Le Syndrome du Candidat Schizophrène

Par Sandrine Audras @SandrineAudras

« En recherche d’emploi.. ?  il faut juste que tu t’y mettes sérieusement !!! »

Ce n’est pas drôle comme phrase, et de plus pas si simple que cela.
Bien sûr que l’on souhaite « s’y mettre », et on sait qu’il faut s’y mettre vite !

On est au courant que les statistiques sur les chances de reprises d’emplois chutent passé six mois de recherche.
A ceci il faut ajouter que si « on ne trouve » pas, le ressenti risque d’être « qu’ on ne fait rien », ou que l’on n’est « pas bon ».

Inutile de préciser que si on dépasse ces fameux six mois, la spirale n’est pas ascendante :
pas facile d’afficher une « bonne tête de vainqueur » sur son CV et en entretien quand le ramage n’est pas soutenu par le plumage – n’en déplaise à Monsieur de La Fontaine.

Autre fait : le Syndrome Pro étant passé fatalement par là, on sait que pour une écrasante majorité, la personne sociale prime sur la personne privée.

Dés lors, deux sentiments forts guettent le candidat à l’emploi : l’échec et le doute.
Et dans le monde bien réel du chômage, ces sentiments sournois ne font pas dans la finesse : ils s’attaquent immanquablement aux deux - la personne sociale et la personne privée.

Si on n’est pas attentif à mesurer les « dégâts » produits par la perte d’emploi sur ces deux facettes qui composent inévitablement une personne, si on ne prend pas le temps de les « réparer » un minimum, ces dégâts …c’est parfois un candidat à la limite d’une légère schizophrénie para-sociétale qui est envoyée à la recherche d’un emploi.

 Qu’entends-je par là ?

  • Qu’un potentiel candidat à l’emploi n’est pas qu’un professionnel (et inversement) : ignorer l’un c’est affaiblir l’autre.

  • Que bon nombre d’accompagnements actuellement proposés sont trop « courts » et ne suffisent pas pour rétablir chez un candidat le minimum de confiance en son « soi professionnel » et son « soi personnel ».

  • Que seule une unité solide entre ces deux facettes d’une personnalité permet de créer cette valeur    ajoutée que l’on appelle le « talent », et qui semble faire tant défaut au marché du travail en ce moment.

C’est un bien joli discours… ?

Pas que.

Retour d’expériences

Il y a quelque temps, j’animais des formations STR (Stratégies et Techniques de Recherche sous-entendez d’Emploi) pour le compte de Pole Emploi.

L’objectif officiel de ces formations très courtes, 28h, est de donner des outils pour que l’Ex-Salarié – accessoirement Demandeur D’emploi – mette en place les actions adéquates pour un retour en poste optimisé…. Et si possible rapide.

Cette démarche est bien évidement louable quand elle est promue, ce qui n’est pas obligatoirement le cas. En effet, un nouvel inscrit ne se verra pas automatiquement proposer cet accompagnement, et les disponibilités varient d’un département à l’autre.
On pourrait donc malgré tout considérer que la notion d’échec et ses effets profonds sur le demandeur d’emploi sont pris en compte puisque cet accompagnement existe.

C’est effectivement le cas, dans l’absolu.

En revanche,  la réalité est tout autre sur le terrain : seule la dimension professionnelle est prise en compte.
Trois axes majeurs sont développés dans cette formation:

  • mettre ou remettre le CV en forme,

  • redéfinir ce qu’est le marché de l’emploi (marché ouvert/marché caché) et les techniques pour l’aborder

  • faire des simulations d’entretiens.

J’ai animé des groupes où le plus jeune pouvait avoir 18 ans et le plus âgé 54 ans. Malgré des parcours et des chemins de vie bien différents, des niveaux scolaires variés…

J’ai toujours fait les quatre constats suivants: 

  • Aucun ne faisaient d’emblée de liens entre leurs « savoir faire » et leurs « savoir être ». De plus, j’avais soit l’Ex Salarié en face de moi, soit la Personne « Privée » mais rarement les deux… Or c’est tout entier que l’on se présente sur le marché du travail.
  • Ils se sentaient « qualifiés » ou pas, rarement  « perfectibles ». Aucun n’envisageait la transversalité de leurs expériences dans le domaine professionnel, ou du domaine personnel vers le professionnel.
  • Le fait d’être au toujours au chômage signifiait qu’ils n’étaient soit « pas bons », soit qu’ils n’avaient « rien fait » (sic).
  • Enfin, le temps imparti aux simulations d’entretien – la seule vrai dimension humaine concrète de la formation – leur a toujours semblé insuffisant (à moi aussi d’ailleurs).

Dés lors, quelque soit l’arsenal d’outils et de méthodologie que l’on a à disposition, très rares sont les fois où 28 heures sur 3 jours et demi suffisent pour amener un Demandeur d’Emploi à porter un regard plus large sur lui-même – en tant que personne PUIS en tant que salarié.

On ne peut transformer des « Demandeurs d’Emploi » en « Apporteurs de Compétences »… voire en « Porteurs de Talents » en si peu de temps et dans ces conditions. 

Certes, l’objectif de cette formation est de remettre le pied de certains à l’étrier, pas d’entamer une psychologie de groupe.

Pourtant la majorité des personnes que l’on rencontre dans ces formations ont besoin de plus qu’une remise en selle, qu’un dépoussiérage de CV et d’une tape dans le dos.

De même, n’en demeure pas moins vrai que je déplorerai longtemps qu’une dizaine d’heures additionnelles ne soient prévues pour ce type de formation. Ne serait-ce qu’au titre du suivi.
Et parce ce que j’en ai eu la demande à de trop nombreuses reprises.

Il est loin le temps où l’on pouvait quitter un poste le mardi et en trouver un autre le vendredi.
D’ailleurs, le terme « trouver » lui-même n’est plus d’actualité. Bien sûr que l’on trouve, le fond du problème est surtout que nous ne sommes pas les seuls !

Mais dans cet univers ultra compétitif où l’on doit être fort, brillant, investit, rassurant, performant… éloquent… confiant… une tape dans le dos au bout de 28h : c’est léger comme préparation… non ?

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