POP - La France n’est certainement pas le pays de la pop. En même temps, avec notre réputation de râleurs, fainéants, quelle idée de se mettre à chanter les moments simples et heureux de nos vies? Cette philosophie n’est pourtant pas applicable qu’à une simple marque de jambon blanc et les Caennais de Concrete Knives sont sortis de leurs immeubles un peu mornes pour réveiller l’hexagone avec quelques comptines chorales pop, légères, dynamiques mais jamais extravagantes.
BE YOUR OWN KING, slogan plus indépendantiste que responsabilisant à l’écoute de cet album, s’est attiré les mots doux de la critique hexagonale. Le quintette a séduit, confirmé, et marqué les esprits. Un oasis luxurieux, certes, mais la pop française ce n’est pas non plus la jungle, l’énorme compétition et quelques chansons rafraichissantes suffisent à se désaltérer au milieu de la traversée d’un vase désert. Car si les Français peuvent se féliciter d’avoir charmé le label anglais Bella Union (Fleet Foxes, Midlake), leur pop ne révolutionne pas le genre. Dans le sillon de The Shoes, nouveau fer de lance français, Concrete Knives s’est accroché à la bonne dynamique de The Bewitched Hands. Les deux groupes ont d’ailleurs joué ensemble à plusieurs reprises. La formation de Nicolas Delahaye et Morgane Colas, glissent néanmoins des compositions moins complexes et travaillées que leurs compères Rémois.
Dans un format standard pop toujours très ciblé radio, des compositions éphémères comme "Happy Mondays", "Wallpaper" et "Bornholmer" ne laissent pas insensibles. La bonhomie est de rigueur avec des refrains et des choeurs au rythme aiguisé d’une basse agitée et des accords de guitare sautillants. L’album ne fleure pourtant pas l’extase et "Roller Boogie" ou "Blessed" démontrent un sensibilité plus ambigüe, en retenue. Si les Concrete Knives se disent très inspirés par le automates lunatiques de Clap Your Hand Say Yeah, l’énergie foutraque des Britanniques ne se retrouve jamais dans l’écriture musicale des Caennais. Si ce modèle persiste, l’aspect pop mélancolique parait plus en cohésion avec l’identité du groupe français. BE YOUR OWN KING peint en effet un tableau épicurien et mélancolique en pointillés, sans coups de pinceaux appuyés. Malheureusement, cet album semble faire la moue, entre un sourire enthousiaste et un pincement de lèvres symbolique d’une jeunesse en quête d’avenir doré, aucun parti n’est pris et assumé. Une identité à creuser, surtout qu’il est difficile d’en saisir la sincérité en 35 minutes de musique.