Fêlée, un mot du titre, La petite fêlée aux allumettes, convient
parfaitement à décrire la romancière belge. A condition de le prononcer avec
une nuance de respect dans la voix. Car Nadine Monfils ose tout sans s’inquiéter
de l’effet presque hallucinogène qu’aura son imagination délirante sur le
lecteur. Il fallait s’y attendre : cette littérature provoque un tel effet
d’accoutumance qu’il devient impossible de s’en passer. D’où le succès, il y a deux ans, des Vacances d’un serial killer,
pourtant un de ses livres les plus faibles, péchant par une mise en scène
bricolée où les ficelles étaient trop visibles.Rien de tel,
heureusement, dans son avant-dernier roman republié en poche, où elle a pris la peine de resserrer les
boulons tout en dégrippant les articulations qui grinçaient. Il n’y a donc que
du bonheur à reprendre, sans risques, une bonne lampée de l’excellent cocktail
dont elle seule est capable de doser les ingrédients.Les personnages, plus
déjantés les uns que les autres, sont en première ligne dans sa recette. Nake,
une jeune barjo. Mémé Cornemuse, dont certains connaissent déjà le grand âge
autant que l’extrême vitalité. Max, l’ivrogne vengeur. Cooper, l’inspecteur
dont le seul amour, son chien, vient de mourir. Michou, son collègue (collègue
de l’inspecteur, pas du chien !), flic le jour, travelo la nuit et pour
qui, au contraire de Magritte dont la peinture influence la vie à Pandore, une
pipe est une pipe !
Un brin de fantastique ne nuit pas au décor
hanté par des hommes en chapeau boule. Le tricot est un outil de voyance. Et
les allumettes aussi, bien sûr, pour des flashs effrayants. Car des meurtres
ponctuent la vie à Pandore, il faut de l’hémoglobine pour donner la couleur du
polar à La petite fêlée aux allumettes.
Polar à nul autre pareil, dont l’intrigue est assez construite pour tenir en
haleine les amateurs du genre. Mais intrigue qui passe à l’arrière-plan d’un
livre tout en soubresauts inattendus, provoqués par une romancière qui ne se
lasse pas de surprendre.
En même temps paraît le nouveau roman de Nadine Monfils, La vieille qui voulait tuer le bon dieu.