Après une longue période d'apathie, ces dernières semaines ont vu l'émergence, dans des banques, de nouvelles approches du paiement sur mobile, utilisant les technologies sans contact (cf. le cas de Bankinter) ou non (cf. l'exemple de PKO). Face à cette concurrence, que deviennent donc les solutions "historiques" à base de NFC ?
L'actualité récente nous donne l'occasion de faire un point sur 2 initiatives majeures : celle des opérateurs téléphoniques américains, ISIS, et celle qui évolue autour de Ciyzi en France. Autant prévenir le lecteur immédiatement, la situation n'est toujours pas brillante (pour ne pas dire qu'elle reste consternante)...
Aux États-Unis, la grande offensive ISIS, toujours limitée aux 2 villes pilotes initiales, Salt Lake City et Austin, commence à exposer ses faiblesses. Un changement de prestataire informatique, qui pourrait paraître anodin de prime abord, illustre en fait les profondes difficultés auxquelles se heurtent les opérateurs.
Il faut d'abord savoir que l'application mobile déployée par le consortium est, selon ses utilisateurs, affectée par de sérieux dysfonctionnements (entre autres, un blocage complet du terminal à la saisie du code PIN d'authentification). Au vu des délais entre son annonce et sa publication effective, on aurait pu espérer que les anomalies avaient eu le temps d'être éradiquées mais il semble donc que ce n'ait pas été le cas.
Par ailleurs, les observateurs soulignent que cette application, conçue sur les spécifications d'ISIS, est beaucoup trop "technique" alors que les consommateurs attendent désormais de leur smartphone une expérience orientée vers l'agrément et le plaisir. Apparemment, la raison finit par gagner, puisque la réalisation de la prochaine version du porte-monnaie mobile va être confiée à une société spécialiste de l'expérience utilisateur.
Cet "ISIS Wallet 2.0" ne verra cependant pas le jour avant le troisième trimestre. En parallèle, le consortium confirme ne pas avoir l'intention d'étendre son expérimentation à de nouvelles villes cette année. En fait, la prochaine nouveauté annoncée serait l'introduction d'une version pour iPhone, accompagnée de l'inévitable "jaquette" fournissant la connectivité NFC absente des téléphones d'Apple, dont tous les tests aboutissent pourtant à l'échec.
Côté résultats, le silence des partenaires est éloquent. Selon un des rares articles évoquant des chiffres, ISIS serait utilisé 600 fois par jour dans les transports de Salt Lake City (sur un total de 150 000 déplacements quotidiens). Or, il a été dit que l'expérimentation dans l'Utah avait beaucoup plus de succès qu'à Austin justement parce qu'elle incluait l'utilisation du mobile comme titre de transport. Ces indices laissent imaginer la réalité de l'adoption...
En France, c'est un article de Silicon.fr qui attire l'attention, affirmant que Visa veut accélérer le déploiement du paiement sans contact sur mobile. Hélas, cette assertion incantatoire ne s'accompagne d'aucun nouvel effort sérieux, reflétant au contraire une position en attente d'un déclic magique qui n'arrivera jamais.
Les arguments développés sont en effet basés sur l'extension "naturelle" de l'écosystème NFC : la multiplication du nombre de cartes compatibles distribuées dans l'hexagone (5 millions sur 35, actuellement) et la croissance du parc de terminaux équipés, qui devrait atteindre les 200 000 unités en septembre. Fortes de ces bases indispensables, les banques françaises devraient lancer une offre commerciale sur mobile avant l'été (selon Visa).
Si cette simple équation suffisait pour garantir la popularité du paiement sans contact sur le téléphone, cela se saurait. En fait, les acteurs impliqués devraient s'attarder sur leurs expérimentations en cours, avec l'initiative Cityzi. Au vu de ses annonces tonitruantes, évitant soigneusement de parler de l'adoption réelle du paiement mobile (et préférant manipuler les chiffres de vente de smartphones en France), il est facile d'imaginer, là aussi, la réalité de la situation...
Plus affligeant encore, les efforts portent encore et toujours sur les mêmes recettes sans avenir, telles que le lancement d'un étui NFC pour iPhone. Oser évoquer le test "à grande échelle" réalisé par BPCE (dont je n'ai pas entendu dire qu'il était concluant, loin de là) pour valider ce modèle est édifiant. Et quid de l'offre Visa-Samsung, dont on nous explique qu'elle n'arrivera probablement jamais en France parce que les opérateurs, qui en sont exclus, ne la voient pas d'un bon oeil...
En conclusion, le monde du paiement sans contact sur mobile poursuit sa route tranquillement, sans se presser et sans changer sa stratégie d'un iota, en dépit des alertes qui s'accumulent. Il n'est donc pas étonnant que d'autres idées soient testées et lancées par des acteurs un peu plus inspirés. Et quand des banques font partie de ces derniers, il est peut-être temps de préparer l'alternance...