L’autre écriture récemment découverte est celle d’une femme, bien mystérieuse.
Je ne pourrais pas vous dire son nom, son âge, sa profession. Elle écrit sur un blog, simplement appelé Un mug (et du thé chaud).
Peu importe, il suffit de lire. Mon coup de foudre est né lors de son dernier post, lisible ici.
Ce fut une révélation. J’ai ri, puis mes yeux se sont humectés de larmes. Tout ça grâce au même texte. Qu’attendre de plus de la lecture ?
Elle nous parle de sa jeunesse, des bons souvenirs et des durs, pêle-mêle. Ça ressemble à la vie, ça ressemble fortement à de la littérature aussi. Celle qui fait d’une anecdote individuelle un morceau de conscience collective. Voyez ?
S’il vous plaît, ne soyez pas fainéants, allez lire ce texte. Vous ne le regretterez pas.
Je vous mets juste un extrait, pour vous attirer davantage :
“Il y a aussi eu ces jours où on était en mobylette avec Cathy. La mobylette de Cathy, ce n’est pas la même affaire : ce n’est pas une 103, ni SPX ni Fun ni rien, c’est une 102. C’est la mobylette de sa grand-mère. Pour la démarrer, Cathy pédale et pédale et pédale. Dans les montées, la 102 n’arrive pas à faire grimper les 90 kg de Cathy ; elle crache, elle pétarade ; Cathy pédale et pédale et pédale. Et la 102 fume et fume et fume. Lorsqu’on va quelque part ensemble, je l’attends tout le long. Je fais 10 km, je m’arrête sur le côté, je fume une clope et avant de la voir, j’entends le bruit de la 102 qui semble implorer pitié de ce qu’on exige encore d’elle à son âge : « Minnnnnnn » ; je la vois poindre à l’horizon puis passer devant moi, Cathy sautillant sur les ressorts pourris de son engin, le bruit se met à sautiller aussi « Min-in-in-in-in-in-in-in », la fumée m’étouffe à moitié, je regarde Cathy s’éloigner et je rallume une clope pour lui laisser un peu d’avance. Je la double dix minutes plus tard et tout est à recommencer.
Plusieurs fois, j’ai quitté la route à vouloir regarder où était Cathy. Un jour, dans une ligne droite en bordure de forêt, j’ai tourné la tête pour regarder derrière si enfin elle arrivait ou non. Le corps est bizarrement foutu : quand on tourne la tête, ça tourne aussi les bras.
Lorsque j’ai de nouveau regardé devant, j’avais un sapin en face de moi. Je ne sais pas par quel réflexe j’ai slalomé et, comme les Charlots dans leurs films ou Benny Hill dans ses poursuites, je suis passée en accéléré entre plein d’arbres, de branches et de souches dans la forêt, avant de redéboucher en bondissant sur la route, couverte d’épines et de feuilles, juste à côté de Cathy qui avait entre-temps eu le temps d’arriver sur la ligne droite et qui baissait la tête pour aller plus vite, pensant que j’avais pris tant d’avance que j’avais disparu. Sous la surprise de me voir ainsi bondir du bois à côté d’elle, Cathy pousse un cri, saute de frayeur en entraînant la 102 avec elle, et se retrouve dans le fossé, toujours assise sur sa mobylette qui, elle, est couchée au sol et elle me hurle : « Mais putain mais t’es con ou quoi oh regarde y a des fraises des bois là », le tout dans la même phrase, sans virgule, sans ponctuation finale, sans changement de ton, un simple hurlement de surprise, de frayeur, de colère, de pardon, d’amitié, de rire et de bouffe, pourquoi s’emmerder à faire plusieurs phrases quand tout peut passer dans une seule.”
Photography by Ana Luísa Pinto | on Tumblr
- Orange, or the return of the lady with the butterflies
- Red, or the woman with the cherries in her hair