Le référendum alsacien, pourquoi non ?

Publié le 08 mars 2013 par Edgar @edgarpoe

Suite à une question sur mon billet précédent, j'ai cherché quelques éléments supplémentaires sur le référendum alsacien.

Il s'agirait de fusionner départements et régions.

Ma réaction instinctive est de rejeter ce projet.

La région Alsace a déjà obtenu de négocier directement avec Bruxelles les attributions de fonds européens.

C'est une des régions françaises la plus culturellement forte, à l'identité la plus marquée (même s'il faut avoir pénétré dans une librairie locale, être tombé sur le rayon des Malgré-Nous pour comprendre qu'il y a une grande douleur d'être alsacien probablement, ou un malaise toujours présent).

Cette réforme peut donc être comprise comme un petit pas de plus vers une indépendance, ou une forte autonomie, comme en Catalogne.

Même chose avec la scission du département du Rhône et la constitution de Lyon en "métropole européenne", on a l'impression qu'il s'agit, pour les détenteurs du pouvoir parisien, de cajoler quelques féodaux en leur donnant des miettes de la république française en cours de démantèlement (belle phrase de Philippe Richert, président du Conseil Régional d'Alsace : "Paris nous laisse plutôt faire. A nous d'y aller". Paris, en effet, ne sait plus faire que cela : laisser faire.)

On aboutit à la constitution de satrapies locales, où l'arbitraire est bien pire que celui de la république honnie (par les régionalistes les plus virulents).

Il faut avoir connu le pouvoir de Georges Frêche, Septiman le terrible, pour savoir ce que cela peut recouvrir de porte ouverte au pouvoir personnel le plus abrupt.

J'entendais il y a peu que des subventions publiques du Conseil régional de Poitou-Charentes s'appellaient "bourses régionales désir d'entreprendre" : comment dire de la façon la plus directe que recevoir cette bourse c'est faire allégeance à la galaxie désirante de Dame Ségolène ?

Mais tout ceci ce n'est que réaction instinctive.

Et des alsaciens ont apparemment des éléments de réflexion  plus précis.

La réforme est, par exemple, censée simplifier les collectivités alsaciennes.

En réalité, comme le montre le blog de Mathieu Lavarenne, la simplification est en réalité complexification, tant il a fallu concilier les intérêts des baronnets locaux - cf. schéma ci-dessous, recopié sur le site que les lecteurs intéressés liront plus avant. On remarque que les départements sont transformés en conférences départementales et que le paysage final n'a pas l'air plus simple que le précédent...

 Il y a même une nouvelle version et des complications, puisque Hollande a annoncé à Strasbourg que la ville allait être dotée d'un statut de "métropole européenne". Le schéma devient encore plus rigolo :

Les autonomistes les plus radicaux salivent déjà en Alsace. L'association Unsri Heimet prépare déjà l'absorption de l'Allemagne par l'Alsace : "le destin de notre petit pays [...] est européen, tourné durablement vers l'autre rive du Rhin et non derrière les Vosges".

Jeune Alsace, mouvement associé à Unsri Heimet.

Il ne s'agit pas de nier que le schéma territorial napoléonien a peut-être besoin d'un coup de pinceau. Mais si la réforme alsacienne est le prototype de la future organisation de la France, pourquoi est-ce aux seuls alsaciens, le 7 avril, de décider du futur de nos territoires, comme on dit maintenant ?

Si la réforme passe, avec celle de Lyon, et d'autres à venir, il n'y aura plus de citoyens français. L'un sera ressortissant de la satrapie d'Alsace, l'autre citoyen de la bonne ville de Lyon, le troisième dépendra de l'eurorégion du pays basque. L'essentiel restera que tous ne seront plus soumis,in fine, qu'à Bruxelles, Paris ayant disparu du paysage en tant qu'autorité légitime.

C'est peut-être une bonne chose que ce projet fédéral européen. Mais les partisans d'un tel projet avancent masqués. Les éléments d'un redécoupage/dépeçage de la république se présentent de façon discrète, subreptice, comme en toute chose européenne, à petits pas.

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La nullité absolue de l'équipe Hollande sur ce sujet se comprend dans la position du maire PS de Strasbourg, Roland Ries, qui va probablement voter Non au projet,(avec des arguments assez clientélistes) et qui ne comprend pas le chèque en blanc laissé par Paris à des élus locaux alsaciens majoritairement de droite. Le projet est si mal ficelé, au passage, que personne ne sait ce qu'il restera des préfectures départementales en cas de oui. 

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Le vote aura donc lieu le 7 avril. Je ne voterai pas non, n'étant pas alsacien, mais le coeur y sera.