjuguer correctement premier degré et seconde lecture- le plaisir divertissant des bonnes punchlines mêlé à l’hystérico-triste du temps qui passe. 

Sortie le 13 mars.