La chanteuse acadienne Lisa LeBlanc, qui avait fait forte impression, l'an passé, au festival Interceltique de Lorient, publie, le 25 mars, en France, son tout premier album éponyme, un disque depuis peu certifié or dans son pays. Véritable phénomène au Canada français, la jeune chanteuse originaire d'un petit village du Nouveau-Brunswick est aussi nommée pour un prix Juno (l'équivalent canadien des Victoires) dans la catégorie "album francophone de l'année".
(Photo : Pascale Boislard)
Vous êtes l'une des grandes figures émergentes de la nouvelle scène acadienne. Pouvez-vous nous dire ce qu'évoque l'Acadie pour vous ?
Difficile d'expliquer en deux mots à quoi se résume ma relation avec l'Acadie. Mes origines ont toujours beaucoup compté à mes yeux. J'en suis très fière.
Vous êtes originaire d'un petit village du Nouveau-Brunswick ? A quoi a ressemblé votre enfance là-bas ?
Je viens d'un village minuscule du Nouveau-Brunswick, Rosaireville. J'ai toujours vécu avec des gens plus vieux que moi parce qu'il n'y avait pas beaucoup de gens de mon âge. Cela a certainement contribué à forger ma personnalité. La famille prenait énormément de place, et comme tout le monde ou presque y était musicien, j'ai toujours baigné dans la musique. On a toujours joué dans le but de se faire plaisir avant tout.
Le Nouveau-Brunswick (en rouge), seule province officiellement bilingue du Canada.
L'environnement familial a donc fortement contribué à votre intérêt pour la musique ?
C'est sûr ! Dans ma famille, tout le monde a toujours montré beaucoup de respect pour la musique. Je me suis souvent retrouvé au milieu de "jam sessions" avec mes oncles et tantes qui interprétaient des morceaux des années soixante et soixante-dix. J'ai grandi avec ça !
Quel fut votre premier instrument ?
J'ai commencé à jouer de la guitare lorsque j'étais adolescente. Il y a environ trois ans, je me suis aussi mise au banjo, pour lequel je me suis découvert une vraie passion. J'ai eu un vrai coup de coeur pour cet instrument qui a de la gueule et dont j'adore la sonorité.
Au-delà de vos repères familiaux, quels sont les musiciens qui auront compté dans votre propre cheminement ?
J'ai traversé différentes phases. Comme je le disais, j'ai beaucoup écouté du rock des années 60 et 70, à l'image de Jimi Hendrix, Fleetwood Mac ou des Beatles. Je pense que c'est ce dont je me suis le plus imprégnée.
Je me serais attendu à ce que vous me citiez quelques grands noms du répertoire acadien, comme Edith Butler ou 1755…
Sans aucun doute. On baignait tellement dans cet environnement que cela s'est très certainement transmis de manière inconsciente. La musique acadienne était diffusée en permanence à la radio. Alors même si ce n'est pas une musique que j'écoutais tous les jours, j'ai forcément été influencée. Curieusement, c'est peut-être davantage aujourd'hui que je me tourne vers l'héritage que nous ont laissé nos vétérans. Ces pionniers de la musique acadienne que furent 1755, Cayouche ou Edith Butler. J'en suis très fan.
Vous avez suivi une formation à l'Ecole nationale de la chanson au Québec ? Qu'est-ce qui vous a amenée à suivre ce cursus ?
J'ai découvert cette formation grâce au festival de la chanson de Granby. J'y ai participé à des ateliers qui ont su me mettre l'eau à la bouche. En fait, je suis véritablement tombée en amour avec les profs qui animaient les ateliers. C'est là que j'ai découvert l'existence de cette école de la chanson. Je n'avais que 17 ans à l'époque et c'était encore trop tôt pour m'y inscrire, si bien que j'ai profité des quelques années qui ont suivi pour continuer à rouler ma bosse, en faisant des shows notamment. J'ai finalement pu m'inscrire dans cette école à l'issue de mes études secondaires. J'y ai passé une année magnifique.
Dès 2010, vous avez été lauréate de la grande finale du prestigieux festival international de la chanson de Granby. Aviez-vous imaginé de recevoir si vite une aussi jolie reconnaissance ?
Très honnêtement, je n'avais aucune attente particulière. J'étais très heureuse de pouvoir faire le festival à l'issue de mon année au sein de l'Ecole de la chanson. Je me sentais enfin prête; j'avais accumulé assez de chansons pour me présenter au concours. Je pensais déjà très sérieusement à réaliser mon premier album.
Vous êtes maintenant installée à Montréal. Est-ce là que vous avez écrit les chansons de votre premier album éponyme ?
Je les ai écrites en divers endroits. Certaines viennent de Granby, d'autres des Provinces Maritimes ou de Montréal. Comme je suis souvent en tournée, plusieurs ont aussi été écrites sur la route, au Canada ou en Europe. J'ai donné beaucoup de spectacles avant de sortir cet album et le public commençait à s'impatienter. On me le réclamait sans cesse...
Où a-t-il été enregistré, et avec quels musiciens ?
Louis-Jean Cormier, du groupe Karkwa, a réalisé l'album qui nous avons enregistré à Montréal. Nous avons voulu faire simple. En dehors de Louis-Jean et de quelques invités, les principaux musiciens de l'album sont ceux qui m'accompagnent aussi en tournée depuis deux ans, Jean-Philippe Hébert et Maxime Gosselin.
Cet album est déjà disque d'or au Canada et, cerise sur le gâteau, vous voilà en nomination pour un prix Juno dans la catégorie album francophone de l'année, après avoir déjà reçu le prix de la révélation de l'année au gala de l'Adisq en 2012… Avec ces nombreuses récompenses qui pleuvent, vous arrivez à garder les pieds sur terre ?
Franchement, oui. Je suis restée très proche de ma famille. La vie chez nous est tellement relax. On m'y voit encore comme la fille de Jean-Paul et Diane. Rien n'a changé. Je suis bien entourée. J'ai toujours eu la phobie de prendre la grosse tête que j'en suis devenue un peu parano. C'est la meilleure façon de garder les pieds sur terre le plus possible.
(Photo : Pascale Boislard)
Depuis, les dates de concerts s'enchaînent : les FrancoFolies, le festival d'été de Québec… Vous tournez beaucoup, je crois. Combien de concerts par an en moyenne ?
L'an dernier, on a dû en donner environ 150. On n'a pas vraiment arrêté de tourner depuis que je suis sortie de l'Ecole de la chanson.
On dit de vous que vous êtes une bête de scène. Il n'y a qu'à regarder la vidéo de votre récent passage sur la scène de l'Olympia à Montréal pour s'en convaincre. C'est important, la scène ?
J'ai toujours adoré la scène. J'en ai besoin. C'est une sorte de drogue. J'aime beaucoup m'amuser avec la foule. Et au-delà de ça, j'aime la vie en tournée, être dans un van, conduire, etc.
D'où retirez-vous cette énergie si communicative ?
Je n'en ai aucune idée. Cela tient peut-être au fait que je viens d'un petit village du Nouveau-Brunswick. Les Acadiens ont toujours eu la réputation d'être super chaleureux et accueillants. J'imagine que ça m'a suivi. J'ai toujours voulu conserver cette attitude.
Vous avez inauguré un nouveau courant dans le domaine du folk, le folk trash. Comment le définir ?
J'ai commencé à dire que je faisais du folk crash parce que je trouvais ça ben drôle. Je trouvais que ça allait bien avec ce que je faisais et je me disais que ça ferait parler. Je ne voulais pas dire que je faisais du folk-rock parce que tout le monde en fait. C'est vrai que mon son est très folk, très roots et même country. Mais quand je suis sur scène, on a parfois l'impression que je joue du punk tellement ça remue : c'est mon petit côté trash. En réalité, on utilise un banjo et une guitare acoustique, donc ça n'est jamais très violent, mais c'est surtout dans l'attitude que ça se passe…
Vos chansons racontent le quotidien avec un sens poussé de l'autodérision. Dans "Aujourd'hui, ma vie c'est de la marde", (vue près d'un million de fois sur You Tube) vous parlez notamment de la solitude. Mais grâce à votre sens de l'humour, le ton n'est jamais plombant, et l'optimisme semble toujours de mise, non ?
Je suis comme ça dans la vie. Le sarcasme est souvent une manière détournée de faire face à certains moments difficiles. Ce qui fait mal aujourd'hui, on en rira demain. L'humour est un trait essentiel de mes chansons. Je m'efforce, même si j'utilise pas mal de jurons, d'éviter de tomber dans le vulgaire. Il ne faut pas que ce soit gratuit. Parfois, la frontière est mince.
Quel genre de personne êtes-vous dans la vie ? Une rouspéteuse, pour paraphraser l'une de vos chansons ?
Ça dépend des jours (rires). J'aime croire que je n'en suis pas une, mais il faudrait demander à mon entourage...
Vous êtes cette semaine à Paris pour faire la promotion de cet album qui sortira en France le 25 mars sur l'étiquette Tôt ou tard. Sera-t-il le même que celui déjà paru en 2012 au Canada ?
Oui, ce sera exactement le même.
Vous serez en concert à La Boule noire à Paris, le 26 mars. Y-aura-t-il une tournée française à la clé cet été ou l'an prochain ?
Rien n'est encore confirmé, mais il est probable qu'on revienne en France cet été en effet.
L'an dernier, vous étiez au festival Interceltique de Lorient en Bretagne ? Quel souvenir gardez-vous de la Bretagne ?
Oh mon Dieu, oui. ça serait dur de ne pas garder un bon souvenir de Lorient ! Ça a vraiment été extraordinaire, d'autant que le festival était dédié à l'Acadie l'an passé. Nous nous sommes donc retrouvés à environ 150 délégués acadiens. Plein de bands, un beau pavillon. On m'en parlait depuis des années comme d'un festival complètement fou. Je n'ai pas été déçue… C'est un très beau souvenir !
Lisa LeBlanc au festival Interceltique de Lorient en 2012 (photo : DR)
Avez-vous commencé à travailler sur votre deuxième album ?
Tranquillement pas vite… Je ne suis pas trop pressée de sortir un deuxième album, mais je continue naturellement à écrire en parallèle de mes tournées.
Propos recueillis par Titus le 27 février 2013. Un extrait de cette interview a été publié dans l'édition du 11 mars du Télégramme.
Pour en savoir plus
Le premier album de Lisa LeBlanc sortira en France sur l'étiquette Tôt ou tard, le 25 mars. Show à La Boule noire, à Paris, le 26 mars.
Renseignements sur son site officiel