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Les équations du FMI et les vaches folles de Bruxelles

Par Gerard

 

Nous savons désormais que le FMI peut laisser à ceux qui le dirigent plus de temps pour leur économie libidinale que pour l’économie mondiale. Nous voici rassurés sur les extraordinaires capacités cérébrales de ces êtres hors du commun qui peuvent donc  s’acquitter de leur tâche comme en passant, avec en tête bien d’autres préoccupations.  Pour l’une des instances qui étrangle actuellement l’économie de la planète sous l’austérité, reprolétarise des pans entiers de populations et affame les pays pauvres, on se dit que moins de légèreté serait quand même bienvenue. Mais bon, ainsi va le monde.

On avait presque fini par accepter comme une fatalité l’écroulement de la Grèce, la paupérisation programmée de l’Espagne et de l’Italie et les menaces outrées  des agences de notation quand une nouvelle, à peine murmurée par les média, est parvenue jusqu’à nos oreilles : dans un très officiel rapport interne, le FMI a reconnu en février dernier  s’être carrément planté dans l’équation mathématique concernant la politique de rigueur et la croissance. En gros, et contrairement aux prédictions, un euro d’économisé par le plan d’austérité retire trois euros à l’économie réelle. Le FMI découvre, ou feint de découvrir, ce qu’il a mis lui-même en place et que dénoncent  sans relâche les peuples qui en sont les premières  victimes : une formidable spirale récessionniste. Une magistrale essoreuse économique.

Nul besoin d’être grand clerc pour savoir que l’austérité nourrit l’austérité, détruit le pacte sociétal et retarde la reprise. Mais il a quand même fallu l’aveu de l’économiste en chef  Olivier Blanchard dans son rapport de quarante pages pour s’apercevoir de l’absurdité généralisée de l’ensemble de nos systèmes de prévision.  Rappelons que les produits subprimes bénéficiaient d’un triple A avant leur effondrement définitif…

La Tribune, dans son édition du 12 février dernier, publiait un article intitulé «La stupidité comme mode de management ». Une étude scientifique vient en effet de démontrer que dans le domaine de la finance, le panurgisme, la fourberie et la pure irrationalité entraînent naturellement les structures vers ce que les chercheurs ont appelé une « stupidité fonctionnelle». Rien à voir avec le QI : mais quand le réflexe tient lieu de réflexion et le gain à la nanoseconde d’analyse de fond, les courts circuits mis en place bloquent tout recours à la raison humaine. L’esprit ne domine plus. Il n’est plus que le supplétif d’un système devenu de fait totalement  hors contrôle.

Erreur ou pas, le FMI n’a pourtant pas dévié du cap de l’austérité. Pourquoi une telle obstination ? Pour les mêmes raisons qui ont vu Bruxelles purement et simplement enterrer le référendum des Français qui manifestaient démocratiquement leur opposition à la Constitution européenne, ou autorisé il y a peu la Commission européenne à revenir sur l’interdiction des farines animales malgré le scandale de la vache folle.

« Le savoir est bien plus faible que la nécessité », disait Eschyle. Il faut donc, pour empêcher  tout savoir de se déployer, lui opposer un cadre supposé nécessaire. Un « C’est comme ça et pas autrement ». C’est la théorie du TINA anglo-saxon : « There Is No Alternative », dont l’actuel avatar se nomme austérité. Le savoir confronté à la pure et irréductible nécessité ne peux plus se penser comme alternative ni comme innovation mais comme accompagnement. Dès lors ce n’est plus un savoir, c’est une pure idéologie.

Ni les erreurs de calcul, ni la volonté des populations, ni même les scandales mettant en péril la santé publique ne sont réellement pris en compte. C’est qu’il n’est plus question de savoir ce qui est bon pour le citoyen. Nourrie par les deux crises précédentes, crise de la dette privée puis crise de la dette souveraine, une troisième crise s’annonce fortement, politique celle-là : celle de l’ingouvernabilité des Etats. Dans un contexte où a été réintroduite la haine entre les peuples, selon le cliché d’un  Nord fourmi qui ne veut  pas payer pour les cigales du Sud et d’un Sud qui récuse cette image infamante avec la dernière énergie, ce blocage remet en cause tous nos modèles. Va-t-on vers la  balkanisation d’une Communauté européenne livrée au populisme le plus réactionnaire ? Il peut en coûter en effet  très cher de n’avoir pas retenu la principale leçon de la crise : ce n’est pas l’erreur qui est grave, c’est la persistance dans l’erreur.


Gérard Larnac.



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