Dès les premières images, le champ s’élargit. Nous aurons assez vite une vue sur la ville, sur une colline, une ville en guerre, miliciens contre des ennemis qui ne seront pas nommés, peut-être les voisins. C’est la guerre, les refuges dans les caves, les angoisses soudaines quand tombe un obus. Et le tir sporadique d’une mitraillette devient presque habituel. Dans ce climat terrible, une femme (Golshifteh Farahani) veille son mari (Hamidreza Javdan) blessé bêtement après une insulte, pas même blessé au combat. Toute la famille l’a abandonnée avec cet homme, gisant dans une pièce, nourri d’eau sucrée quand il n’y a plus de sérum, soigné, protégé par cette jeune femme qui se met à lui parler. Que lui fera sa parole ? D’abord, elle changera la relation entre eux. Elle la libèrera de plus en plus d’un ordre où elle devait être soumise. Le film, réalisé par Atiq Rahimi, auteur du livre éponyme, donne des images aux mots du roman. Exprime-t-il pour autant la réalité ? Ce n’est pas un documentaire. Il rend encore plus forte la question des relations entre homme et femme dans cette société afghane, relations mère – fils, père – fille, époux – épouse, homme – jeune fille, homme – prostituée... Comment, dans un pays où on dit que la chevelure d’une femme fait s’enfuir un ange, comment peut-on envisager l’amour, sinon dans l’ignorance de l’autre et dans la violence ? Le silence de l’homme ici gisant, son impuissance totale, même s’ils restent une menace permanente, que rythme sa respiration, permettent à la femme d’exister, ne serait-ce que par la parole, d’exprimer son désir, son affection. Son amour ?