La liberté n’a pas de prix a -t-on coutume d’entendre. La question demeure: cette aide est-elle fondée? Surtout pour la presse qui prône une économie ultra-libérale, des sacrifices à tout va et une disparition de l’Etat a-ton envie de préciser.
Quant à l’indépendance de la presse vis à vis du pouvoir, nul besoin pour certains journalistes d’être aux ordres, mais difficile de croire que ces aides sont sans incidences.
En plus des aides directes, la presse reçoit des aides indirectes: subvention Poste pour distribution de la presse en zone peu dense, investissement publicitaire dépensé par l’État, exonération de charges sociales pour les colporteurs, déduction forfaitaire de frais professionnels de 7 600 euros par an pour les journalistes, etc… et surtout un taux de TVA plus que compétitif de 2,1 %. À côté du « taux normal » à 19,6% applicable à la plupart des biens et des services vendus, et à côté du « taux réduit » (5,5 ou 7 %) réservé aux produits de première nécessité, il existe un taux dit « super réduit » à 2,1 % dont bénéficient les ventes de presse écrite… mais non les médias présents sur Internet, soumis, eux, au taux de 19,6 %.
Dans son rapport, La Cour des Comptes a fait l’estimation suivante pour la période 2009-2011: « …En prenant en compte le coût de l’avantage du taux de TVA à 2,1 % par rapport au taux normal de TVA à 19,6 %, le total cumulé des aides directes et indirectes accordées au secteur de la presse écrite sur cette même période peut être estimé à 5 milliards d’euros ».
En 2012, l’éditeur Jean Picollec en se basant sur le chiffre d’affaire global du secteur de la presse de 9,6 milliards par an, soit environ 30 milliards sur trois ans, a estimé que les aides représentent ainsi 18 % de ce chiffre d’affaires, ce que Benjamin Dormann avait du reste déjà calculé dans son excellent livre « Ils ont acheté la presse », ce qui est plus qu’une simple « subvention ».
L’Observatoire de subventions a établi le classement des grands subventionnés, sachant que 50 % du montant total des subventions à la presse bénéficient à 2 % des titres aidés, soit 9 titres…
Voici le classement de toutes les aides directes à la presse en 2011.
- Le Monde : 16 932 067 euros de subvention (environ 30 000 euros par salarié…)
- Le Figaro : 15 990 740 euros de subvention
- Ouest France : 14 108 028 euros de subvention
- La Croix : 10 437 334 euros de subventions
- Télérama : 9 533 479 euros de subvention
- Libération : 8 971 182 euros de subvention
- Le Nouvel Observateur : 7 917 224 euros de subvention
- L’Express : 7 621 766 euros de subvention
- Télé 7 jours : 7 288 021 euros de subvention
- Aujourd’hui en France : 6 777 475 euros de subvention
- Sud Ouest : 6 707 844 euros de subvention
- L’Humanité : 6 259 222 euros de subvention
- Paris Match : 5 359 329 euros de subvention
- La Nouvelle République du centre ouest : 5 171 578 euros de subvention
- A2 presse : 4 868 424 euros de subvention
- Télé Star : 4 790 124 euros de subvention
- La Voix du Nord : 4 546 741 euros de subvention
- Le Point : 4 543 178 euros de subvention
- Télé Loisirs : 4 411 904 euros de subvention
- La Dépêche du Midi : 4 038 548 euros de subvention
- Le Dauphiné libéré : 3 927 893 euros de subvention
- Newsprint SAS : 3 900 000 euros de subvention
- Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) : 3 771 080 euros de subvention
- Les Échos : 3 753 737 euros de subvention
- La Montagne : 3 747 371 euros de subvention
- Télé Z : 3 745 212 euros de subvention
- Télégramme : 3 739 454 euros de subvention
- Télécâble Sat hebdo : 3 324 771 euros de subvention
- Le Petit Quotidien : 3 298 437 euros de subvention
Au vu de cette liste, il y a de quoi se poser des questions sur la « réalité de la liberté d’expression et de pluralisme » censés fonder ces subventions. Que viennent en effet faire là cinq magazines télé?!?
La ministre de la Culture Aurélie Filippetti envisage de réformer le système d’attribution des aides à la presse pour mettre en place une aide sélective aux journaux d’information “citoyenne” au détriment des aides à la presse loisir.
On se demande pourquoi cela n’a pas été fait avant et quels sont les critères – hormis le « piston » bien sûr – pour bénéficier d’une aide.
Bref encore une subvention lamentable, souvent démesurée, infondée (le news de Christophe Barbier et le Figaro , chantres du libéralisme, subventionnés, on rêve) octroyée sur les bonnes relations et certainement pas désintéressée.
Les aides à la presse sont au demeurant souvent injustes car payées au profit de beaucoup qui pourraient largement s’en passer (Rothschild possédant Libération, Dassault possédant Le Figaro, etc.) et tuent en fait le pluralisme qu’elles prétendent défendre ( 50% des subventions pour 2% des titres…)
La presse en ligne n’est pas en reste avec 30 millions d’euros de subventions. La liste des bénéficiaires et le montant des subventions publiques à la presse en ligne n’ont pas été rendus publics. Rue 89 et Médiapart en recevraient… Énorme déception.
Pour conclure, Novovision résume bien la situation dans un article « Subventions à la presse en ligne : une trahison pour un plat de lentilles » : « C’est plus qu’étrange, c’est plus qu’une anomalie. C’est un scandale. Le fait même que la presse, dans son ensemble, se refuse délibérément à jouer son rôle d’information des citoyens-contribuables sur l’utilisation des fonds publics, dès lors qu’elle en est elle-même la bénéficiaire, suffit, à mon avis, à pointer la gravité du problème : la presse a donc bel et bien des choses à cacher, à nous cacher, sur notre argent et sur ce qu’elle en fait !
Sources: Observatoire des subventions – Observatoire des Journalistes et de l’Information médiatique via L’Echelle de Jacob