Trois milliards et quelques de passagers aériens, ceux qui feront les statistiques de trafic de l’année 2013, seront heureux d’apprendre l’arrivée prochaine du ŤCoFť, impatiemment attendu ŕ travers la plančte tout entičre : il s’agit du poste de contrôle de sűreté de l’avenir, Ťcheck point of the futureť. Il annonce, nous dit-on, la fin des queues interminables qui constituent l’ultime épreuve avant embarquement, souvent la plus longue épreuve, indispensable mais absurde, ŕ l’image de l’époque difficile qui est la nôtre.
Ces contrôles sont devenus incontournables, indispensables, depuis l’invention du terrorisme moderne. Mais ils sont pensés et appliqués de maničre aveugle, sans discernement, sans réflexion. Une seule et męme rčgle s’applique ŕ tous les voyageurs, qu’ils se préparent ŕ monter ŕ bord d’un ATR 42 de Hop! ou d’un long-courrier d’El Al. Le Ťprofilageť reste un vain mot et, pire, le bon sens n’est pas au rendez-vous.
Les attaques terroristes contre New York et Washington de septembre 2001 ont, trčs logiquement, conduit ŕ un durcissement de la maničre de faire, l’exemple américain, proche de la paranoďa, étant suivi un peu partout. Le résultat est aberrant : le transport aérien investi plus de 8 milliards de dollars par an dans la sűreté. De plus, le bon fonctionnement du secteur tout entier est fréquemment perturbé par des retards incontrôlables : des goulets d’étranglement se forment dans les aérogares et on assiste ŕ la formation de queues interminables de voyageurs mécontents.
C’est, jusqu’ŕ présent, un thčme qui fait florčs dans les colloques, mais sans plus. On ne compte plus les analyses des causes et effets proposées par des technocrates au petit pied mais les initiatives concrčtes se font singuličrement attendre. C’est d’autant moins étonnant qu’elles ne peuvent venir que des Etats, généralement incapables de comprendre le fonctionnement d’une aérogare. Les compagnies aériennes et leurs groupements professionnels, pour leur part, ont curieusement tardé ŕ s’insurger contre le traitement de ce nouveau mal du sičcle. Tout au plus ont-ils salué l’arrivée de portiques plus perfectionnés que les précédents, pas toujours utilisés au mieux de leurs capacités par des personnels recrutés par des prestataires de service, externalisation oblige.
Dans la vie de tous les jours, le petit cadre technico-commercial qui effectue un saut rapide ŕ l’autre bout de la France pour présenter son catalogue de robinets et le PDG au long cours soucieux de la bonne tenue de ses stock options qui traverse les fuseaux horaires, le grand-pčre craintif qui aurait préféré le TGV, tout le monde est logé ŕ la męme enseigne : enlevez votre ceinture, retirer vos chaussures, placez votre monnaie dans ce panier, etc., etc. Une scénette ŕ répéter plus de trois milliards de fois dans l’année.
Un point de contrôle traite 150 passagers ŕ l’heure, contre plus du double avant le 11 septembre 2001. L’IATA, qui vient enfin de se réveiller, s’en prend ŕ juste titre ŕ la politique, en langage imagé, de la Ťtaille uniqueť, ou Ťone size fits allť, une bonne maničre de dénoncer le traitement aveugle, le nivellement par le haut, dont souffrent tous les voyageurs. Tony Tyler, directeur général de l’IATA, qui vient de s’exprimer sur ce thčme ŕ New York, faisant ainsi preuve d’audace et de courage, a dit haut et clair que Ť99,9999% des passagers aériens ne posent aucun problčmeť.
Du coup, l’annonce du CoF, checkpoint of the future, fait figure d’événement. On ne nous dit pas encore ce qu’il sera, si ce n’est que son fonctionnement reposera sur une évaluation du risque, cela en visant une maničre de faire Ťplus acceptableť. On comprend que le CoF devrait, notamment, prendre en compte les informations confiées (aux Etats-Unis) aux fichiers Advance Passenger Information et Passenger Name Record, toute la difficulté consistant ŕ respecter et protéger la vie privée, ŕ supposer qu’elle existe encore. Des essais de certains éléments du futur CoF ont déjŕ eu lieu ŕ Amsterdam, Genčve et Londres, d’autres sont prévus pour la fin de l’année et en 2014.
Au passage, Tony Tyler a rappelé que le trafic aérien passera le cap des 6 milliards de passagers annuels ŕ l’horizon 2030. En d’autres termes, sans sűreté mieux appréhendée, il faudrait se mettre tout de suite dans la queue pour ne pas rater son avion.
Pierre Sparaco-AeroMorning