Mon avis :
KATÔ Fumie, quant à elle, s’est mise à gravir quatre à quatre les escaliers comme si elle était poursuivie par quelqu’un, elle traversa le toit-terrasse et enjamba la balustrade, pour se jeter dans le vide. Les témoins sont formels, la jeune fille était seule, personne ne la poursuivait, son geste reste totalement incompréhensible.
SUGANO Yôko, vingt et un ans, étudiante en troisième année à l’université de jeunes filles Tôa d’Ishibashi à Tôkyô, fut renversée par le taxi de Mr ASANO Taizô, cinquante ans, domicilié à Morikami et chauffeur de taxi exemplaire depuis vingt-cinq ans alors qu’elle traversait l’intersection Midori 2. Elle succomba peu de temps après des suites de ses blessures. ASANO Taizô sera interpellé pour homicide involontaire et sera entendu par la police de Jôtô avant d’être incarcéré.
ASANO Taizô vivait jusqu’à ce jour tranquillement avec son épouse Yoriko, sa fille Maki et le jeune Mamoru qui, ayant perdu brutalement sa mère, s’était vu dans l’obligation de rejoindre sa tante Yoriko, son père ayant disparu après avoir été confondu dans une histoire de détournement de fonds publics. Le jeune Mamoru, se retrouvant complètement désemparé devant l’arrestation de son oncle par alliance, et trouvant que la police mettait trop de temps à libérer Taizô, décide de mener sa propre enquête. C’est à ce moment que d’étranges appels téléphoniques lui parviennent lui répétant inlassablement la phrase qu’il ne cessera plus de retourner dans sa tête : « Merci d’avoir tué Yôko Sugano. Il était normal qu’elle meure, cette fille ». Commence alors pour le jeune homme, une suite d’événements et de rencontres qui l’enverront droit vers un monde où la frontière entre la science et l’ésotérisme deviendra de plus en plus ténue.
On retrouve dans ce roman de MIYABE Miyuki un thème qu’elle avait déjà développé dans son roman « Crossfire » : la force de l’esprit. Dans « Crossfire », la jeune Junko a le pouvoir de pyrokinésie, elle peut mettre le feu à ce qu’elle veut et à distance juste à la force de son esprit. Dans « Le diable chuchotait », il est également question de manipulation mentale, MIYABE prend pour sujet le fait qu’un être humain est capable de faire faire ce qu’il désire à un autre être humain même si celui-ci est programmé au réflexe de survie. La pyrokinésie (qui relève uniquement de la science-fiction) laisse ici la place à un phénomène bien plus sérieux et scientifique, à savoir l’hypnose (même si celle-ci est traitée de manière romanesque et extrapolée).
Le suicide prend également une place importante dans ce roman de MIYABE. Comment ces trois jeunes filles en sont-elles venues à cet acte ultime qui contrecarre toutes les théories prônant l’instinct de survie inaliénable de l’être humain ? Seul un pouvoir surnaturel utilisé par une âme malveillante a pu être capable de projeter ces trois filles vers une mort volontaire ; encore faudra-t-il au jeune Mamoru le courage et l’intelligence de découvrir la personne qui se cache sous cette avalanche de suicides et les raisons pour lesquelles il a agi apparemment aveuglément.
La réussite de « Le diable chuchotait » tient sans aucun doute à la jeune personnalité de cet adolescent de seize ans qui, pour venir en aide à son oncle qui a bien voulu le recueillir alors que son avenir n’était pas du tout assuré, se bat à corps perdu dans un monde d’adultes qu’il ne connaît pas encore et qui lui réservera bon nombre de mauvaises surprises. Mais plus encore, la quête de son identité et de ses origines imposée par ces événements récents et malheureux, rend le jeune Mamoru encore plus attachant ; le voir se démener pour sauver son oncle tout en découvrant une vérité paternelle très difficile à accepter donne au roman une dimension autre que simplement policière et fantastique.