De la mauvaise éducation dispensée aux enfants par les dessins animés

Publié le 09 janvier 2013 par Artetmanieres @ArtetManieres

Comme tout parent indigne qui se respecte, j’ai bien souvent recours à ma meilleure baby-sitter (i.e. la télé) pour pleinement profiter de mes capacités de glandage au dessus de la moyenne les dimanches matin ! J’avoue humblement que le concept du « Papa, lève-toi » au petit matin après une semaine de dur labeur entraine chez moi des éruptions cutanées massives que seule une grasse matinée parvient à juguler.

Les valeurs à vau-l’eau

J’entends d’ici les cris stridents des mères de famille indignées qui ne jurent que par les sacrificielles activités du dimanche, entamant dès 8h d’over-booker le planning dominical de leur enfant parfait, non sans s’être préalablement assurées de l’hygiène corporelle et du repassage du col Claudine de leurs bambins. Manque plus qu’à se taper le match de foot de l’ainé depuis le bord du terrain à se geler les miches une partie de l’après-midi en regardant les benjamins de l’US Arnac la Poste dans le derby contre Saint-Sulpice-les-Feuilles. Je dis non ! A ces tortures psychologiques pour adultes, je préfère une belle série de dessins animés qui repose les oreilles des parents et transforme les enfants en réplique de batracien attendant bouche-bée le passage du prochain insecte comestible. Sauf que voilà, signe des temps et de la décrépitude avancée de notre société de loisirs, les auteurs n’instillent plus de dimension pédagogique dans les péripéties des héros de nos enfants. Ces égéries des films d’animation parlent entre eux comme les adeptes du forum de Plus Belle la Vie s’étripant sur le bien-fondé de l’homosexualité de Léa. Déjà que les gros mots, intrinsèquement, c’est vraiment très moche. Que la télé, c’est pas bien pour les enfants. Imaginez donc quand on mélange les deux !

Plus de gros mots dans les bisounours que dans un spectacle de Bigard

Déjà, j’avais de sérieux doutes quant à la relation ambigüe entretenue entre Oui-Oui et Potiron. L’autre, avec sa grosse barbe et son bonnet rouge, il avait tout du pervers sexuel. Impression confirmée au visionnage de « Oui-Oui et l’arrosoir magique » immédiatement suivi de « Potiron console Oui-Oui ». Opérant une régression salutaire sur l’échelle du dessin animé à risque, je me réfugiai auprès de la maison Disney, dont les déboires récents de Minnie en plein gang-bang avec Mickey, Dingo, Tic…et Tac (rien que ça) ne sont le fait que de salariés névrosés dont le port de costumes poilus, été comme hiver, excite de façon incompréhensible la libido. Me pensant alors en pleine zone d’éducation protégée, je relâchais une minute mon attention et la pression de mon doigt sur la touche « mute » de la télécommande jusqu’à entendre « Princesse Rebelle » entrer en rébellion face à ses parents et ainsi mettre à mal 5 longues années d’éducation à l’ancienne couronnées par le port obligatoire des culottes courtes en hiver. A tel point qu’à la sortie du film, les américains avaient entrevu dans l’héroïne une homosexualité latente, puisque c’est bien connu, les homos sont par nature plus rebelles que les autres ! Et moi qui venais d’exposer ma progéniture en moins de cinq minutes à l’anarchisme et la perversion… Désireux de limiter les ravages psychologiques de cette inattention, je saisissais un DVD des bisounours comme dernier rempart contre l’ignominie télévisuelle ! Ultime erreur révélée à grands renforts de « ordure » et « dégage » lancés par Violette à l’encontre de Bestiol (les spécialistes apprécieront).

Pour la diffusion de Ken le survivant dans les écoles maternelles

Mais qu’est-il arrivé depuis les années 80 et l’âge d’or des vrais dessins animés pour mômes. Les enfants d’alors, aujourd’hui parents, invoquent avec piété le souvenir de Dorothée, la dimension pédagogique des « Mystérieuses Cités d’Or » ou les méchants pas si méchant de « Il était une fois l’histoire ». Guidé par ma volonté farouche de reproduire l’éducation exemplaire reçue de mes parents, j’avais très tôt initié mon fils à la difficile diction des jurons de South Park et à la mise en application « in vivo » du modèle familial d’Homer Jay Simpson. Mais il manquait quelque chose. Où étaient donc passées les petites culottes dentelées de Nicky Larson, l’œil lubrique de Tortue Géniale, les mauvaises manières des Entrechats et la gouaille de Cobra ? Comment allais-je pouvoir compenser cette perte de repères ? La solution ne pouvait venir que de l’école… qui d’autre, avec tous les impôts que je paie, pour suppléer mes déficiences de parents ? J’en appelle donc au Ministre de l’Education Nationale ! Plutôt que de nous coller des initiations aux peintres flamands de la renaissance en moyenne section de maternelle ou de vouloir absolument inscrire le sonnet de Pétrarque au troisième trimestre de CP, faites-nous de longues séances de visionnage de Ken le survivant. Vous sauverez de facto les nouvelles générations du cloaque intellectuel auxquelles elles sont promises tout en assurant les enseignements « tout-en-un » de l’anatomie, du sport, de l’astronomie et de la médecine d’urgence. Malheureusement, vous ne pourriez rien contre les régressions qui guettent les enfants dès le retour à la maison, Dora et Diego assurant implacablement leur lobotomie plus surement qu’Hannibal Lecter s’offrant un dîner au frais de la cervelle de son invité. Mais l’honneur des parents est sauf, ce sont des dessins animés pour enfant.

Comme quoi, la vulgarité se situe parfois plus dans les cerveaux des parents que dans les bouches des enfants. Finalement, nos enfants n’ont peut-être même pas besoin des dessins animés pour être mal élevés. On leur suffit largement…