L’attentat (Khadra)

Par Mo

L’attentat – Khadra © Pocket – 2011

« Amine Jaafari est palestinien. Il a obtenu la nationalité israélienne et exerce en tant de chirurgien dans un hôpital de Tel-Aviv. Amine est bien intégré ; il est marié et vit dans un quartier bourgeois de la ville. Enfin, il a de bons rapports avec ses collègues et de nombreux amis, y compris dans la police.

Amine a une bonne situation, une bonne réputation… Jusqu’à ce jour où sa vie bascule. Ce jour maudit où un kamikaze se fait exploser dans un restaurant de la ville. Ce kamikaze, c’est sa femme. Après le choc de la nouvelle, le médecin passe par différents stades, de la consternation à la colère.

Ce n’est pas mon épouse. Ce n’est pas elle. Je la connais, ce n’est pas elle…

Il a besoin de comprendre les raisons qui ont poussé sa femme à devenir une martyre de la cause palestinienne. Comprendre ! Cet objectif va devenir pour lui une obsession au point qu’il décide de mener sa propre enquête. Il souhaite poser ses questions aux leaders des mouvements extrémistes…

Je n’ai pas l’intention de me venger ou de démanteler le réseau. Je veux juste comprendre comment la femme de ma vie m’a exclu de la sienne »

(synopsis proposé à l’occasion de ma chronique BD).

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La construction de ce roman est sensiblement différente de celle de son adaptation en bande dessinée parue l’année dernière. En effet, si le roman choisit de nous dévoiler dès le prologue ce qu’il advient du personnage principal après la quête qu’il entreprend après le décès de sa femme, la bande dessinée fait le choix de ménager cet élément narratif… préservant ainsi totalement le dénouement final.

Dans un cas comme dans l’autre, le récit nous emporte dans le tourment de cet homme et dans le cheminement qu’il va effectué. Etape par étape, nous l’accompagnons dans la difficile acceptation d’une réalité qui lui semblait jusque-là improbable et dans la difficile assimilation de sentiments qui le tiraillent.

Sortir pour aller où ? La rue ne m’attire pas. Que vais-je y trouver de plus qu’hier ? Certainement beaucoup moins. Inutile d’essayer de se réconcilier avec les choses familières lorsque le cœur n’y est pas.

S’il est bien une chose qui ne m’avait pas autant interpellée dans la BD, c’est la vertigineuse descente aux enfers que fait cet homme. Dans l’œuvre originelle de Yasmina Khadra, il déraisonne tant et si bien qu’on imagine que la folie sera son seul refuge. Je ne l’avais pas perçu ainsi en lisant la bande dessinée.

Mais ce n’est pas tout. Durant toute ma lecture, j’ai eu l’impression de relire un roman qui m’était familier tout en le découvrant totalement. J’avais rencontré Amine en lisant le scénario de Loïc Dauvillier, je le découvrais différemment ou le retrouvais en lisant Khadra. Amine. Les mots de Yasmina Khadra le transcende, je l’ai découvert plus vivant que je ne l’avais perçu initialement, plus en colère, plus irresponsable aussi.  Un homme si obstiné que même ses proches (amis, famille) ne sont pas en capacité de lui faire entendre raison. Un électron libre qui s’agite dans tous les sens et refuse de voir la dangerosité de la situation dans laquelle il s’enferme.

L’habileté avec laquelle Yasmina Khadra décrit le parcours de cet homme m’a séduite. La subtilité avec laquelle il déplie son récit nous fait passer par moult sensations. Ses propos sont si descriptifs qu’ils nous emportent dans le tourbillon des sentiments de son personnage et avec lui, nous amène à réfléchir sur la notion de couple, de valeurs, d’amitié, de filiation, de traditions, de racisme et de croyances. Dans les dernières pages du roman, on pourra lire les termes de voyage initiatique. Car telle est bien la dynamique engagée par cet homme qui force le destin et remet en cause tout ce en quoi il croyait jusque-là.

Il n’y a que deux extrêmes dans la folie des hommes. L’instant où l’on prend conscience de son impuissance, et celui où l’on prend conscience de la vulnérabilité des autres. Il s’agit d’assumer sa folie, ou de la subir.

Superbe roman de Yasmina Khadra. Je vous sais déjà nombreux à l’avoir apprécié. Ce que j’en retiendrais, c’est un voyage au cœur d’un pays tiraillé depuis des siècles et un homme impuissant face à la situation qu’il est amené à gérer.

Dorénavant j’ai une satisfaction, j’ai la certitude qu’il est préférable de lire l’adaptation de Loïc Dauvillier et Glen Chapron avant de lire l’œuvre originelle. Cela m’a permis de m’aventurer en terrain connu tout en découvrant presque totalement le récit. Mais je voudrais aussi saluer la qualité du travail de Dauvillier qui a contribué à donner une seconde vie à ce roman tout en ne déflorant ni son essence ni sa substantifique moelle.

Un très bel ouvrage. Si ce n’est déjà fait, je vous invite à le lire à votre tour. De mon côté, je viens d’acheter Les hirondelles de Kaboul

Une lecture commune que je partage avec Nahe (je te remercie encore de m’avoir offert ce roman !!) et Cristie.

Du côté des challenges :

Tour du Monde en 8 ans : Algérie

Tour du Monde en 8 ans

Extraits :

« Il est toujours content lorsqu’on lui rend visite. Pour lui, c’est comme si on le ressuscitait. Il vit en ermite malgré lui, oublié dans sa maison qu’il avait construite de ses mains, au milieu de ses livres et de ses photos racontant de long en large les horreurs de la Shoah. Aussi quand un parent ou un ami vient frapper à sa porte, c’est comme si on soulevait la trappe sous laquelle il se terre pour mettre un peu de lumière dans sa nuit » (L’attentat).

« Un islamiste est un militant politique. Il n’a qu’une seule ambition : instaurer un Etat théocratique dans son pays et jouir pleinement de sa souveraineté et de son indépendance… Un intégriste est un djihadiste jusqu’au-boutiste. Il ne croit pas à la souveraineté des Etats musulmans ni à leur autonomie. Pour lui, ce sont des Etats vassaux qui seront appelés à se dissoudre au profit d’un seul califat. Car l’intégriste rêve d’une ouma une et indivisible qui s’étendrait de l’Indonésie au Maroc pour, à défaut de convertir l’Occident à l’islam, l’assujettir ou le détruire » (L’attentat).

« Je ne comprendrais jamais pourquoi les survivants d’un drame se sentent obligés de faire croire qu’ils sont plus à plaindre que ceux qui y ont laissé leur peau » (L’attentat).

L’attentat

Editeur : Pocket

Auteur : Yasmina KHADRA

Dépôt légal : janvier 2011 (1è édition en 2005 chez Julliard)

ISBN : 978-2-266-20497-2