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« Nous devons faire preuve de pédagogie »

Publié le 07 mars 2013 par Rolandlabregere

Le 1er mars, dans une vidéo postée sur Dailymotion, le Premier ministre explique, dévorant des yeux un prompteur hors champ, tout le bien qu’il faut penser du Crédit d’impôts compétitivité emploi (CICE) et la Banque publique d’investissement (BPI). L’enregistrement est un brin suranné et sans doute ne fera pas date comme modèle à imiter. http://www.dailymotion.com/video/xxvrn8_la-competitivite-c-est-l-emploi_news. Deux semaines plus tôt, Jean-Marc Ayrault, le 15 février à Reims à l’occasion d’une visite au lycée Colbert, a choisi de signer les premiers emplois d’avenir enseignants. Il avait à cette occasion déclaré «La pédagogie, c'est l'art de patienter. Il ne faut pas avoir peur de persévérer ! ». La presse, unanimement, se plaît à souligner que Jean-Marc Ayrault joue au professeur ou qu’il use de pédagogie.

Ce n’est pas la première fois, ce ne sera pas la dernière non plus, que les politiques endossent le costume du maître d’école plus que celui du professeur ou celui du savant pour expliquer et tenter de faire partager le bien-fondé d’orientations politiques ou de décisions qui doivent être, disent-ils, expliquées à la population. Expliquer, faire de la pédagogie sont pris pour des synonymes d’informer. Pourtant, plus qu’une nuance sépare les deux notions. Quand l’enseignant explique une règle de grammaire, c’est pour qu’elle soit retenue, comprise et appliquée. L’objet de la pédagogie est l’apprentissage. Quand le politique d’aujourd’hui déclare nécessaire de faire preuve de pédagogie, il met en route une opération de communication pour justifier sa politique et cherche à déclencher l’adhésion à celle-ci. L’intention de faire preuve de pédagogie dans le discours laisse entendre que les destinataires du discours à vocation pédagogique ne peuvent accéder à telle ou telle information que par le truchement d’un discours adapté. Cette représentation de la pédagogie n’est ni plus ni moins qu’une tentative de manipulation : des experts, des décideurs, des managers vont expliquer non pas pourquoi une décision est prise mais comment celle-ci doit être entendue. Dans cette recherche de la persuasion à tout prix, il n’y a pas d’alternative : il faut comprendre comme indiqué ! La preuve par la pédagogie est à l'action politique ce que la notice est au médicament : le mode d'emploi est à respecter sous peine d'effets secondaires.  Serait pédagogue, le politique qui transmettrait un savoir afin que chacun comprenne selon ses perspectives et se prononce en toute liberté sur les attendus d’une politique. Cette représentation de la relation des politiques et des citoyens fonctionne selon un schéma archaïque, celui d’un pays peuplé d’ignorants, de citoyens qui n'ont pas accès à la connaissance. Les politiques qui se muent en pédagogues ne jouent pas forcément gagnants. En dépit d’énormes efforts des partisans du traité établissant une Constitution pour l'Europe, le référendum de 2005 a rejeté le texte. Etre pédagogue, ce n’est pas avoir de l’emprise sur des tiers mais leur donner les moyens de se réaliser et de tracer leur voie. La pédagogie ne peut opérer que dans une relation de respect et de confiance.

Asséner par une communication qui tourne en boucle qu’il faut faire preuve de pédagogie peut vite devenir contre-productif. Les politiques et les décideurs qui se rêvent en pédagogues efficaces ne doivent pas oublier que dans la réalité de la classe, une part importante des élèves connait l’ennui qui peut les conduire jusqu’au décrochage


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