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Souks Semmarine, un lieu , une histoire….

Publié le 10 mars 2013 par Fouzi53 @fouzi53
Souks Semmarine, un lieu , une histoire….

A l’heure où nous parlons de l’attractivité d’une destination touristique, il serait intéressant de faire un zoom sur une composante importante du produit qui n’est malheureusement pas mise suffisamment en avant dans le cadre de la promotion de Marrakech.

Nous nous positionnons comme destination culturelle, ce qui implique que nous ambitionnons de faire vivre à nos touristes des expériences basées sur un patrimoine qui fait référence à une histoire, des pratiques humaines, des us et coutumes, une mémoire collective etc….et dans ce cas de figure, les souks sont le meilleur atout que possède Marrakech pour se positionner définitivement en tant que tel.

Les souks ne se sont pas créés comme les centres commerciaux que nous voyons ouvrir ici et là , ils sont d’abord une demande de la communauté en rapport avec son activité au quotidien, lieu de rencontre entre le citadin et le rural, d’échange, de partage, de découverte et de solidarité.

Les Souks Semmarine, sont les plus connus, tirant leur nom des maréchaux ferrants qui étaient placé à l’entrée des souks pour ferrer les bêtes pendant que les propriétaires faisaient leurs emplettes dans les souks, du temps des caravaniers, premiers voyageurs reliant les pays du Sahel aux pays du Maghreb. Marrakech étant une plaque tournante du commerce et une étape entre le Nord et le Sud.

L’allée centrale qui traverse les souks et qui va de la place Jamâa El Fna jusqu’à la Medersa Ben Youssef et réservée en priorité aux échoppes de ventes, sorte de front office en contact direct avec les clients et alimentés à l’origine par les artisans qui travaillent dans les ruelles adjacentes. Les souks sont organisés en corporations de métiers d’où leurs noms : Attarines (Epiciers), Nejjarines(Menuisiers), Kassabines(Vanniers), Haddadines(Forgerons), Cherratines(Selliers), Sabbaghines(Teinturiers),Fekharines(Potiers),Dhabia( Bijoutiers) etc…. des noms que l’on retrouve aujourd’hui comme patronymes de familles marocaines musulmanes et juives.

A la tête de chaque métier, il y a l’AMINE, homme de confiance élu par ses pairs pour une période indéterminée. Il est respecté par tous les membres de sa corporation, intervient pour régler tout litige qui peut survenir entres les membres ou entre les membres et les fournisseurs et les clients selon un code non écrit mais que personne ne remet en question.

La vente aux enchères ( Souk Dlala) avec le Dalal( Commissaire- priseur) qui propose aux différents marchands dans leurs échoppes  les pièces à vendre selon un rituel ancestral mettant en évidence la confiance et l’éthique professionnelle et qui revient vers le vendeur pour le consulter après un dernier tour d’enchères. Tout vendeur doit être cautionné avant de mettre sa marchandise en vente afin d’éviter tout recel de marchandises volées.

Un espace de restauration est réservé à l’intérieur des souks TALAÂ , avec préparation de soupes, plats, beignets, crêpes, thé à la menthe , boissons , dans lequel se retrouvent les artisans à l’heure de la pause matinale et méridionale pour ceux qui font la journée continue et notamment les voyageurs qui sont là pour la journée.

Autre particularité des souks, c’est la deuxième prière de la journée , DUHR (12H30),  qui est exceptionnellement décalée à 14H00  pour permettre aux artisans et marchands de continuer à commercer avant la pause méridionale avec une reprise des activités après la Prière d’AL ASR (16H00)

La première échoppe à ouvrir dans les souks, juste après le lever du soleil, est celle d’un marchand d’accessoires mortuaires, linceuls et autres accessoires servant  à préparer le défunt pour son dernier voyage. Puis la vie s’organise avec l’arrivée des restaurateurs ,des cafetiers, ensuite les artisans, les apprentis (Matâalam), les patrons (Mâalam)et les livreur. Les boutiques ouvrent les unes après les autres toujours selon un rituel : nettoyage, achalandage et attente des premiers clients après avoir prononcé YA FTAH YA RAZAK, remettant ainsi tout entre les mains de Dieu.

Les premiers clients arrivent vers neuf heures du matin, à majorité intéressé par tout ce qui est alimentaire, le marché des huiles et conserves d’olives et viandes confites (Khliâ) jouxtant le marché de BAB FTOUH ou vers RAHBA LKDIMA ( fruits, légumes, poissons , viandes, escargots, aromates, grains) . Les premiers touristes viennent vers onze heures, individuellement , les groupes encadrés préfèrent plus l’après midi malheureusement pour une visite au pas de charge , sans vraiment prendre le temps de flâner et de découvrir les milles et une facettes de ces lieux mythiques. Les nationaux affluent à partir de 16h00 des différents quartiers de la médina, de l’arrière pays environnant et également des autres villes du royaume.

Tout est couleurs, odeurs, rires, incantations, petites phrases espiègles et jeux entre  clients et  marchands, car il ne faut pas oublier qu’ici le marchandage est institution avec ses règles : le juste prix, c’est du win win et à ce jeu, il faut être très patient , avoir suffisamment d’arguments et un minimum d’expérience.

Les souks ferment après la dernière prière du jour ( Isha ) , ne sont plus sensés circuler que les riverains, sous l’oeil expert des «Bayats» qui veillent à la sécurité , armés de bâtons et surtout de leur voix qui suffit à dissuader les plus téméraires. A ma connaissance, aucun vol par effraction n’a jamais été commis dans les souks.

Les marchands de tapis, communément appelés «Bazaristes», ont été les véritables VRP de l’artisanat marocain, sillonnant le monde depuis les années « 20″ au grès des expositions universelles  et les foires intercontinentales. Ils sont les premiers notables «bourgeois» de la ville, participant à l’économie mais également à toutes les activités qu’elles soient d’ordre social, culturel ou sportif. L’équipe de football de Marrakech, KACM ( Kawkab Athletic Club Marrakech) a toujours été financée et entretenue en grande partie par eux, lui permettant de briller aussi bien en championnat qu’en coupe du trône, le seule équipe à avoir remporté le trophée 3 années d’affilées.

Aujourd’hui hélas, beaucoup de choses ont changé, à commencer par l’invasion des produits chinois, des contrefaçons, du plastique qui remplace le cuir et les produits végétaux , cela finit par dévaloriser un patrimoine et risque de faire perdre son âme à ce lieu mythique. Les professionnels devraient prendre conscience de ce phénomène et revenir aux fondamentaux.

Ils se plaignent que les touristes n’achètent plus et rejettent la faute sur les agences de voyages qui dirigent de plus en plus les groupes vers des centres artisanaux ou à Sidi Ghanem, le quartier industriel qui est devenu plus artisanal avec la délocalisation d’une partie de l’artisanat, notamment le fer forgé, le bois, les tissus, les bougies ainsi que les métiers de la décoration. C’est un faux procès, car ce quartier est plus réservé aux produits à exporter dans le cadre de Vision 2015 décrétée par le Ministère de l’artisanat en 2006 et qui ambitionne de positionner l’artisanat national au top de l’exportation.

Les souks méritent qu’en on fasse une bonne promotion à commencer par un site internet dédié, des brochures multilingues, une réhabilitation des espaces à l’origine, l’interdiction de vente de produits autres qu’artisanaux, une signalétique adaptée, une sécurité, un accompagnement et une formation aux métiers de vente sans harcèlement, avec le sourire et cette fameuse gouaille marrakchie, jamais insolente et toujours sympathique.

Un patrimoine à préserver, il est la fierté de notre destination.


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