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"A fleur de nuage" de Danielle Berrut

Publié le 08 mars 2013 par Francisrichard @francisrichard

La première nouvelle donne son ton et son titre au recueil: un jeune garçon, proche des animaux, simple d'esprit et au coeur gros, croit échapper à la gravité parce qu'il grimpe sur un clocher et se trouve à fleur de nuage.

La couverture continue dans ce registre poétique. En arrière-plan, des nuages effleurent une  montagne et, au premier plan, des toits de chalets, accrochés à une pente, sont masqués en partie par des herbes folles.

Les vingt-cinq nouvelles de Danielle Berrut se situent en Valais, il y a longtemps déjà, peut-être un siècle, pour certaines d'entre elles. Ce qui n'étonnera pas le lecteur, prévenu par le titre et la couverture.

A l'époque les hommes étaient certainement plus près de la nature et des bêtes qu'aujourd'hui. Les distractions et les dangers n'étaient pas les mêmes. On croyait en Dieu... et l'église était au milieu du village.

Les échanges ne se faisaient pas par téléphones mobiles ou sms, mais par des mots murmurés à l'oreille (parfois par des éclats de voix) ou par de longues lettres écrites à la main. Car le temps ne se comptait pas de la même façon.

Aussi, l'hiver, lorsque la fatigue n'incitait pas à vite se coucher, des veillées prenaient-elles place auprès de l'âtre. Il s'y racontait des histoires de chalets hantés et de revenants. Il arrivait aux uns des choses extraordinaires, aux autres des mésaventures, d'aucuns bénéficiaient même d'apparitions d'êtres aimés disparus.

La timidité des garçons avait souvent raison de leurs amours et se soldait par des rendez-vous manqués, qui pouvaient tourner aux malentendus tragiques. Des filles ne se mariaient pas. Des garçons non plus. Ils restaient vieilles filles et vieux garçons, n'ayant jamais connu l'oeuvre de chair.

Quand deux jeunes gens faisaient l'amour, c'était sans filet et, en cas de conception, pour échapper à ce qui était alors considéré comme un déshonneur, la mésalliance arrangée par la famille était le recours obligé si le père était loin.

Dans les auberges de village la sommelière remplissait des décis de verres de petit blanc frais que les clients éclusaient. Après quelques verres, désinhibés, ils se mettaient à chanter à la suite d'un canteu qui avait donné le la.

Parfois, si le canteu avait une belle voix limpide, qui s'envolait vers les confins du monde,  ils se contentaient de l'écouter religieusement, et, après un silence saluant la fin d'un chant, ils commandaient une nouvelle tournée...

Les drames n'étaient pas les mêmes que de nos jours: chutes mortelles d'un char ou dans un châble; mort solitaire d'un homme devant un oratoire sur un chemin qui mène de la plaine à l'alpage ou d'une femme au pied d'une falaise au milieu des fleurs; incendies volontaires de granges ou de chalets; éboulements meurtriers de pierres ou de boue; rixes tournant mal lors de bals un peu trop arrosés...

Danielle Berrut, à l'occasion de ces nouvelles (qui sont de vraies histoires si elles tutoient parfois le surnaturel), fait revivre un autre temps qui n'est pas si éloigné que cela, dans un décor qui n'est plus vraiment le même. Elle le fait à la manière des conteurs d'autrefois, se servant d'un vocabulaire simple et approprié, qui n'empêche pas le lecteur, au contraire, d'imaginer et de rêver.

Plutôt que de dire que ce temps perdu était un âge d'or, l'auteur dit avec bonheur que ce monde disparu était autre, tout simplement, qu'il faut s'en souvenir, parce qu'il fait partie de l'héritage, s'il ne faut pas forcément le regretter.

Francis Richard

A fleur de nuage, Danielle Berrut, 176 pages, Xenia (A paraître le 15 mars en Suisse et le 22 mars en France)


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