Louis Riel
Chester Brown en a l’habitude. Ses bouquins exacerbent les passions. Qu’ils soient lus ou non ; d’ailleurs. Son dernier Opus, « 23 prostituées » que viennent de publier les Éditions Cornélius pourrait être, de par le sujet, une évidente provocation. Il n’en est rien, du moins à mon sens. L’histoire d’un homme qui, à la suite d’une déception amoureuse, ne veut plus entendre parler d’amour mais non de sexe est un sujet tout aussi louable qu’un roman à l’eau de rose. Le fait qu’il soit autobiographique n’arrange bien évidemment pas le repos des culs-bénis. Mais de ceux là, on s’en fout.
Quoiqu’il en soit, ce n’est pas de ce bouquin dont je voulais parler –mais si cela vous intéresse, vous pouvez consulter cet article du journal Le Monde - mais d’un de ses précédents romans graphiques, « Louis Riel » que rééditent[1] les Éditions de la Pastèque. Tout simplement parce que l'actualité offre un prolongement à cette biographie. Et qu’après lecture, je peux affirmer qu’il méritait bien de figurer dans ma PAL.
Là aussi, polémique. Chester Brown, bien que né à Châteaugay (près de Montréal) au Québec est d’origine anglo-saxonne. Le choix de retracer la biographie d’un héros de la lutte des métis francophones au Canada – et plus particulièrement au Manitoba - peut également être perçu comme une provocation. En fait, il s’agit ni plus ni moins de retracer à travers la biographie de Louis Riel comment s’est effectuée l’annexion des territoires du Nord-Ouest par la confédération canadienne. Dans le sang et par l’exécution pour trahison de Louis Riel, chef des métis et père de la Confédération.
Chester Brown
Chester Brown a gagné lui aussi un combat. Il n’est d’ailleurs peut-être pas étranger à cette prise de position de la cour suprême du Canada. Son ouvrage « Louis Riel, l’insurgé » a été publié initialement il y a presque 10 ans et a remporté un certain succès de l’autre côté de l’océan. Et en dressant un portrait mi-figue mi-raisin de son héros – en ne cachant pas notamment ses dérives mystiques – il a porté le débat sur un aspect plus politique et donc plus critique sur des faits historiques majeurs de la constitution par spoliation du Canada d’aujourd’hui. Une histoire qui a sans doute fait prendre conscience que les autochtones amérindiens ne furent pas les seules victimes de l’impérialisme de sa Gracieuse Majesté.
[1] Publié initialement par les Éditions Casterman, dans la collection "Écritures" en 2004