Article de Jolpress:
La dette publique a pris des proportions dramatiques, mais qui en comprend les raisons, les enjeux économiques et politiques ? Extraits du Dictionnaire terrifiant de la dette, de Marc Touati (Editions du Moment).
Un simple chiffre est parfois plus parlant qu’un long discours : pour la première fois depuis laSeconde Guerre mondiale, la dette publique de la France sera égale à sa richesse, autrement dit à 100% de son produit intérieur brut (PIB), d’ici la fin 2013 ! « Et alors, s’interrogeront certains, est-ce vraiment dangereux ? » Et comment ! Depuis bientôt six ans, notre croissance molle ne suffit plus à assurer le paiement annuel des intérêts de la dette publique. Cela signifie que, pour les régler, il faut encore s’endetter. On appelle ce processus pernicieux la « bulle de la dette ». Celle-ci ne manquera pas d’exploser, avec des dégâts économiques et sociaux inévitables : flambée du chômage, baisse du pouvoir d’achat, aggravation des inégalités…
Connaît-on précisément l’identité de nos créanciers ? Quelle influence tirent-ils de leur position dominante, en France et en Europe ? Existe-t-il des solutions pour en sortir ? Et, si oui, pourquoi les dirigeants qui se sont succédé à la tête du pays n’ont-ils rien fait ? Le Dictionnaire terrifiant de la dette de Marc Touati répond à ces questions décisives pour notre avenir.
Extraits du Dictionnaire terrifiant de la dette, de Marc Touati (Editions du Moment)
Cela aurait pu être le sous-titre de ce dictionnaire terrifiant de la dette. C’est en tout cas son mobile principal. En effet, en 2013, la dette publique française va atteindre le niveau impressionnant de 100% du PIB.
Certes, il faut reconnaître que le ratio dette publique/PIB n’est que le rapport entre un stock de dettes et un flux de revenus. Or, comparer un stock à un flux a peu de sens économique. Si la dette n’était pas supérieure au revenu, il ne servirait à rien de s’endetter. Autrement dit, la dette n’est pas un drame, elle est au contraire un vecteur d’investissement, de développement et decroissance. Seulement voilà, si cette dernière n’est pas au rendez-vous, alors la dette devient non seulement inutile, mais surtout dangereuse.
C’est pourquoi le véritable enjeu réside dans le comparatif entre le flux de paiement des intérêts de la dette publique et le flux de croissance économique. Si le second est supérieur au premier, la dette est acceptable, ou du moins soutenable. Ainsi, de ce point de vue, en dépit d’un ratio dette publique/PIB supérieur à 100% depuis 2011, les États-Unis sont, par exemple, toujours loin de la faillite. Et pour cause : depuis 2010, la progression de leur PIB en valeur dépasse largement la charge d’intérêts de la dette publique, en l’occurrence 4,1% contre 2,1%. En d’autres termes, la bulle de la dette publique ne sévit pas aux États-Unis. Pour éviter un tel écueil, ces derniers devront néanmoins stabiliser leur croissance autour des 2,5% en volume et des 4,5% en valeur, tout en réussissant à réduire leurs déficits publics structurels. Notamment en diminuant leurs dépenses publiques inefficaces, en particulier celles de fonctionnement.
Bien loin de ce chemin, la France ne parvient plus à générer une croissance économique supérieure à la charge d’intérêts de sa dette publique. C’est en cela que son entrée dans le club très peu envié des pays endettés à plus de 100% est un véritable danger pour l’avenir de l’économie et de la société française.
Dans la zone euro, il n’existe que quatre pays de ce type : la Grèce, l’Italie, le Portugal et l’Irlande qui affichent des ratios de respectivement 170%, 128%, 119% et 117%. Après vingt ans passés dans ce petit cercle des mauvais élèves, la Belgique en est sortie depuis 2003, même si elle flirte de nouveau avec la barre des 100%, à 98% en 2012 et 2013.
Au niveau des pays de l’OCDE, ce « cercle des 100% » s’élargit légèrement avec trois autres pays : bien sûr le Japon, champion toutes catégories, avec environ 240%, les États-Unis (105%) etSingapour (104%).
Enfin, au niveau du reste du monde, six autres pays (du moins parmi ceux recensés par le FMI) se joignent à la fête : Les îles Saint Kitts and Nevis (145%), la Jamaïque (143%), le Liban(135%), l’Érythrée (125%), le Soudan (112%) et la Grenade (105%).
Si la France fait donc partie des lanternes rouges de la croissance mondiale, elle pourra se réconforter en intégrant le « club des 100% » qui ne comptait jusqu’à présent que treize membres. On se console comme on peut !
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Marc Touati est économiste. Maître de conférences à Sciences Po Paris, il crée en 2007 le cabinet ACDEFI. Il est aussi l’auteur de plusieurs best-sellers économiques et anime chaque année près de deux cents conférences à travers le monde.
Dictionnaire terrifiant de la dette, Editions du Moment (7 mars 2013)