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La valise mexicaine, au Musée d’art et d’Histoire du Judaïsme (Paris 3)

Publié le 08 mars 2013 par Carnetauxpetiteschoses @O_petiteschoses

Capa, Taro Chim, les négatifs retrouvés de la guerre civile espagnole

IMG_20130305_165632La valise mexicaine, c’est le long voyage de plus de 4 500 images de la guerre d’Espagne, contenues dans 3 boites soigneusement légendées et annotées, par trois jeunes photographes de talent : Robert Capa, David Seymour Chim et Gerda Taro.

Elles sont restées enfouies pendant des années, jusqu’à reparaitre en 2007 au Mexique. L’exposition présente le fruit de ce travail de documentation de la guerre civile, en organisant minutieusement ces images par épisodes. Ainsi, explications, localisation géographique, planches contact et grands tirages qui en sont extraits représentent un chapitre (une bataille précise, un aspect de la vie…) : une scénographie intelligente et immersive pour une exposition qui illustre parfaitement la révolution du photojournalisme.

Le parcours de la valise…

La Valise mexicaine, Capa, Taro, Chim. Les négatifs retrouvés de la guerre civile espagnole, au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme

Du studio parisien de Robert Capa, les boites qui renferment les précieux tirages et négatifs de la Guerre d’Espagne partent à Bordeaux, emporté par Csiki Weisz, photographe hongrois et ami de Capa. Il confie « En 1939, alors que les allemands approchaient de Paris, j’ai mis tous les négatifs de Bob dans un sac et j’ai rejoint Bordeaux à vélo pour essayer d’embarquer sur un bateau à destination du Mexique. J’ai rencontré un Chilien dans la rue et je lui ai demandé de déposer mes paquets de films à son consulat pour qu’ils restent en sûreté. Il a accepté. » Les images restent introuvables pendant près de quarante ans. En 1979, le frère de Capa, qui est alors directeur de l’International Center of Photography publie un article dans une revue photographique pour les retrouver. Il n’obtient pas de résultat satisfaisant. Les photos sont en réalité en possession de Benjamin Taver un cinéaste mexicain, qui les a héritées de sa tante (qu’elle avait reçu de l’ex-ambassadeur du Mexique). Il les livre à une conservatrice de Mexico, qui remettra la valise à l’ICP en décembre 2007.

De la photo illustrative au photojournalisme

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Ces images reflètent un phénomène nouveau dans la pratique photographique, qui s’apparente à une révolution dans le photojournalisme. Avant le début de la guerre d’Espagne en Juillet 1936, les photographes travaillaient à l’illustration des articles produits par les journalistes. Lorsque le Général espagnol Franco lance ses troupes à la conquête de la république de son pays, les médias sont en alerte. Un tournant s’opère. La France réagit aussi immédiatement en dépêchant près de 200 envoyés spéciaux sur place, et parmi eux, notre couple Robert Capa et Gerda Taro.

Les photographes modifient leur statut et deviennent de véritables reporters d’images, des photojournalistes, et des journalistes à part entière, dont le travail est repris par la presse. Cette dernière cautionne le phénomène en adaptant ses maquettes à ces images, laissant plus volontiers la part belle au visuel, pour que l’image parle d’elle-même. Regards, Match, Ce soir… autant de publications qui reprendront les photos de Chim, Capra ou Taro, et qui leur consacreront une couverture.

La première salle de l’exposition (puis certains autres passages de la visite) nous montre comment les médias reprennent les images glanées sur places par les jeunes photographes. Cette mise en situation efficace permet de voir l’impact d’une image sur un pays, ce sont là les témoignages du terrain qui circulent à l’époque.

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Les photographes vivent les événements et en rendent compte par une réactivité nouvelle. Pour cela ils changent de matériel, troquant leurs lourds boitiers contre des appareils plus maniables et plus performants de type Leica (comme c’est le cas de Gerda Taro). Ainsi au cœur de l’action, les situations sont plus faciles à saisir, les images sont vivantes et cadrées plus près des sujets. Ces nouvelles représentations tranchent avec les images qu’on avait l’habitude de voir auparavant plus statiques.

Une belle illustration dans l’action de cette nouvelle forme de communication visuelle.

3 personnalités, 3 aspects différents des épisodes de la Guerre Civile

Portraits, scènes de groupes, vie quotidienne, et émotions diverses, les images des photographes fourmillent de menus détails. Dans la présentation des planches-contact il est possible de voir l’évolution d’une situation et de se situer encore davantage dans l’action.

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Capa, Chim et Taro

Robert Capa est hongrois d’origine, et quitte son pays à 17 ans pour rester en phase avec ses idées politiques de gauche. Il commence ses études de journalisme à Berlin et pratique la photographie pour gagner sa vie.

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A 20 ans il part à Paris, où il fait la connaissance de Gerda Taro, qui devient sa compagne et de Chim qui devient son ami. Chim est issu d’une famille d’intellectuels polonais. Il mène ses études d’arts graphiques en Allemagne, avant de partir à Paris suivre des cours à la Sorbonne. La photographie lui permet de subvenir à ses besoins, et ses images du Front Populaire sont reconnues. Il travaille alors régulièrement pour le magazine communiste Regards. Gerda Taro est l’une des premières femmes à être reconnues comme photojournaliste. Née en Allemagne, elle s’installe à Paris en 1933. Sa rencontre avec Endre Friedmann (Capa) est décisive. C’est lui qui l’initie à la photographie. Au printemps 1936, en couple, ils décident de se rebaptiser Robert Capa et Gerda Taro (de son vrai nom Pohorylle). Ils font le voyage en Espagne à leur propre compte, dans le but de documenter les événements. Gerda Taro est aussi la première femme photographe à trouver la mort lors d’un reportage sur le terrain (en 1937 alors qu’elle couvre la bataille de Brunete).

La visite débute avec l’imagerie de Chim, on y découvre des portraits, des scènes de vie et un regard porté volontairement loin du Front. C’est là, la particularité de Chim, livrer les portraits et rendre compte du quotidien. Il saisit les occupations des paysans loin des événements, les émotions des soldats et leurs activités diverses (il documente également les tâches les plus banales : nettoyage du sol ou préparation du repas dans les environs de Madrid, tirs à travers les barricades protégés du soleil de plomb par un parapluie lors du Siège de l’Alcazar près de Tolède en Septembre 1938), ou encore les expressions vives de la population.

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A retenir sa photo d’Une femme allaitant lors d’un meeting pour la révolution agraire, qui est aussi sa photo la plus célèbre de l’époque. Sur ce fragment de pellicule qui ne contient que 6 images, on trouve cette magnifique prise qui peut être lue à plusieurs niveaux. Elle sert ainsi le propos de plusieurs publications, tantôt pour dépeindre une madone dans Regards, ou pour illustrer des circonstances, la photo est légendée dans le journal Madrid, comme ayant été prise lors d’une attaque aérienne. Dans le cliché original, on voit cette illumination particulière, qui conforte l’interprétation plus proche de l’icône religieuse en montrant comment Chim réussi à illustrer plusieurs thème sur une seule photo.

En 1937, il photographie depuis son appartement à Bilbao, le défilé de soldats, républicains et basques, suite à l’élection du jeune président du gouvernement autonome basque. Ces images témoignent de ses recherches sur les perspectives qui caractériseront la Nouvelle Vision.

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Le reportage conjoint de Capa et Taro dans la cité universitaire et à Parque del Oeste, montrent l’œil spécifique de chacun des photographes. Si tous deux cherchent à saisir la vie au Front, Capa se situe dans une proximité profonde avec l’action, soucieux de prendre place dans le rythme particulier de la guerre. Nous le verrons sur les photos de soldats guettant puis courant par exemple. Taro pratique une photo plus construite, et l’on sent dans ses images la réflexion sur la composition. Mais par-dessus tout Taro affectionne les sujets à tendance morbide, et s’attache à retranscrire les expressions et sentiments des gens.

Ils partent tous les deux dans les rues madrilènes, derrière les soldats en route pour défendre la ville. Ils illustrent ensuite la vie dans les tranchées, des travaux de terrassement, aux gestes quotidiens comme le rasage, à l’action des obus, des tirs et des canons, jusqu’aux sentiments de crainte ou d’épuisement. La scénographie dispose les planches contact des deux photographes l’une à côté de l’autre pour que la comparaison de leurs regards distincts et spécifiques soit plus aisée. Taro installe une distance avec ses sujets, son point d’intérêt se situe dans la composition formelle de la procession de soldats qu’elle photographie. Capa au contraire cadre près des soldats, leur coupant volontairement les pieds comme s’ils investissaient, dans cette perspective basse, notre espace. Parmi les images, dans les planches contact on aperçoit une image incongrue : celle d’un ours sur le champ de bataille qui laisse deux soldats qui discutent, indifférents.

De la même façon, leurs planches respectives sont disposées côté-à-côte pour l’illustration des rues de Madrid après le bombardement de 1937. Leurs images décrivent l’ampleur des dégâts, représentant des ruines et des vestiges d’immeubles. La population dans les rues récupère des restes de leurs affaires ou des matériaux pour se chauffer.

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Le photographe allemand Stein les photographie tous les deux à de multiples reprises. Nous voyons à quel point Taro est une modèle intéressante qui passe facilement d’une expression à l’autre. Les photos de Taro endormie devaient aussi avoir beaucoup de valeur aux yeux de Capa pour qu’il les conserve aussi précieusement dans la valise.

Tous deux couvrent autant des batailles capitales (Brunete, Sègre, Teruel), des bombardements (Madrid ou Cordoue), et dépeignent une réalité : la vie sur le camp, les moissons, ou les blessés à l’hôpital, voir même à la morgue. Le reportage que réalise Capa de la Bataille de Teruel (Fin Décembre 1937 – Début Janvier 1938) montre à la fois les soldats, mais aussi les civils blessés ainsi que les journalistes comme Ernest Hemingway. Ces séries sont très vives et nous font participer à l’action. On y voit un soldat qui se cache puis qui s’élance. Il parvient aussi à photographier les soldats du camp ennemi, en prenant soin de ne pas saisir leurs regards.
Une des séries de Taro qui retient aussi l’attention c’est celle de l’hôpital et de la morgue, où elle cherche à faire ressortir les sentiments des soldats outre leur effroi, elle souhaite montrer leur détermination et leur humanité.

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Un témoignage poignant de ces 3 juifs polonais, allemand et hongrois, sur les lieux. Une présence héroïque et un talent indéniable. C’est ce que recèle la précieuse valise, en plus d’un formidable trésor de photojournalisme.

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« Si ta photo n’est pas bonne, c’est que tu n’es pas assez près » disait Capa…

A voir aussi au sortir de l’expo, et si cette dernière vous a plu, le format Télérama Album qui a été fait spécialement pour cette exposition. En petit format (17 x 22 cm) et en papier glacé, il contient l’essentiel des images vues pendant la visite et rappelle certains point importants sur les photographes.

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A voir :
La Valise mexicaine
Capa, Chim & Taro. Les négatifs retrouvés de la guerre civile espagnole
Jusqu’au 30 juin 2013
Au Musée d’art et d’histoire du judaïsme
71 rue du Temple
75003 Paris

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